Essai – Jaguar XJ Supersport : Révolution de A à Z

L’oncle Tata continue la refonte de la gamme Jaguar. Après la très réussie XF, le constructeur de Coventry nous présente la version revisitée de sa sempiternelle XJ. L’occasion pour nous de passer au crible ce nouveau vaisseau amiral dans sa version (très) haut de gamme “Supersport”, équipée du V6 diesel de 3.0 litres de cylindrée, ainsi qu’inaugurer notre rubrique “L’avis de Madame” que vous retrouverez de temps à autre sur nos essais. Shocking ?

  • V6, biturbo, 2’993 cm3
  • 275 CV à 4’000 t/min
  • 600 Nm à 2’000 t/min
  • Boîte de vitesses automatique, 6 rapports
  • Vitesse maxi. : 250 km/h
  • 0 à 100 km/h : 6.4 sec.
  • Poids : 1’796 kg
  • Conso. mesurée : 8.8 l./100 km
  • CO2 : 184 g/km (C)
  • dès CHF 160’600.-
    modèle essayé : CHF 171’998.-

 


Texte : Jérôme Marchon / Photos : Jérôme Marchon, Steve Waelti


 

Depuis 1968 la Jaguar XJ arborait le même style classique de berline statutaire tricorps, faisant d’elle la berline attitrée des ministres et hauts-fonctionnaires de sa Majesté. A l’image d’une Porsche 911 pour les Allemands, la XJ était devenue, au fil des ans, l’un des porte-drapeaux du luxe et de la tradition automobile anglaise. L’arrivée des Indiens aux commandes a tout révolutionné. Qu’en est-il ?

 

L’extérieur

La mission qui incombait à Ian Callum, patron du design, était de totalement réinventer la XJ. Il s’agit pour le moins d’un pari audacieux ! S’attaquer à l’icône d’une marque est loin d’être une sinécure, risquant de heurter les clients les plus conservateurs, voire les sacrifier pour en conquérir d’autres. En toute franchise, les premières photos apparues il y a près de deux ans ne m’avaient guère convaincu. Pas assez de grâce, ligne « deux volumes et demi » trop moderne, peu de liens avec la mythique ancêtre, je ne lui prêtais qu’un intérêt distant. Puis vint la présentation dans une concession du coin. Je revois mon jugement : en métal la XJ est autrement plus séduisante qu’en photos ; d’ailleurs, au moment des prises de vues pour cet article, la belle ne s’est pas laissé facilement capturer. Les lignes sont tendues, athlétiques, recelant sous certains angles de faux airs de Maserati Quattroporte ou Aston Martin Rapide. La face avant, magnifique, semble prête à vous bondir dessus avec ses yeux perçants et l’énorme calandre, tandis que l’arrière, massif, ne s’orne que du Jaguar élancé pour seul moyen d’identification. L’originalité de sa ligne ne trouve guère de concurrentes directes dans la production d’Outre-Rhin, si ce n’est l’Audi A7 ou la Mercedes-Benz CLS, voire, dans une moindre mesure, la Porsche Panamera.
Cette robe pour le moins osée pénalise malheureusement la vision périphérique : quasi inexistante vers l’arrière elle se trouve particulièrement entravée vers l’avant par les montants de pare-brise épais.
Au final, je suis conquis. La silhouette de cette XJ attire irrémédiablement le regard, ne laissant personne indifférent sur son passage. Alors qu’une Jaguar était plutôt l’apanage des retraités aisés, la marque continue le rajeunissement de sa gamme et par là même de sa clientèle. Contrat rempli !

 

L’intérieur

Impossible, également, de rester indifférent à l’intérieur. Table rase du passé en termes de design, certes, mais conservation des ingrédients essentiels à un intérieur Jaguar : placages de bois précieux, cuirs tendus et chromes brillants. Le tout s’accorde à merveille dans une atmosphère plutôt sportive. Un énorme tunnel central sépare les occupants à l’avant. L’espace dévolu aux passagers arrière est cependant relativement compté compte tenu du gabarit de l’auto. Toutefois, pour les « Grandes Remises », une version châssis long est disponible, offrant une douzaine de centimètres supplémentaires entièrement dévolus à l’espace au jambes des grands gabarits prenant place à l’arrière.
La partie haute du tableau de bord rappelle les bateaux Riva, avec la présence d’une ceinture boisée incurvée comme pour nous confiner dans un cocon. Le volant légèrement « tulipé » rappelle les grosses américaines des années 60-70. Point de levier de vitesses ! La XJ reprend le système de sélectionneur à roulette escamotable inauguré sur la XF.
Devant le conducteur, une multitude d’écrans. En premier lieu, sous la casquette abritant l’instrumentation, un large LCD reproduit virtuellement la présence du tachymètre, du compte-tours et des diverses jauges (essence, température d’eau). Selon le mode d’utilisation de l’ordinateur de bord ou du GPS, l’affichage des jauges disparaît pour laisser apparaître les instructions du GPS et/ou sa carte. Déroutant au premier abord, laissant craindre l’appartition de reflets suivant les conditions de luminosité, cette technologie s’avère plutôt ludique et agréable à l’utilisation. Il ne restera plus qu’à juger de sa qualité et fiabilité au fil des années. Le design des cadrans s’inspire des compteurs « Smiths » des Jaguar d’antan. La console centrale abrite également un grand écran, tactile, centralisant les fonctions de GPS, de l’ordinateur de bord et le système audio/vidéo/TV TNT. La diffusion à l’écran permet de dédoubler l’image sur toute sa surface: à savoir, depuis le côté conducteur, afficher les données du GPS ou l’ordinateur de bord, pendant que le passager avant se relaxe devant le dernier épisode de sa série préférée. Seul le son, diffusé au travers des vingt hauts-parleurs Bowers & Wilkins totalisant 1’200 watts pourrait éventuellement distraire le conducteur. Qu’à cela ne tienne, un casque sans fil est à disposition des passagers !
Tout comme l’extérieur, l’habitacle a donc subi un traitement de choc d’un point de vue stylistique et technologique. Le bois et le cuir sont toujours présents, bien entendu, mais avec un zeste de modernité et d’originalité bienvenus. Le choix des matériaux, leur qualité ainsi que l’agencement et la finition ne souffrent d’absolument aucune critique. L’ensemble et son raffinement contrastent singulièrement avec la tristesse, ou tout du moins une certaine convenance, que l’on rencontre très souvent parmi les autres actrices du segment.
La malle arrière est profonde, offrant une capacité de 520 litres, permettant aisément de charger les sacs de golf ou les valises de la famille. Détail cocasse, l’intérieur du couvercle de malle cache une poignée « d’urgence » permettant son ouverture dans le cas où vous vous seriez enfermé par mégarde dans le coffre…

 

Sous le capot

Equiper une limousine de cet acabi d’un « simple » V6 diesel peut paraître, de prime abord, un peu chiche. Détrompez-vous ! D’une cylindrée de 2’993 cm3 et développant 275 CV à 4’000 t/min, l’intérêt de ce propulseur biturbo réside dans sa valeur de couple : 600 Nm à 2’000 t/min, « seulement » 25 Nm de moins que la version la plus puissante de la gamme (5.0 l. V8 Compresseur, 510 CV). La différence sur ce point est donc insignifiante et le petit V6 garantit à la grande XJ des reprises canon. Par contre, lorsqu’il s’agit d’aborder la question de la consommation, le diesel l’emporte haut la main ! Sur notre essai d’environ 2’500 km, mené pourtant à bon train et sur bon nombre de types de trajets différents, la consommation moyenne mesurée à la pompe ne l’élève qu’à 8.8 litres/100 km (contre un 7.0 l/100 km optimiste annoncé par Coventry). Mais la performance reste de taille pour un monstre de plus de deux tonnes en ordre de marche tous pleins faits avec le chauffeur, 2’015 kg exactement (poids à vide constructeur : 1’796 kg). De quoi rendre votre pompiste inquiet ! Je me plais également à souligner l’absence de toute vibration, un silence de fonctionnement exemplaire, et un ronron agréable en forte sollicitation. Trois qualités rares parmi les motorisations diesel.
La boîte de vitesses automatique à six rapports a droit elle aussi aux mêmes éloges. Rapide, onctueuse et à la gestion électronique parfaite, j’ai même cru un instant avoir à faire à une boîte à double embrayage, alors qu’il n’en est rien. L’utilisation des petites palettes cachées derrière le volant devient même amusante une fois le mode « Dynamique » de la gestion du moteur, du châssis et de la direction actionné, de concert avec le mode « Sport » de la boîte de vitesses.

 

Au volant

Grâce à son train avant à double triangulation, sa suspension arrière pneumatique (qui maintien l’assiette de la caisse quel que soit le poids du chargement), le tout géré par le système ADS (Adaptative Dynamics System), la Jaguar XJ maîtrise la route avec une énorme facilité. Il est même possible, pour les amateurs du genre, de totalement déconnecter le contrôle de trajectoire et l’antipatinage. Prenant peu de roulis, l’amortissement est taré assez ferme, correspondant encore une fois au positionnement plus sportif de la XJ. De ce côté-là, elle n’offre pas la même onctuosité qu’une Audi A8 ou une Mercedes-Benz Classe S, ce qui déplaira certainement à ceux qui se font conduire, mais ravira les amateurs du plaisir de conduite. Les petites imperfections de la route se traduisent par quelques trépidations. Peut-être aurait-il fallu offrir un mode « Confort » de la suspension active afin de contenter tout le monde ? Toujours comparativement à ses concurrentes, le poids « contenu » de la XJ, grâce à sa structure en aluminium riveté, lui permet une agilité rare dans le segment. La direction, facile, précise, très directe et bien calibrée retransmet parfaitement les informations de la route. En conduite dynamique, la XJ adopte un comportement neutre et efficace. Il n’y a qu’aux relances en sortie de courbe, si votre pied droit est très très lourd, que l’électronique se chargera de juguler les ruades du train arrière. Tout au long de cet essai, je n’ai jamais eu l’impression de conduire un paquebot de la route tant l’équilibre de cette limousine a été particulièrement peaufiné. Sur autoroute, inutile de préciser que le comportement de la XJ est souverain et les longs parcours ne seront que formalité. Enfin, le freinage est largement à la hauteur, avec une attaque de la pédale franche et rassurante ainsi qu’une très bonne résistance à la chaleur du système ne laissant point apparaître de fading.

 

Verdict

En définitive, les ingrédients de base sont évidemment présents, toujours dans l’esprit insufflé en son temps par Sir William Lyons. La « révolution de curry » en cours du côté de Coventry aura eu le mérite de nous offir une Jaguar XJ aboutie techniquement, communicative et moderne dans un segment qui a tendance à prendre la poussière. Seul l’accès, d’un point de vue tarifaire, demeure élitiste. On aime ou on déteste, mais l’ensemble préserve ce côté décalé de la concurrence qui fut l’apanage de la XJ durant les quarante dernières années. Un art de vivre, en somme. Tellement facile et commun de choisir une Teutonne…

 

 

L’avis de Madame…

Par Jessica

 

« A toi le volant, tu verras elle est facile à conduire » me dit-il avant que je m’installe confortablement dans le siège conducteur. Une petite pression sur la touche « start » et c’est parti pour un tour sur les bords du Léman à bord de la Jaguar XJ.

Peu de temps après le départ, je ressens une première impression de conduite fort agréable me faisant penser à mon écharpe en soie que je porte en hiver, douce et soyeuse à la fois, mais à manier tout de même avec précaution. En effet, une petite pression de trop sur l’accélérateur et « la bête », qui semblait si docile au départ, sort les griffes. La sensation reste tout de même grisante. Les tours montent, la vitesse prend rapidement l’ascenseur et les compteurs virtuels me rappellent mes longues heures passées devant les jeux vidéo lorsque j’étais enfant. Cela donne un côté ludique et sympa à la voiture. Je partage également avec vous la crainte qu’après un coup sur l’accélérateur ce ne soit plus moi le maître du jeu et que la Jaguar prenne les rênes. Bonne surprise, c’est moi qui guide la voiture et non l’inverse. Ouf !

Le soleil nous a quitté. Je poursuis ma route et commence à être dérangée par le fort éblouissement des phares venant en sens inverse ainsi que les lumières bordant la route. Les filaments de dégivrage noyés dans le pare-brise provoquent un halo lumineux fort gênant.  Bref le pare-brise se fait beaucoup moins ludique et sympa que les compteurs et je remarque en outre que n’étant pas très grande – malgré le bon réglage du siège – la visibilité est réduite vers l’arrière. Les jeux vidéo ont l’avantage de nous épargner ces nuisances-là.
Mon agacement oculaire se traduit aussi par de légers tapotements de doigts contre le volant, comparables à ceux d’une personne trépignant au feu rouge, accompagnés du bruit régulier que font mes bagues contre le volant en bois. Ces petits impacts laisseront-ils une trace sur cette matière noble ? Ou pire encore, des petites nervures sur mes bagues en or ? Et que fait cet îlot de boutons entre le siège conducteur et celui du passager m’empêchant d’attraper mon sac à main si besoin ? Un détail, me diriez-vous messieurs ? Mais il s’agit d’un élément fort significatif relevant d’un mode de fonctionnement typiquement féminin ; les dames au volant doivent pouvoir conduire en ayant la sensation que tout est sous contrôle à 360 degrés. Ce comportement peut également se traduire chez certaines hors de la voiture.

Donc cessons d’être irritées par la vision et le son, mettons plutôt en éveil les trois autres sens et apprécions cette agréable sensation d’être une plume glissant sur de la soie. Fort et fragile à la fois, lourd et léger, puissant et sensible, tels sont les contrastes qui m’accompagnent le long de la route.

J’arrive bientôt à destination, j’entre dans une petite avenue en ayant le sentiment que le chemin s’ouvre à moi ; en effet, bien qu’imposante, la Jaguar XJ s’adapte très bien aux rues étroites et se laisse facilement conduire. Je me prépare à quitter mon « jeu » en prenant toutes les précautions de sauvegarde nécessaires pour garder en mémoire ces chouettes instants au volant de cette voiture.
Le bouton « Stop » m’appelle. Game over !

 

 

Prix et options – Jaguar XJ 3.0 V6 Diesel Supersport

Prix de base : CHF 160’600.-

Peinture métallisée : CHF 1’540.-

Blind Spot Monitor : CHF 930.-

Roues hiver 245/40 R19 : CHF 5’568.-

Radio DAB : CHF 660.-

Volant en bois/cuir chauffant : CHF 790.-

Pare-brise chauffant : CHF 610.-

Lunette et vitres latérales sur-teintées : CHF 590.-

Pare-soleil arrière électrique : CHF 710.-

Prix TOTAL : CHF 171’998.-

 

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Nos remerciements à Jaguar Land Rover (Suisse) SA pour le prêt de cette Jaguar XJ.

 

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