Essai – Chevrolet Corvette Grand Sport Final Edition : Bittersweet symphony
La Corvette de huitième génération fait déjà bien parler d’elle sur les réseaux sociaux et dans la presse spécialisée. Figurant parmi les modèles marqueurs car récurrents, l’arrivée d’une nouvelle mouture est toujours critique pour un modèle « classique ». Pour ultimement marquer la fin d’une génération iconique et appréciée, les hommes de Chevrolet ont décidé de gratifier les fans de la marque d’un modèle signé « Final Edition » de la Corvette Grand Sport.
Texte et photos : Matthieu Giraudier
Nous avons pu tous voir la grande variété de réactions suscitées par la présentation du design de la C8 : sublime et très attractive pour les uns, mort de l’esprit Corvette et européanisation trop poussée pour les autres. Sans aucun doute, elle ne laisse clairement pas indifférent. Avec pareil clivage, cette édition définitive de la Corvette est bien plus qu’un chant du cygne : certains y verront la dernière occasion d’acquérir un modèle de cette septième génération tant aimée.
C’est dans ce contexte un peu spécial que j’aborde cet essai. La « Final Edition » va-t-elle nous faire regretter cette déclinaison de Corvette ou, au contraire, mettre en relief le besoin de passer à autre chose ? Récit dans la suite.
A l’extérieur
Sans ambages, sans retenue, je l’annonce d’entrée : cette lignée de Corvette entre totalement dans mes canons de beauté automobile. Sculpturale, large, racée, avec une proportion proue/poupe largement en faveur de l’avant, il ne m’en faut pas plus pour adorer le concept. A la première rencontre, elle impressionne. D’abord par sa largeur, sa ligne effilée, par ses multiples détails peu communs disséminé çà et là.
Tout commence avec la face avant. Les épaulements de roues sont proéminents, encore plus marqués sur ce modèle avec les bandes noires qui les parcourent. L’intégration des projecteurs dans les ailes est parfaite, sans rupture. Le dessin du capot complète l’harmonie, avec ses creux latéraux et sa partie saillante centrale, dans la pleine veine du style américain. La ligne de calandre est basse et le design du bouclier ne fait pas dans la fioriture. L’élément fort reste la lame avant, en W, volontaire, ici complétée par une sur-pièce en carbone, rabaissant la déviation du flux d’air, améliorant ainsi l’appui avant.
La partie arrière est à mon goût aussi réussie que la face antérieure. La forme des projecteurs est désormais iconique, jouant avec la profondeur. Elle offre une allure déterminée à l’ensemble, sans verser dans l’agressivité à outrance. L’aileron fixe, aux rivets visibles, est le petit ajout qui fait toute la différence. L’angle qu’il décrit est important, et le côté rétro et très NASCAR de sa forme renforce l’appartenance américaine de cette auto. Les quatre sorties d’échappement disposées côté à côte, au dessin en trompette, sont du plus bel effet, et concourent à parfaire le tout.
Dans une période où les flancs de voiture sont assez neutres, ou pour le moins très normalisés, il est agréable d’admirer le profil de cette Corvette. On peut y apprécier les impressions spécifiques à ce modèle, dont le « Final Edition » bien visible ; les écopes d’air avant, elles aussi marquées de noir ; les jantes de 19 pouces à l’avant et 20 à l’arrière, très échancrées, laissant largement apparaître les massifs disques et étriers de freins.
Certains pourront critiquer le design très « show-off » de ce véhicule. Oui, ce n’est pas discret, c’est racé, c’est étudié pour être vu. C’est bien ça, en fin de compte, une Corvette.
A l’intérieur
Là où certaines marques tentent le compromis, la Corvette n’en fait pas. Il s’agit bien ici d’une 2 places. Si l’absence de sièges arrière pourrait être vécue comme un défaut, cela revêt en vérité une grande qualité : le volume du coffre n’en est qu’agrandi. Il est ici impressionnant pour ce type de véhicule et se montre en plus très bien structuré et fonctionnel. Le filet de sécurisation est bien pensé et facile à utiliser. Il permet aux divers objets embarqués d’être efficacement arrimés. Les points d’emboîtement sur la partie supérieure permettent d’enficher sans difficulté le toit amovible. Seul petit point qui pourrait crisper les plus sensibles : le seuil de chargement est très haut. Si le hayon s’ouvre en grand, il faut passer au-dessus des ailes arrière pour accéder au volume de rangement. Ce n’est pas idéal, mais c’est à mon sens une concession totalement acceptable.
Lorsque l’on regarde l’évolution à travers le temps, on peut clairement noter que les habitacles des Corvettes se raffinent et s’améliorent en qualité. Le sentiment global de finition est bon, soutenu par l’utilisation marquée de l’alcantara, par l’intégration de pièce en carbone dans le volant ou la console centrale par exemple. Cependant, titrant à CHF 130’000.-, on peut regretter que le soin apporté à l’intérieur ne soit pas plus poussé, la concurrence faisant, d’une manière générale, mieux. La faute se porte essentiellement aux quelques pièces en plastique gris, aux divers boutons et commodos, fortement utilisés dans un large panel de véhicule du groupe GM, mais surtout à la disposition globale des instruments et à l’ergonomie, certes très portées sur le conducteur, mais apparaissant maintenant un peu datées.
Tout n’est cependant pas à porter à charge. Les sièges, coqués et laqués à l’arrière, font une très belle impression. Ils assurent un excellent maintien latéral et un confort réel. Petit point d’attention cependant : si votre stature est plus importante que la moyenne, vous pourriez vous sentir rapidement à l’étroit, d’autant plus que la console centrale compartimente nettement l’habitable, ne laissant aucun espace de réserve sur les flancs.
Le cockpit est aussi à mettre au champ des qualités de l’intérieur. Alliant deux compteurs analogiques et un écran 8 pouces numérique, il offre une lecture simple et efficace des différents variables utiles. Le moniteur est fortement paramétrable et figure parmi les meilleurs dans l’offre actuellement disponible. L’afficheur tête haute, disponible de série, est aussi une belle réussite. La lecture est cristalline, le paramétrage avancé, avec un ensemble de possibilités répondant à tous les besoins possibles.
Ayant enchaîné tour à tour l’essai de la Camaro Cabriolet et celui de cette Corvette, ma préférence est nette. Bien que la comparaison oppose une voiture orientée balade à une sportive favorisant de la piste, ma préférence va étonnement à la Grand Sport. La position de conduite est plus relevée, moins engoncée dans l’habitacle ; le confort est meilleur, avec des sièges épousant mieux la morphologie des occupants. Ainsi, roulant sur autoroute ou sur route ouverte, en croisière comme dynamiquement, je ne me retrouve jamais à la peine ou en inconfort.
Sous le capot
Sans grande surprise, on retrouve sous le capot à ouverture frontale le fameux V8 atmosphérique de 6,2 litres maison, qui développe ici 466 ch à 6’000 t/min et 630 Nm de couple, disponibles à 4’600 t/min.
Comme laissent transparaître les chiffres, le moteur montre quelques faiblesses à bas régime mais sort le grand jeu dès qu’on laisse traîner le rapport. Il demeure incroyablement souple et vigoureux quand on sollicite franchement la pédale de droite.
Les performances sont au rendez-vous, avec une vitesse maximum affichée à 280 km/h et un 0 à 100 km/h annoncé à 3,9 secondes. La voiture étant dotée d’un outil de mesure du 0-100 intégré au cockpit, je me prête naturellement à l’essai sur route fermée : en boîte totalement automatique, la mesure passe à 5,4 secondes ; en contrôlant le passage des vitesses, c’est un 5,2 secondes qui est mesuré.
Niveau consommation, je ne vous surprends pas si j’annonce que la bête est gourmande. Sur 800 kilomètres d’essai, la consommation est évaluée à 13,9 l/100km. Sur route, le chiffre oscille autour des 15,5 l/100km, avec des pointes frisant les 20 l/100km si l’allure est vigoureuse. Sur autoroute, c’est la grande surprise. Avec le mode « Eco » activé, la valeur passe à un petit 7,8 l/100km.
Au volant
Avant même de démarrer le moteur, je suis prévenu : la bête est vigoureuse, passe fort dans les virages mais elle est basse, très basse. Il va me falloir négocier les tournants avec doigté et être encore plus attentif aux dénivelés marqués.
La mise en route est comme escomptée : le V8 se met en branle dans un son caverneux et puissant, en rien discret. Les premiers temps à bord me servent exclusivement à me familiariser avec la machine. Avec ses 1’965 mm de large, elle est clairement imposante et il faut rester à l’affût lors de chaque manœuvre, d’autant plus que le long capot désoriente les habitudes. Elle demeure étonnement maniable et dispose d’un rayon de braquage correct. Cette Corvette, comme toutes ses ancêtres, affiche une petite singularité lorsque la direction est en butée : les angles de pivot de chaque roue étant différents – les roues ont un léger pincement –, l’axe avant soubresaute. C’est surprenant mais pourtant parfaitement normal, ce réglage mécanique permettant une meilleure stabilité en ligne droite. Comme attendu, chaque ralentisseur s’avère être un dispositif assassin où il est indispensable d’arriver au pas pour passer les moins saillants, ou carrément craber pour espérer franchir les plus volumineux sans frotter. J’en arrive à rapidement détester la ville.
Sur autoroute, la belle se montre franchement agréable. L’amortissement est bien réalisé et permet de rouler sereinement en rythme de croisière, sans souffrir de raideurs au niveau suspensions. Le V8 propose naturellement un superbe agrément de conduite. Les reprises sont franches, les dépassements propres, il s’avère être un beau compagnon de voyage.
Les choses sérieuses débutent alors que je quitte les voies rapides. La montée en puissance se fait progressive, pour juger au mieux les limites de la machine et surtout détecter le point où la lame avant en carbone frictionne avec l’asphalte. L’auto réglée sur « Sport », on sent immédiatement que les suspensions sont plus rigides et acceptent grandement de la force latérale. Le roulis est quasi-inexistant et le comportement de la Corvette est sain. Elle va où je le veux et accepte sans broncher les courbes qui se referment. La direction est précise, avec un ratio de démultiplication parfait. Petit hic, elle est communicante mais pas non plus extrêmement expressive. Le gros point noir est ailleurs : la lame avant, encore. Dès que la cadence augmente, dès que la route devient moins lisse, elle frotte immanquablement. Si la poncer n’est pas tellement un problème, la peur réside dans le bris de carbone, meurtrier pour les pneus. Assez logiquement, je ne force pas et je reviens à une allure légèrement dynamique.
J’arrive tout de même à me faire plaisir en laissant le V8 rugir dans les tours. La sonorité est jouissive, les claquements lors des changements de rapport sont jubilatoires. La boîte cependant jette une ombre à la balade. On sent clairement que la technologie derrière la transmission arrive en fin de vie, avec une vitesse de passage de rapport molle, nuisant à la dynamique du moteur.
Verdict
Très rapidement, je comprends que ce n’est pas une arme pour les cols, et même par extension, pour routes ouvertes. Ses qualités font cependant d’elle un excellent jouet pour le circuit, au revêtement uniforme, où il est possible de monter fort dans les tours.
Elle est indéniablement dotée d’excellents points mais les défauts qu’elle présente ternissent l’expérience. Je suis donc balancé entre l’enchantement que procure le V8 ainsi que le design extérieur et la déception générée par cet avant qui laisse planer le risque de cassure. La boîte de vitesse s’inscrit aussi dans la colonne « Dommage ».
En bout de ligne, la Corvette Grand Sport Final Edition reste tout de même la représentante type d’une génération de voitures, dotée de caractère, d’un cœur vivant, d’une beauté sans pareille. Alors que les lois modernes ont eu raison de l’importation des Corvette en terre helvétique, cette dernière édition laisse, pour de multiples raisons, un goût doux-amer. On finira, quand même, par la regretter.
Prix et options – Chevrolet Corvette Grand Sport Final Edition
Prix de base : CHF 130’000.-
Cuir Nappa noir « Jet Black » avec surfaces assises : CHF 0.-
Volant, levier de vitesses, tableau de bord, portes et console centrale en microfibre suédée : CHF 0.-
Pack d’habillage intérieur avec finition « Carbon Fiber » brillante : CHF 0.-
Sièges sport de compétition : CHF 0.-
Chevrolet MyLink avec système de navigation 3D : CHF 0.-
Ecran tactile 8″ couleur haute définition : CHF 0.-
Système audio BOSE® Premium avec 10 haut-parleurs et technologie de compensation du bruit AudioPilot® : CHF 0.-
Tableau de bord avec écran 8″ couleur numérique amélioré : CHF 0.-
Affichage tête haute en couleur : CHF 0.-
OnStar® avec 4G LTE et point d’accès Wi-Fi intégré : CHF 0.-
Sièges conducteur et passager avant chauffants et ventilés : CHF 0.-
Enregistrement des préréglages du siège du conducteur : CHF 0.-
Climatisation automatique à deux zones : CHF 0.-
Caméra de recul et caméra avant d’aide au stationnement avec vue du trottoir : CHF 0.-
Régulateur de vitesse : CHF 0.-
Jantes Grand Sport Cup en aluminium peintes en noir laqué : CHF 0.-
Éléments d’effets de sol en fibre de carbone visible : CHF 0.-
(lame avant, bas de caisse, becquet)
Capot avec section centrale en fibre de carbone visible : CHF 0.-
Bandes diagonales sur les ailes – « Carbon Flash » métallisé : CHF 0.-
Rétroviseurs extérieurs, « Carbon Flash » : CHF 0.-
Rétroviseurs extérieurs, électriques, dégivrants et à atténuation automatique : CHF 0.-
Magnetic Ride Control™ à mode sélectionnable : CHF 0.-
Sélecteur de mode de conduite à 5 modes : CHF 0.-
Freins Brembo® en carbone-céramique : CHF 0.-
Système d’enregistrement des performances du véhicule : CHF 0.-
Contrôle du démarrage : CHF 0.-
Couleur extérieure teinte orange « Sebring Orange » : CHF 0.-
Rabais : CHF -9’100.-
Prix TOTAL : CHF 120’900.-
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Nos remerciements à Cadillac et Chevrolet Europe pour le prêt de cette Chevrolet Corvette Grand Sport Final Edition, ainsi qu’au Garage Guex SA à Bremblens/Morges pour leur soutien logistique.
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