21 February 2018

C’est en 2013, à Genève, qu’est présentée la nouvelle génération de Flying Spur. Elle est d’abord équipée du W12, puis déclinée avec un bloc V8, dans une version standard ou siglée “S”. C’est fin 2016 que la firme de Crewe décide de booster la mouture pourvue du douze cylindres, manifestement pas encore suffisamment énervée. Une occasion pour Bentley de réaffirmer que luxe peut rimer avec adrénaline.

  • W12 essence, biturbo, 5’998 cm3
  • 635 ch à 6’000 t/min
  • 820 Nm à 2’000 t/min
  • Boîte de vitesses automatique, 8 rap.
  • Vitesse maxi : 325 km/h
  • 0 à 100 km/h en 4.5 sec.
  • Poids : 2’475 kg
  • Long./larg./haut. (mm): 5’299 x 1’984 x 1’488
  • Conso. mesurée : 16.3 l/100 km
  • Emissions CO2 : 335 g/km (G)
  • dès EUR 182’500.-, mod. essayé EUR 226’240.-


Texte : Matthieu Giraudier / Photos : Matthieu Giraudier, Patrick Schneuwly


Longtemps perçue comme la simple petite sœur de la Continental GT, la Flying Spur a, ces dernières années, pris son envol et a tenté de démontrer que plus d’espace ne nuit pas nécessairement au plaisir de conduire. Bien que le W12 fasse déjà des merveilles, une petite piqûre d’amphétamines sonne comme un vœu pieu pour tout amateur d’automobiles.

Mais au final, faut-il vraiment que tout tourne autour de la puissance ? Bentley reste-t-elle une des dernières marques refuge du raffinement ou succombe-t-elle aux chants des nombres colossaux ? Réponse dans la suite !

A l’extérieur

En matière de design, la Flying Spur ne tranche en aucun cas avec le style Bentley. Au premier coup d’œil, tous les éléments signature sont là : les phares avant ronds, le sigle plaqué en bout de capot, les fins “winglets” sur le bouclier frontal, les feux arrière en amande ou encore la calandre rectangulaire. Il faut s’attarder sur le dessin pour découvrir çà et là les petits détails.

On réalise alors que de la simplicité naît la finesse. En témoignent les lignes tendues et un rien saillantes qui griffent le capot ou les flans et soulignent les arches de roues. Le rehaussement de l’aile arrière surprend, et une fois que l’on regarde dans le rétroviseur, il donne l’impression un bref instant d’être dans une muscle car américaine.

Les modifications distinctives de la mouture W12 S font dans la discrétion. La calandre est ici teintée en “noir gloss”, tout comme le diffuseur arrière. Tous les feux sont légèrement fumés et la belle se pare de jantes alliage 21 pouces et d’étriers de freins entièrement rouges ou noirs.

Une dernière touche parachève l’œuvre : une fois le soleil disparu sous l’horizon, on peut apprécier l’éclairage d’accueil LED qui diffuse le badge Bentley d’une manière cristalline, émerveillant aussi bien le passant que le conducteur qui ne peut qu’avoir hâte de retrouver son automobile.

A l’intérieur

Pour l’amateur automobile que je suis, voguant entre voitures de famille, petites sportives et SUV en tous genres, mes sens entrent dans un domaine de volupté dès lors que je m’invite dans cette Bentley. Mon toucher s’étonne de la douceur d’action de la portière et de son subtil claquement, mon odorat aime respirer la fragrance si satisfaisante du cuir et mon regard adore se perdre sur les innombrables détails qui composent l’habitacle. Sitôt assis, je me sens comme à la maison : étreint dans un réconfortant cocon.

La finition de notre modèle d’essai, majoritairement de noir vêtu, contraste bien avec la teinte “Ice” de la carrosserie. Le motif façon “Chesterfield”, couvrant les sièges avant comme arrière ainsi que les panneaux de portes, offre un sentiment “salon” du plus bel effet. Les inserts en fibres de carbone coiffant la boîte à gants et les portières garantissent la note sportive de l’habitacle. Enfin, de petites touches “Bleu Impérial”, sur les sièges et le volant, viennent rompre l’allure monochrome de l’ensemble.

Le confort est sans surprise au rendez-vous, tout comme la place allouée à chaque occupant. Aux commandes tout comme en passager, jamais on ne se sent incommodé. Merci aux sièges totalement réglables électriquement, à l’avant comme à l’arrière, qui s’adaptent aux morphologies de chacun et dont la fonction massante est une invitation à prolonger le moindre déplacement.

La disposition générale de l’instrumentalisation ne fait pas dans l’originalité mais a le mérite d’être efficace : tout tombe naturellement sous la main. Le volant à trois branches compile les fonctions essentielles et ne déborde pas ainsi de boutons.

Il y a une petite option qui fait toujours son grand effet : au milieu de la banquette se cache un réfrigérateur et ses flûtes en cristal, résolument pratique pour célébrer le moindre événement au champagne ou simplement garder son jus de pomme favori au frais.

Cet univers haute-couture n’est pourtant pas exempt de quelques défauts : si l’écran central de 8 pouces est convenable, le système d’infodivertissement qu’il abrite surprend par sa conception : l’ergonomie n’est pas optimum et les possibilités de réglages de la voiture sont étonnamment réduites. Autre ombre au tableau, la résolution de la caméra de recul est faible, plus encore une fois la nuit venue. Combiné au manque de certaines assistances à la conduite telles que le maintien sur la voie ou l’indicateur de présence dans l’angle mort, ce point est un indice évident que la Flying Spur commence à cumuler quelques années et nécessite une cure de jouvence.

Dernier écueil, de l’ordre du détail pour certains, je déplore que les fonctions de la climatisation soient découplées de l’écran. On se retrouve ainsi avec une console affublée d’une constellation de boutons, pouvant être rendue dispensable avec un système d’exploitation plus moderne.

Sous le capot  

La dénomination “W12 S” se réfère bien naturellement au cœur qui habite la belle : le bien connu et emblématique 12 cylindres en W. D’un volume de 6 litres, il est ici agrémenté de deux turbos et accompagné d’une boîte automatique ZF 8 rapports, en transmission intégrale permanente. L’ensemble dispense, dans sa configuration siglé “S , quelques 635 chevaux – soit 10 ch de plus que la version standard – et un couple pharamineux de 820 Nm dès 2’000 t/min, soit un gain 20 Nm comparativement au modèle premier.

Malgré les 2’475 kilos à vide, le 0 à 100 km/h n’est qu’une question de 4,5 secondes et ce groupe motopropulseur permet de passer de peu la barre symbolique des 200 miles par heure, soit 325 km/h.

Le son rauque de la mise en marche met immédiatement en condition : ce poumon souffle fort et ne demande qu’à s’exprimer. La moindre sollicitation de l’accélérateur un chouïa trop volontaire se transforme en véritable catapultage. Réel vecteur d’ascenseurs émotionnels, j’oscille au volant entre l’émerveillement du caractère musclé du moulin et la peur de voir la législation routière me retirer mon précieux permis.

Au volant

C’est avec un mélange d’excitation et d’appréhension que je prends possession de cette Flying Spur W12 S, le temps d’un long week-end. De l’excitation car, sur le papier, la britannique a tout pour plaire : un gros moteur avec des équidés à profusion, un couple de camion, une transmission intégrale permanente 60/40 et un confort intérieur digne d’un palace. De l’appréhension au vu de ses dimensions qui la rapprocheraient plus d’un Panzer que d’un kart, et… justement son gros moteur. Je me prépare, me conditionne et prends la route.

Mes premiers kilomètres me servent à appréhender la bête. D’une nature dynamique, je comprends très vite qu’il me faut me tempérer : la demoiselle répond à mes consignes au pied de la lettre. Ce qui aurait été une accélération anodine dans une voiture tout aussi anodine se transforme ici quasiment en ticket simple pour la lune. Les excellentes suspensions rendent l’exercice encore plus difficile, et pour cause : tout est si finement filtré et amorti, que la sensation de vitesse s’en retrouve grandement altérée. A de multiples reprises, je suis prêt à relancer mon allure, pensant être à la traîne, avant de contrôler le compteur : je navigue à la bonne vitesse. Naviguer est, à mon sens, le bon terme pour cette automobile. La qualité de roulement, l’insonorisation de l’habitacle ou encore les mouvements de la caisse apparentent cette Bentley plus à un bateau qu’à une automobile. Évoluer sur route cantonale comme sur autoroute se rapporte à une balade sur une paisible mer : il n’y a que vous, le bruissement du goudron et l’horizon devant.

Passée la douceur d’un voyage de croisière, je décide tout de même de mettre à contribution la machinerie. Et pour cela, quoi de mieux que la montagne ? Je constate alors que la voiture n’est pas pourvue de plusieurs modes, comme c’est très largement l’usage dans les véhicules de cette trempe. Ne peuvent être ajustées que les suspensions, pour osciller entre une tendance confort ou sport. Alors soit, mettons le curseur vers “Sport” ! Je lâche les watts… à peine deux secondes de plus que sur le plat. La limitation est atteinte et je me suis téléporté derrière un brave innocent qui doit certainement me sermonner, le tout en un claquement de doigts. Cela ne m’empêche pas d’enchaîner les virages, à vitesse modérée seulement.

Si les connexions entre les épingles se font très vite, il demeure que les limites d’adhérence sont rapidement atteintes. Avec allègrement 2’600 kg à mouvoir et des pneus hiver en guise de chausses, je ne suis que très peu surpris. Arrivé sur les hauteurs, je repère un vaste parking, dont la grandeur a découragé le plus valeureux homme à déneiger. Alléluia ! C’est une occasion en or de défier la transmission intégrale et l’électronique embarquée. Sitôt les gommes posées sur les flocons, je sens les aides s’activer, non sans un certain vacarme. La motricité est alors excellente et je prends plaisir à marquer le manteau blanc de mes empreintes rainurées. Dans mon très grand sérieux d’essayeur, je me décide à désactiver les assistances, afin de noter la différence. Et le constat est immédiat : ça patine, ça glisse, ça dérape. Le comportement de l’auto change du tout au tout, et je m’aperçois alors combien le W12 pèse sur l’avant. Soit alors, je réenclenche l’électronique.

La descente est à l’image de la montée. C’est souple et dynamique. Les freins carbone céramique marchent à plein et garantissent de nets ralentissements alors que je me présente dans un virage. De retour en ville, je me sens finalement enfin en confiance et j’aborde les quartiers les plus chargés et les ruelles les plus escarpées en toute sérénité. Si le solide gabarit de la limousine se gère sans difficulté, la direction, elle, me chagrine. Elle se révèle en ce milieu quelque peu rigide. Cela reste acceptable mais on sent que l’urbain n’est pas son terrain de prédilection.

Verdict

Pour définir cette Bentley Flying Spur W12 S, je dirais la chose suivante : c’est la force de Schwarzenegger dans le corps de Federer. C’est fin, élégant, sublime, mais un coup de raquette et c’est le trauma crânien.

Elle est la rencontre entre deux mondes, deux entités bien distinctes, qui cohabitent ici en parfaite symbiose : le confort de grande classe, que l’on retrouve dans les agréments de conduite d’une part, d’autre part la férocité d’un moteur atypique, incroyablement gourmand mais diablement efficace.

Au final, la W12 S n’est pas le fruit d’un choix ou d’un compromis. C’est un raffinement corsé, l’esprit vaillant à la britannique. Du pur Bentley.

Prix et options – Bentley Flying Spur W12 S

Prix de base : EUR 182’500.-

Grille de radiateur “Black gloss” : EUR 0.-

Peinture métallisée “Ice” : EUR 4’500.-

Rétroviseurs extérieurs “Beluga gloss” : EUR 525.-

Vitres arrière teintées et toit ouvrant avec cellules électriques : EUR 860.-

Lampe d’approche LED, par Mulliner : EUR 1’200.-

Volant 3 branches Sport plus : EUR 360.-

Tapis d’habitacle et de coffre contrastés : EUR 260.-

Tables de pique-nique arrière plaqué : EUR 1’640.-

Chargeur de batterie : EUR 105.-

Système de suivi GPS Bentley (additionnel à l’alarme standard) : EUR 1’475.-

Système d’infodivertissement “NAIM for Bentley” : EUR 6’130.-

Hotspot WiFi, compatible 4G : EUR 890.-

Pack d’informations additionnelles en anglais : EUR 225.-

Spécification de commodité : EUR 4’000.- €
(Contient : régulateur de vitesse adaptatif, combiné de téléphone avant et arrière, caméra de recul, lecteur de carte SIM, clé “Valet”)

Réfrigérateur avec verre givré accompagné de flûtes en cristal sur-mesure : EUR 7’600.-

Jantes alliage 21 pouces “Dark Tint” : EUR 2’050.-

Freins carbone-céramique avec étrier peint en noir : EUR 11’370.-

Roue de secours plate : EUR 550.-

Prix TOTAL : EUR 226’240.- (prix CHF en fonction du cours  EUR)

Pour partager vos impressions, rendez-vous sur notre page FaceBook.

Nos remerciements à Bentley Motors Limited pour le prêt de cette Bentley Flying Spur W12 S, ainsi qu’au garage Bentley Genève – André Chevalley S.A. à Cointrin/Genève pour leur soutien logistique.

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