Essai – Aston Martin Virage : “Braquage” à l’anglaise

Chose rare au sein de la gamme Aston Martin, la Virage fut un météore qui ne resta qu’à peine plus d’un an au catalogue sous ce nom. D’abord destinée à combler le trou entre l’ancienne DB9 et la DBS, elle changea de prénom il y a quelques semaines pour s’appeler désormais… DB9, gagner une poignée de chevaux sous le capot et préparer l’arrivée de la nouvelle Vanquish.


  • V12, 5’935 cm3
  • 497 CV à 6’500 t/min
  • 570 Nm à 5’750 t/min
  • Boîte de vitesses Touchtronic 2, 6 rap.
  • Vitesse maxi : 299 km/h
  • 0 à 100 km/h en 4.6 sec.
  • Poids : 1’785 kg
  • Conso. mesurée : 20.1 l./100 km
  • Emissions de CO2 : 349 g/km (G)
  • dès CHF 219’698.-
    modèle essayé : CHF 240’015.-


Texte et photos : Claude-Alain Ferrière


 

L’Aston Martin Virage n’est sans doute pas aussi exubérante que la DBS ou la nouvelle Vanquish mais promet une plaisir de conduite rehaussé par rapport à ces devancières. Il n’en fallait pas plus pour que Wheels And You la teste et lorsqu’on m’a proposé cet essai, le fan de la marque britannique n’a pas hésité une seconde. J’ai ainsi eu loisir d’essayer cette belle anglaise dans sa version coupé sur quelques-unes des plus hautes routes des Alpes suisses et italiennes…

 

A l’extérieur

Longue de 4.7 mètres, les lignes de l’auto reprennent en grande partie celles de feu la splendide DB9. Longues, douces, effilées et félines, avec une calandre reconnaissable entre toutes, certains trouveront les porte-à-faux avant et arrière un peu grands ; on est loin de la silhouette plus ramassée d’une V8 Vantage. L’équilibre des volumes est celui des « grandes » Aston Martin puisque la Virage en reprend la sempiternelle plateforme VH en aluminium extrudé collé et riveté, mais la ligne est plus râblée, mieux campée sur des grosses roues de 20 pouces. La carrosserie allie l’aluminium, l’alliage de magnésium et les composites pour ne peser « que » 1’785 kg. Pas mal pour une voiture de ce gabarit. Et qu’elle élégance dans cette ligne sans pareille !

Notre voiture d’essai s’ornait de la teinte Bridgewater Bronze; un peu sceptique à son annonce, force est d’admettre que cette livrée habille parfaitement notre diva sans être toutefois trop ostentatoire. L’esthétique n’évolue que discrètement en regard d’une ancienne DB9. Un bouclier avant modernisé, avec des ouvertures élargies et une lame avant à l’allure sportive, son homologue arrière intégrant un diffuseur plus esthétique que fonctionnel, entouré de part et d’autre des deux grosses sorties d’échappement et deux grilles d’aération redessinées sur le capot. C’est à peu près tout. Les optiques bi-xénon plus effilées intègrent désormais des feux de position et des clignotants à LEDs. C’est aussi cette nouvelle technologie d’éclairage qui équipe les feux arrière. On retrouve les ouïes latérales barrées d’une baguette chromée intégrant le rappel de clignotant, constante de la marque. Les essuie-glaces sont bien protégés par l’immense capot avant qui vient mourir à fleur du pare-brise, le balai de droite adoptant une cinématique spécifique pour augmenter la surface couverte. Quant aux portières, elles ne comportent pas de montant et s’articule toujours en “aile de cygne”, une autre tradition Aston.

Même dans cette version à la sportivité rehaussée, il n’y a aucune faute de goût. Le troisième feu stop, disposé au bas de la lunette arrière, ne vient pas entraver les lignes de l’auto. Nettement plus discrète qu’une DBS tout en affirmant une certaine sportivité, on est proche du compromis parfait… D’ailleurs, tout au long de mon parcours de test, je n’ai pu dénombrer  les multiples exclamations admiratives des passants et autres badauds ; rarement j’aurai entendu autant de réactions positives !

Un mot encore sur les freins en carbone céramique en série sur la Virage. Avec un diamètre de 398 mm à l’avant et 360 mm à l’arrière, respectivement pincés par des étriers six et quatre pistons badgés Aston Martin, ils se sont avérés très efficaces et endurants, même dans les plus longues descentes. Enfin, relevons que la Virage – et donc la nouvelle DB9 – est disponible dans une version cabriolet dénommée Volante.

 

A l’intérieur

Dès la porte conducteur ouverte, je me retrouve dans l’univers d’un habitacle Aston Martin : sellerie cuir pleine fleur de la meilleure qualité – notre voiture de test présentait la teinte Bitter Chocolate du meilleur effet – finition parfaitement soignée jusque dans les moindres détails, on retrouve les éléments déjà présentés dans les essais de la V8 Vantage S Roadster et de la Rapide. A noter que la teinte de l’intérieur est séparée en deux options distinctes, l’une pour le haut des portes et du tableau de bord, l’autre pour les contreportes et le tunnel central. Notre véhicule arbore une colonne centrale de teinte Piano Black très mode. La mise en route se fait toujours en enfonçant la sublime clé électronique à l’insigne Aston Martin en cristal dans son logement situé sur la colonne centrale, lui-même entouré des quatre boutons de commande de la boîte de vitesses Touchtronic 2.

L’habitacle, 2+2 sur le papier, ne l’est pas en réalité. Mesurant 1.80 m, j’ai eu un peu de peine à trouver une position de conduite qui me convienne, l’arrière du siège conducteur venant buter contre le siège arrière. Les plus grands devront demander une exécution 2+0 sans siège arrière pour parfaire leur position, disponible uniquement sur le coupé.

Le volant dont le cuir ne reprend pas la teinte de l’habitacle présente un design sportif. La console centrale inclut un porte-carte fort pratique et, pour les fumeurs, un cendrier en aluminium taillé dans la masse du plus bel effet. 
Pour ma part, un seul détail me déroute quelque peu chaque fois que je monte dans une Aston Martin : le compte-tours qui tourne à gauche et non à droite ; un peu illogique alors que le moteur tourne bien à droite… Autre point sur lequel les Aston Martin font l’impasse pour le moment : le réglage de climatisation n’est pas séparé entre conducteur et passager. Le GPS proposé a évolué depuis nos précédents essais. L’écran repliable, situé en haut de la console, est désormais de meilleure qualité et la commande nettement plus intuitive, intégrant une interface conçue par Garmin.

Notre voiture d’essai était équipée de l’option audio Bang & Olufsen BeoSound facturée plus de 9’000.- CHF tout de même. Entre les sièges, l’ouverture du vide poche central découvre une prise pour brancher votre iPhone/iPod alors commandé par l’installation, qui vient compléter la radio/CD. Si certains trouveront probablement la facture excessive, mon oreille entraînée à l’électroacoustique n’en revient toujours pas. Je le dit sans détour : je n’avais jamais entendu pareil rendu dans une voiture ! Des aigües parfaitement claires et définies, des médiums chaleureux et dynamiques, des graves tenues et puissantes… Même dans des conditions aussi particulières qu’un habitacle automobile, le rendu est très supérieur à la plupart des installations HiFi de salon ! Reste à savoir si dans une telle voiture, la musique du V12 ne suffit-elle pas aux oreilles des mélomanes…

Enfin, avec une capacité de 184 litres, le coffre propose un espace suffisant pour partir en voyage à deux, d’autant que les sièges arrière permettront d’en augmenter le volume en recevant un ou deux sacs souples.

 

Sous le capot

Démarrer un V12 Aston Martin demeure un instant magique. A peine réveillé, cette grosse cylindrée vous emmène dans un autre monde, celui du luxe et de la volupté. Le son est grave mais enjoué, l’inertie plutôt limitée pour une cylindrée de 6.0 litres. Velouté et souple à bas régime, il se fait plus rageur dès  4’500 t/min et devient une sorte de rauquement lyrique au-dessus de 5’500 t/min ! Avec une zone rouge à 6’800 t/min, il développe son couple maxi de 570 Nm assez haut (5’750 t/min) et sa puissance maxi de 497 CV à 6’500 t/min. Ce moteur tout en aluminium partage sa base avec celui qui équipe les DB9, DBS ou Rapide, avec une puissance variant selon le modèle entre 477 et 517 CV. La boîte automatique à convertisseur Touchtronic  2 est disposée sur l’essieu arrière pour une meilleure répartition des masses. Certes en termes de transmission d’autres optent pour des technologies plus évoluées ou plus sportives sur le papier, mais dans cette voiture plus GT que réelle sportive, elle s’avère un excellent choix, très adapté et plus agréable que la boîte robotisée Sportshift II essayée sur la V8 Vantage Roadster S l’année dernière.

Durant les quelques 600 km de l’essai, la consommation a sensiblement dépassé les données officielles : 20.19 l/100 km. Mais pour tester comme il se doit une voiture nommée Virage, il convient de relever que je n’ai emprunté qu’environ 150 km d’autoroutes, le reste du parcours étant exclusivement constitué de cols alpins, donc bien loin des conditions de mesures des consommations normalisées. Petit détail à relever : la difficulté à faire un plein complet. Sans doute lié à la forme du tuyau de réservoir, le pistolet déclenche déjà à environ 1/2 du plein et il faut s’armer de patience pour compléter un remplissage complet, nécessité par un réservoir de 78 litres. Dans certaines stations, il m’a même été impossible de remplir plus de 45 litres…

 

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Au volant

C’est avec une impatience non dissimulée que je prends le volant de l’élégante. En quittant St-Gall, la boîte en mode automatique est douce, sans à-coup. Sur l’autoroute rhénane, à 120 km/h, le V12 ronronne doucement à 1’950 t/min. Les premiers lacets du col du Julier sont l’occasion d’apprivoiser la belle, qui se conduit avec une facilité étonnante malgré son gabarit. Et tout de suite, elle démontre son appellation avec assurance : elle entre dans les virages sans sourciller et ceci même lorsqu’on augmente le rythme. Ce sera la surprise positive de cet essai : un train avant à l’efficacité redoutable ! Pas une seule fois je n’aurai ressenti une amorce de sous-virage, même en abordant les épingles les plus serrées en force et malgré le différentiel à glissement limité. Associé à un roulis limité bien géré par l’amortissement piloté ADS, la Virage invite à dévorer les virages et se faire plaisir. Corolaire de ce train avant très directeur, la remise des gaz rend le train arrière joueur, qui enroule volontiers dans les virages moyens ou serrés tout en conservant une bonne motricité. Il en résulte un sentiment d’agilité assez étonnant pour une voiture de ce gabarit et, en déconnectant les assistances électroniques à la conduite, la belle décrit volontiers de belles dérives malgré sa monte de 295/35 ZR 20 à l’arrière. Dans les grandes courbes par contre, la stabilité est parfaite, même sur route très bosselée et à rythme élevé. Le tout est étonnamment sécurisant.

Dans les petites routes et le mode Sport enclenché, la sonorité du V12 passe du feulement au rugissement, les montées en régimes se faisant alors rageuses. Avec une allonge constante, c’est un régal de monter les rapports à l’aide des palettes situées de part et d’autre du volant, même si la commande de boîte en mode manuel nécessite une petite anticipation, particulièrement entre le premier et le second rapport. La direction, précise et assez directe, transmet bien les informations de la chaussée et les changements d’adhérence. Quant aux gros freins en carbone céramique, je ne suis pas parvenu à les mettre en défaut, même lors de longues et raides descentes abordée à rythme très soutenu.

Le confort de la Virage a été décrié par bon nombre de confrères. Elle offre deux modes d’amortissement sélectionnés via un bouton sur la console centrale. Enclenché, la compression haute vitesse est augmentée, sans toutefois beaucoup modifier l’excellent équilibre dynamique. Pour ma part, je trouve le compromis entre sportivité et confort plutôt abouti. Certes, une Jaguar XK est plus confortable mais bien moins sportive. Alors ceux qui préfèrent l’autoroute ou le tourisme à la conduite soutenue privilégieront sans doute plus de douceur à la rigueur un peu ferme de la Virage, cette dernière demeurant toutefois aussi confortable qu’une Ferrari California. Peut-être la position d’amortissement normale aurait-elle pu être un peu plus souple certes, mais on est loin de la dureté de certaines GT modernes.

 

Verdict

Un peu sceptique devant la promesse marketing de cette grande voiture qui décrit les virages comme son terrain de prédilection, cette Virage m’a véritablement enchanté par son agilité et son efficacité. Son train avant est un modèle du genre et l’ensemble parfaitement cohérent. Certes, les conditions de mon essai étaient exclusivement sèches. Mais l’équilibre général laisse augurer d’un comportement tout aussi rigoureux à plus faible adhérence.

Alors bien sûr, vous trouverez plus performant ou plus confortable, plus tape à l’œil ou plus discret… Mais une Aston Martin restera toujours un cocktail incomparable entre luxe « so British » et sportivité racée. Vous l’aurez compris, j’ai été conquis par cette Virage qui démontre les compétences des ingénieurs Aston Martin dans la mise au point châssis et procure un plaisir de conduite que j’étais loin d’imaginer pour une voiture de ce gabarit. Prélude à la nouvelle DB9, cette Virage laisse augurer du succès que rencontrera à coup sûr la nouvelle DB9 auprès des amateurs de la marque adeptes du plaisir de conduite en V12…

 

 

Prix et options – Aston Martin Virage

Prix de base : CHF 219’698.-

Teinte “Bridgewater Bronze” : CHF 4’125.-

Sièges sport : CHF 4’125.-

Couleur extérieur des sièges : CHF 1’160.-

Broderie des sièges : CHF 674.-

B&O BeoSound Audio : CHF 9’073.-

Colonne centrale Piano Black : CHF 1’160.-

Prix TOTAL : CHF 240’015.-

 

 

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Nos remerciements à Aston Martin Lagonda of Europe pour le prêt de cette Aston Martin Virage.

 

 

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