Essai – Bentley Continental Supersports : Caprice à 2…

621 chevaux, 800 Nm, un 0 à 100 km/h en 3,9 secondes, 329 km/h en vitesse de pointe et le tout arrosé d’alcool de betteraves. Voilà le menu que vous propose la Bentley Continental Supersports, la Bentley de série la plus puissante jamais sortie des ateliers de Crewe. Nous vous livrons nos impressions après quelques jours passés à son volant entre Dijon, son circuit et les virolets du Jura.

  • W12, Flexfuel, biturbo, 5’998 cm3
  • 621 CV à 6’000 t/min
  • 800 Nm dès 1’700 t/min
  • Boîte de vitesses auto. 6 rapports
  • Vitesse maxi. : 329 km/h
  • 0 à 100 km/h : 3.9 sec.
  • Poids : 2’240 kg
  • Conso. mesurée : 17.0 l./100 km
  • CO2 : 388 g/km (G)
  • dès CHF 375’200.-

 


Texte : Jérôme Marchon / Photos : Tony da Silva, Jérôme Marchon, Steve Waelti


Il est des automobiles que l’on assimile à des chefs-d’œuvre. La Bentley Continental GT en fait indiscutablement partie. J’étais tombé, il y a quelques mois, sous le charme unique de la Continental GT Speed, concentré admirable d’élégance et sportivité, ultra aboutie techniquement lui conférant des qualités dynamiques hors pair. Voilà que du côté de Crewe quelques ingénieurs insatiables ont retravaillé leur partition pour nous offrir leur dernière interprétation : la Bentley Continental Supersports. Ses 621 chevaux et 800 Nm de couple en font la Bentley de série la plus puissante jamais construite. Le superlatif de sa dénomination n’est-il pas pour le moins présomptueux lorsque l’on s’attarde sur son poids, 2’240 kg (150 kg de moins que la Continental GT Speed) ? Voici mes impressions après quelques jours à son volant.

 

Fort heureusement, la ligne majestueuse du coupé GT de Bentley n’a pas subi de lifting disgracieux malgré le dictat des impératifs d’aérodynamique induits par les performances de l’engin. Les observateurs attentifs noteront un élargissement des voies, traduit par de discrets renflements des ailes. C’est à l’avant que les modifications sont les plus visibles, trahies par l’adoption d’un bouclier spécifique doté d’énormes entrées d’air et les discrètes ouïes d’aération sur le capot. Il est à noter que la Supersports reste basée sur l’ancienne carrosserie, alors que la Continental GT inaugure ce printemps une nouvelle robe présentée au Mondial de Paris en octobre dernier. Les jantes allégées en magnésium sont spécifiques au modèle et offrent une vue imprenable sur les gigantesques disques de frein carbone/céramique, les plus grands dotant une voiture de série, d’un diamètre à l’avant de 420 mm. Les habituelles parties chromées disparaissent pour s’habiller de noir. A l’arrière, le bouclier est également revu et adopte une découpe inférieure plus prononcée afin d’optimiser le flux d’air. Ainsi parée, notre belle Anglaise affiche sans ambages ses ambitions sportives.

 

L’intérieur joue lui aussi la carte de la sportivité chic, tout en gardant à l’esprit le gain de poids qui fut la ligne directrice lors du développement de la Supersports. Point de boiseries et fauteuils moelleux. La banquette arrière disparaît purement et simplement, remplacée par une magnifique barre en carbone à la fonction uniquement esthétique. Les fauteuils avant laissent place aux magnifiques baquets à coque carbone ultra-légers (plus de 22 kg gagnés par siège) empruntés à la Bugatti Veyron, excusez du peu, et dont le réglage est basique et entièrement manuel, oui oui ! Les placages en carbone au maillage et vernis satiné spécifiques à Bentley remplacent ceux en bois précieux du tableau de bord, la console et le tunnel central. La sellerie est mixte ; cuir et alcantara sont tendus, comme il se doit, du sol au plafond. La moquette profonde tout comme les aérateurs en aluminium, leurs commandes garnies de chrome et la tocante Breitling sont bien entendu de la partie ! L’ensemble ne manque pas d’allure, savant mélange de tradition, élégance, technicité et modernité. Certains le trouveront “too much”, d’autres, comme moi, juste parfait. L’équipement reste digne d’une auto du rang de la Continental GT, bien que je regrette toujours l’apparente filiation à la VW Phaeton dans le placement de l’instrumentation et surtout les graphismes des écrans multifonctions qui commencent sérieusement à accuser le poids des ans. C’est le seul point négatif – de peu d’importance, je vous l’accorde – que j’ai relevé, tant le niveau de perfection dans l’assemblage et la finition renvoie tout simplement les « concurrentes » italiennes et germaniques à leurs études.

 

Mais la belle Anglaise affirme réellement sa personnalité lors de la pression sur le bouton démarreur. Un grondement sourd et terrifiant traverse l’échappement, rappelant à la seconde que sous le capot se cache un monstre développant 621 chevaux à 6000 t/min et 800 Nm dès 1700 t/min. Pour l’occasion, le sempiternel W12 de Wolfsburg offre donc 11 chevaux de plus que la GT Speed, gain imperceptible au demeurant. Mais la réelle innovation est que ce moulin a été entièrement revu afin d’offrir la technologie FlexFuel, essence/éthanol, qui devrait se généraliser sur la gamme Bentley dans les années à venir. A la clé, des émissions de CO2 réduites de 70% pour 0% de perte de rendement en consommant de l’alcool de betterave. De quoi se donner bonne conscience diront certains. Peut-être, mais j’y vois plutôt la démonstration indiscutable que notre salut de passionnés de l’automobile ainsi que celui de la planète viendront uniquement des ingénieurs et non des pseudo théoriciens écologistes gauchisants.
Même en fonctionnant au bon vieux pétrole distillé, notre fougueux destrier sait se montrer relativement mesuré. Il ne lui a fallu « que » 17 litres en moyenne tout au long de notre essai pour couvrir 100 km, alors que nous ne nous sommes pas véritablement privés d’adopter une conduite très dynamique.

 

Fidèle à son rang, ce pur-sang du Cheshire sait toujours se montrer docile pour peu que vous caressiez sa pédale des gaz avec douceur. Son évolution sur un filet de gaz dans la circulation urbaine n’est handicapée que par ses dimensions imposantes. Indubitablement, c’est sur autoroute ou les belles départementales françaises que la Supersports démontrera toute sa fougue. Le couple répond toujours présent sur toute la plage de régime, prêt à envoyer ses 800 Nm sur les quatre roues. Le W12 vous catapulte, et c’est un euphémisme, à des vitesses « permiscides » en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, dans un vacarme apocalyptique. La boîte de vitesses automatique, toujours à convertisseur, a vu ses lois de passage revues pour la circonstance (95 ms contre 200 en version « standard ») et distille avec justesse et célérité cette puissance de feu. Même l’utilisation des palettes au volant, peu plaisante sur la Speed ou la Continental GT « de base », revêt ici tout son intérêt dans les virolets jurassiens. Malheureusement, leur éloignement du volant et leur faible surface ne permettent pas un maniement aisé. Qu’à cela ne tienne, le mode « Sport » du sélectionneur de la boîte de vitesses gère également très bien les passages tout seul.

 

La différence flagrante entre la Supersports et le reste de la gamme réside dans la répartition avant/arrière du couple. Elle opte pour une distribution à 60% aux roues arrière et 40% à l’avant, contre un strict 50/50 pour ses soeurs. Le tarage des amortisseurs ainsi que la gestion pilotée ont également été redéfinis afin d’offrir plus de raideur, facilitant notamment la gestion du roulis. En résulte un comportement plus incisif, diminuant le sous-virage et qui autorise, une fois l’ESP partiellement déconnecté, quelques degrés de dérive en sortie de courbe. Ceci dit, l’électronique est à mon goût encore beaucoup trop présente sur cette auto censée délivrer un maximum de plaisir. Mais juguler les deux tonnes et des brouettes de l’engin sans assistance demanderait un doigté d’orfèvre. Il n’est d’ailleurs pas possible de désactiver totalement les béquilles électroniques.

 

Comme une partie de notre séance photo se déroulait sur la piste du Circuit de Dijon-Prenois, l’occasion de titiller sur un tour de piste les velléités de sportive que le plumage de notre Supersports laisse présager était trop belle… Grâce à sa puissance, ses quatre roues motrices, son système de freinage surpuissant et les assistances électroniques, notre Lady s’en tire avec les honneurs en survolant littéralement le tracé dijonnais. Les transferts dans les Sablières ne sont que formalité, la montée de la Parabolique (15%) avalée à la vitesse de l’éclair alors que le placement dans la courbe de Pouas se fait du bout des doigts tant l’auto semble montée sur des rails, mais reste malgré tout sujette à un roulis assez prononcé. Il est bien clair qu’avec une masse de 2’240 kg sur la balance, le comportement ne peut tenir la comparaison avec un engin taillé pour la piste qui accuse au bas mot près d’une tonne de moins à la pesée. Aussi, je doute de la capacité de notre missile à enchaîner les tours de piste bride abattue. Les hurlements constants des pneumatiques (de route) sont également là pour nous le rappeler, mais la Supersports sait faire preuve d’agilité et accepte les changements d’appui avec un entrain très surprenant si l’on tient compte de tous ces facteurs.
Sur la route, fidèle à la réputation de son badge, notre Bentley reste très confortable. Malgré un tarage plus ferme de l’amortissement, les petites irrégularités de haute fréquence sont absorbées avec flegme, même à vitesse réduite. Bel effort compte tenu de la présence de jantes de 20 pouces et des Pirelli PZero de 235/30 se montrant quelque peu bruyants. La direction a également été revue pour offrir plus de précision et de réponse ; elle se montre très directe et communique parfaitement ce qui se passe sous les roues avant, à un niveau rare dans ce segment. Avec son châssis réglé au poil pour la route, il vous viendra très vite l’envie de soigner les trajectoires, frôler la corde des virages et relancer franchement pour bondir vers la courbe suivante. Un vrai bonheur.

 

Alors, vous pouvez légitimement vous interroger sur la raison d’être de cette super-Bentley : devenue une stricte deux places de série, plus hard que ses sœurs dans son confort, trop soft pour le circuit, nous pourrions croire que Bentley se soit fourvoyé. Même après trois jours à son volant je n’ai pas réussi à trouver à quel jeu elle voulait jouer. Mais je suis certain d’une chose : c’est une fabuleuse machine à rêves et sensations, un caprice pour le moins exclusif (CHF 375’200.-), certes, mais l’une des rares autos modernes qui vous rende dépendant en moins de temps qu’il ne faut pour le dire…

 

 

Prix et principales options – Bentley Continental Supersports

Prix de base : CHF 375’200.-

Capuchon d’essence en alliage : CHF 365.-

Surpiqûres des sièges contrastées : CHF 625.-

Ouverture du coffre à bagages motorisée : CHF 1’415.-

Installation audio “Naim for Bentley” : CHF 10’235.-

Prix TOTAL du modèle essayé : CHF 387’840.-

 

Autres options disponibles :

Peinture “Satin” (mat) : CHF 34’195.-

Configuration 4 places : CHF 7’580.-
(remplacement des baquets par des sièges “normaux” + installation banquette arrière)

Caméra de recul : CHF 1’830.-

 

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Nos remerciements à Bentley Motors Ltd pour la mise à disposition du véhicule ainsi qu’à la direction et toute l’équipe du Circuit de Dijon-Prenois pour la gentillesse de leur accueil et leur disponibilité.

 

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