15 September 2011
2011-09-15
Aston Martin, certainement l’une des marques les plus prestigieuses au monde, s’aventure dans le nouveau segment à la mode des coupés-berlines ou berlines-coupés, selon votre préférence.
Texte : Jérôme Marchon / Photos : Tony Da Silva, Claude-Alain Ferrière
A l’origine d’obédience plutôt germanique avec la CLS de Mercedes-Benz suivie de près par l’A7 d’Audi chez les généralistes, cette tendance a su également séduire les constructeurs de GT – sans expérience, ou presque, dans le domaine des berlines – qui ont flairé le bon filon pour proposer leurs bolides sportifs en configuration familiale. C’est le cas avec Porsche et sa Panamera, Lamborghini et son Estoque et Aston Martin avec sa Rapide. Si la première semble convaincre techniquement, mais nettement moins question style, la seconde sera quant à elle probablement cantonnée aux sunlights des salons automobiles. Nous avons pris le volant du troisième larron, emmené par un magistral V12, pour un road-trip on ne peut plus « Grand Tourisme » à travers nos Alpes en rendant visite aux plus beaux hôtels du pays. Nos impressions.
A l’extérieur
Il faut remonter à la fin de la décennie 70 et ses excentricités pour retrouver la trace de la dernière berline signée Aston Martin. Rappelez-vous de cette monumentale Lagonda, taillée à la hache, réalisée pour satisfaire les princes du pétrole et les rock-stars sous influence de produits divers. Le patronyme Rapide, lui, est repris d’une berline Lagonda des années 60. Donc puisant dans ce riche patrimoine, Aston Martin présente en 2006 un concept-car de berline sportive, très proche de ce qui deviendra la Rapide en 2009, dont le cahier des charges pourrait se résumer à la conception d’une auto permettant de partager en famille, ou tout au moins « à quatre », le Grand Tourisme, si cher à la marque de Gaydon.
Même si l’esthétique est très subjective, je reste sans voix devant la beauté de cette Rapide qui allie élégance et sportivité. Dérivée du coupé DB9, l’ajout des places arrières fait gagner 25 cm (15 cm en empattement) à la Rapide dont la longueur culmine à 5,02 m. Les traits distinctifs Aston Martin sont bien là : un profil élancé que souligne une nervure sur les flancs, les petites surfaces vitrées, les ouïes latérales, la calandre à la forme si particulière et provocante et cette chute de reins inimitable. Les blocs optiques intègrent les rampes de LEDs apparues sur la V8 Vantage, coupé avec lequel la Rapide partage les lignes de sa poupe. Même si l’on distingue la découpe des portes arrière, les artifices stylistiques utilisés – tels que l’absence de montant central, les poignées camouflées et l’applique en chrome courant sur les ouvrants – participent à entretenir le mystère sur la réelle appartenance de la Rapide. Coupé ? oui et non. Berline ? Hum… Peut-être… Belle et sensuelle, ses galbes merveilleusement mis en valeur par cette teinte « Silver Blonde », quasi parfaite sous tous les angles, cette Aston Martin met sans conteste « un vent » magistral à ses rivales, reléguant la Panamera au rang de difformité et faisant même prendre un sacré coup de vieux à la sculpturale Maserati Quattroporte.
A l’intérieur
Jamais à court d’idées originales, probablement inspirées par les aventures de James Bond, son ambassadeur légendaire, Aston Martin propose en option une montre permettant le contrôle du verrouillage des portes. Imaginé, mis au point et manufacturé par Jaeger-LeCoultre, ce petit bijou de mécanique et technologie d’avant-garde, appelé AMVOX2 Rapide Transponder*, se pilote du bout des doigts sur le verre.
J’effleure donc la glace saphir, les clignotants quittancent l’ordre et j’ouvre les portes qui remontent comme des ailes de cygne (« swan wings »). S’offre alors à moi un intérieur dont l’atmosphère aiguise les sens. La présentation est flatteuse, l’utilisation de matériaux nobles comme le cuir, du bois précieux, l’alcantara et le magnésium rendent l’ensemble élégant, mêlant tradition, haute technologie et sportivité. Je reste également impressionné par le souci du détail : cuir omniprésent, équipement pléthorique (sièges ventilés, installation DVD, sonorisation Bang & Olufsen) et poignées de maintien en métal taillées dans la masse. L’assemblage, artisanal, est de bonne qualité, laissant apparaître quelques petites imperfections qui signent en définitive un travail manuel. Attention toutefois, lors de la configuration du véhicule, à harmoniser les teintes et essences de bois car certaines combinaisons flirtent très vite avec la faute de goût, comme le volant noir sur cuir « chocolat amer » (« Bitter Chocolate ») de notre modèle d’essai. L’instrumentation rétro-éclairée et aux aiguilles antagonistes, typique de la marque et inspirée de l’horlogerie, confirme que la place de choix se trouve derrière le volant. La position de conduite est optimale et facile à trouver.
Les passagers arrière sont installés dans des baquets offrant à la fois confort et maintien. Cependant, l’accessibilité et l’espace aux jambes sont comptés, de même que la largeur aux coudes, entravée par la présence de l’imposant tunnel de transmission. Claustrophobes s’abstenir tant la visibilité vers l’extérieur est limitée et la garde au toit pour le moins restreinte. Vous aurez cependant l’occasion de tuer le temps grâce à l’installation DVD logée dans les dossiers des sièges avant. Ces derniers, inédits au sein de la gamme Aston, offrent un confort hors pair et garantissent un voyage exempt de fatigue.
On accède au coffre via le grand hayon. Peu volumineuse (317 l.), passablement obstruée par la présence de la boîte de vitesses sous son plancher, la malle offre toutefois suffisamment de place pour loger quelques bagages ou deux sacs de golf. La Rapide sait également se montrer pratique en offrant la possibilité de rabattre les dossiers arrière, proposant ainsi un volume de chargement plus conséquent (886 l.) à plancher plat… tendu de moquette profonde et de cuir soyeux.
Aussi magnifique qu’il puisse être, l’intérieur de la Rapide cache cependant quelques défauts incongrus pour une auto de ce prix : la fermeture du coffre est non-assistée, nécessitant de claquer avec force le hayon. Alors que les réglages du siège conducteur sont entièrement électriques, ceux de la colonne de direction restent manuels. A l’heure où même les citadines d’entrée de gamme proposent l’allumage automatique des projecteurs, cette assistance brille par son absence sur la Rapide. L’ergonomie et la disposition des commandes sur la console centrale demanderaient à être revues car peu claires, de même que l’emprunt à Volvo du module GPS qui date du paléolithique de la technologie. Enfin, les appliques en plastique de la façade de la console centrale laissent échapper quelques rossignols sur revêtement dégradé, alors que notre modèle d’essai sortait tout droit du rodage… Certes, ces quelques points sont sans gravité et j’ai vite eu fait de pardonner, mais ce constat s’avère néanmoins agaçant lorsqu’il est exigé de laisser plus de CHF 200’000.- sur le comptoir du concessionnaire pour accéder au vaisseau amiral d’Aston Martin. Même si la passion guide un tel achat, tout le monde ne fait pas preuve du même degré de mansuétude.
Sous le capot
Le cérémonial de démarrage du V12 vaut également le détour : insérer la clé faite de chrome et cristal dans le logement prévu à cet effet sur le haut de la console centrale. Appuyer quelques secondes, l’entourage de l’orifice vire au rouge et le douze cylindres s’ébroue dans un concert de borborygmes, mélodieux et envoûtant. D’une cylindrée de 6.0 litres et conçu entièrement en aluminium, il développe la puissance de 477 CV à 6’000 t/min pour un couple maximal de 600 Nm à 5’000 t/min. Alors que ses concurrentes optent pour des V8, l’Aston Martin joue ici aussi la carte du Grand Tourisme de prestige. A mi-chemin entre l’exubérance à tous niveaux d’une mécanique italienne et la perfection clinique d’un V12 allemand, le bloc Aston se veut un savant mélange entre bestialité et retenue.
Toujours plein, il se joue avec aisance des près de deux tonnes de la berline. Très rond et velouté jusque vers 3’500 t/min, son allonge est sans fin et il affirme avec toujours plus d’insistance sa présence dans des montées en régime à la bande sonore tonitruante (max. 6’800 t/min).
Grâce à la transmission automatique à convertisseur Touchtronic 2, l’ensemble moteur-boîte est très homogène. Les rapports s’enchaînent sans à-coups et leur étagement permet d’évoluer sans souci sur le couple (moins de 2’000 t/min à 120 km/h). La présence des palettes sur la colonne de direction est d’une utilité secondaire et leur célérité dans le passage des rapports à la montée fait place à une certaine latence au rétrogradage, réactivité sacrifiée sur l’autel du confort.
Enfin, petit clin d’œil au passage, la plaquette portant le nom de l’ingénieur chargé du contrôle final en bout de chaîne est à consonance germanique du fait que la Rapide est construite en Autriche sur les chaînes de Magna-Steyr à Graz. Dès 2012 la production sera rapatriée à Gaydon en Grande-Bretagne.
En termes de consommation, un V12 fait rarement dans la sobriété. Notre essai a nécessité en moyenne 20.4 l./100 km, ce qui n’est pas si énorme vu le type de moteur et surtout la topographie des routes parcourues lors de notre essai.
Au volant
Empruntant donc la plate-forme en aluminium de la DB9, la Rapide jouit d’un comportement proche de celui d’une GT ; ni limousine « tapis volant », ni sportive pure et dure, mais diablement communicative.
Les virages de la Tremola et ses pavés humides sont l’occasion de tester les qualités dynamiques de la grande Aston. A cause son empattement imposant et le poids du V12 à l’avant, le comportement de la Rapide manque d’agilité mais demeure sain et sécurisant. Le grip des gommards de 295 de large à l’arrière met immédiatement en confiance. La belle absorbe les irrégularités de la chaussée avec flegme tout en maîtrisant les mouvements de caisse. J’attaque les épingles. L’équilibre des masses de 51% à l’avant et 49% à l’arrière, grâce à l’architecture transaxle (moteur à l’avant, boîte de vitesses à l’arrière), engendre un léger sous-virage surtout à l’attaque de courbes serrées. Cet effet disparaît totalement dès que les courbes s’élargissent et le rythme s’accélère. Le train arrière suit sans broncher, comme posé sur un rail. La motricité est imperturbable, même en conditions d’adhérence précaires ; l’antipatinage ne viendra juguler la cavalerie que si vous vous montrez trop exigeant, voire grossier avec l’accélérateur. La direction, à l’image de celle du coupé V8 Vantage, distille au pilote tout ce qui se passe sous le train avant grâce à une assistance ferme et bien dosée, quelle que soit la vitesse.
En activant le mode « Sport », la pédale d’accélérateur se fait plus sensible, les lois de passages de la boîte automatique laissent au V12 plus de latitude pour s’exprimer, l’antipatinage, associé au contrôle de stabilité, se font plus permissifs autorisant quelques déhanchements ludiques facilement maîtrisables et l’amortissement se raidit. Le roulis est alors complètement maîtrisé, la mise et le maintien en appui sont tout bonnement impressionnants et jamais la Rapide ne se montre inconfortable. A noter qu’il est également possible de découpler la gestion de l’amortissement, donc conserver les suspensions « Confort » tout en roulant avec le mode « Sport », ou vice-versa.
Je ne prends que peu de risques en affirmant que la Rapide est un croiseur fait pour rouler vite, longtemps et loin. Le freinage, mordant et endurant, stoppe les 1’950 kg de notre vaisseau sans coup férir.
Une fois habitué au gabarit imposant de l’auto, cette Aston Martin Rapide s’avère plutôt facile à conduire, confortable et sécurisante en tous points, que ce soit dans la circulation urbaine, sur les longs rubans autoroutiers ou nos cols alpins.
Verdict
Dans les faits, vous trouverez certainement sur le marché d’autres limousines plus sobres et discrètes, plus performantes sur le papier, plus habitables, plus pratiques au quotidien et à un prix moindre. Soit. Mais une Aston Martin ne joue définitivement pas dans la même cour que les autres. Un peu à l’image d’une Jaeger-LeCoultre comparée à une Swatch : les deux donnent l’heure mais ne dégagent de loin pas la même âme et la même émotion en relevant le manche de la chemise; une Aston n’est pas une voiture stricto sensu, c’est une pièce d’orfèvrerie, de luxe et la Rapide ne se prive pas de le confirmer, s’il était encore nécessaire. Elle joue sur l’exclusivité et surtout l’exaltation des sens, à un point tel que ses petits défauts en deviennent attachants. « Power, Beauty and Soul », en somme.
Prix et options – Aston Martin Rapide Touchtronic
Prix de base : CHF 227’514.-
Peinture “Silver Blonde” : CHF 1’460.-
Couleur à choix de la planche de bord : CHF 1’460.-
Couleur à choix des surpiqûres : CHF 1’460.-
Ciel de toit en alcantara “Bitter Chocolate” : CHF 1’460.-
Tapis de sol “Bitter Chocolate” : CHF 1’460.-
Inserts en bois “Tamo Ash” : CHF 1’460.-
Sièges AV et AR ventilés : CHF 2’120.-
Installation DVD à l’arrière et casques d’écoute : CHF 5’185.-
Kit de premier secours : CHF 195.-
Alarme “High Spec” : CHF 615.-
Montre Jaeger-LeCoultre AMVOX2 Rapide Transponder : CHF 32’800.-
Prix TOTAL : CHF 277’189.-
*CONCOURS Jaeger-LeCoultre En marge de cet essai, Jaeger-LeCoultre et Wheels And You vous offrent la possibilité de découvrir « La Grande Maison » de l’intérieur en passant la journée du 14 octobre 2011 dans la manufacture du Sentier/VD. Répondez correctement par e-mail (contact [at] wheels-and-you.com) aux trois questions ci-dessous d’ici au 30 septembre 2011, et le sort désignera 9 chanceux parmi les bonnes réponses : – L’AMVOX2 Transponder est également disponible en option sur un second modèle Aston Martin. Lequel ? – Quel modèle Aston Martin a fêté ses 50 ans en 2011 ? – Combien de pièces composent la montre AMVOX2 Rapide Transponder ?
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Nos chaleureux remerciements à Aston Martin Lagonda of Europe pour la mise à disposition de cette Aston Martin Rapide et à la Manufacture Jaeger-LeCoultre pour le prêt de la montre AMVOX2 Rapide Transponder.
Merci également à la Villa Castagnola de Lugano, au KKL de Lucerne, à l’hôtel Victoria-Jungfrau à Interlaken ainsi qu’au Gstaad Palace qui nous ont si cordialement mis à disposition leur façade pour nos prises de vues.
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