Essai – McLaren MP4-12C : What else ?
Annoncée comme la tueuse de Ferrari, Porsche, Lamborghini et autres GT emblématiques du paysage automobile, la McLaren MP4-12C passe enfin dans les mains de Wheels And You. Compte-rendu d’un essai mené tambour battant entre soleil, pluie, neige et brouillard.
Texte : Jérôme Marchon / Photos : Bob de Graffenried et Jérôme Marchon
La MP4-12C marque le retour aux affaires pour McLaren Automotive, division voitures de route de McLaren, à qui nous devons la fabuleuse « F1 » des années 90 ou la « SLR » sur base Mercedes-Benz. Sous l’égide du charismatique Ron Dennis qui a mis de côté son poste de directeur sportif de l’écurie de Formule 1 pour chapeauter l’ensemble des autres activités du groupe, la marque se veut désormais totalement indépendante (tout est fait par et pour McLaren exclusivement), plus « abordable » et par là-même visant une clientèle déjà bien implantée auprès des cadors mondialement connus, qu’ils soient Anglais, Allemands, Italiens ou Américains. Le moins que l’on puisse dire c’est que le pari de créer de toutes pièces une nouvelle marque a été jusqu’ici gagné, à coup bien entendu de centaines de millions de livres sterling, avec un premier produit plutôt réussi, du moins sur le papier. D’ailleurs, le business plan McLaren visant à présenter chaque année un nouveau modèle tient jusqu’ici, avec la MP4-12C en 2011, la MP4-12C Spider en 2012 et la P1 en 2013.
La MP4-12C on la connaît un peu. Nous vous en avions déjà présenté les grandes lignes en 2011 lors de sa première venue en Suisse. Pour le millésime 2013, McLaren affine quelque peu sa copie, en la dotant notamment de 625 CV (au lieu de 600 CV) et deux ou trois petites améliorations pratiques comme la possibilité de lever l’assiette de l’auto pour enjamber un gendarme-couché, par exemple. Bref, passons en revue la terreur venue du Surrey.
A l’extérieur
MP4-12C. Voilà son petit nom, aussi poétique que la désignation d’un missile balistique soviétique à la grande époque de la Guerre Froide. Si la numérotation interne à la marque relève de la masturbation intellectuelle – « MP4 » pour « McLaren Project 4 », le nom de l’écurie McLaren suite à son rachat par Ron Dennis, « 12 » pour l’indice de performance selon les critères secrets et obscurs de la marque et « C » pour carbone – la ligne générale de la « 12C » fait pour le moins dans la simplicité. Alors oui, en termes de proportions, nous restons en terrain connu avec des dimensions proches de la Lamborghini Gallardo ou la Ferrari 458 Italia. Mais la ligne ne recèle aucune once de fantaisie ni d’exubérance comme les Latins savent le faire. Tout est cliniquement, techniquement et froidement pensé, avec comme seul objectif la performance dans une rationalité et une minutie frisant l’obsession. Comme le dit notre « confrère » Jeremy Clarkson, avec son humour très British : « même le dessin du balai d’essuie-glace a fait l’objet de semaines de réflexion ». En même temps, venant de Ron qui pinaille pour un carreau de carrelage gris foncé qui n’a pas tout à fait le même grain que ceux qui l’entourent dans le hall de son usine, rien de plus normal…
Et comme il n’y a pas « d’héritage » historique – ou presque – sur lequel se baser pour piquer ici et là quelques traits rappelant un illustre ancêtre, la 12C joue le rôle d’ouvreuse en termes de style. Dans cette robe « McLaren Orange », couleur originelle des bolides de circuit de Bruce McLaren, et soulignée d’appendices en carbone, la 12C en jette malgré tout. La face avant avec ses optiques de petite taille semble prête à avaler l’asphalte, jetant un regard acéré sur sa proie. Vous noterez par ailleurs la signature LED des projecteurs qui reprend la forme du logo de la marque. Les profils sont tendus et s’ouvrent vers les écopes latérales qui permettent au V8 de respirer à pleins poumons. La poupe, quant à elle, est la réelle signature de cette 12C : elle abrite à la fois les guirlandes de LED officiant comme feux/clignotants insérés dans les barrettes noires, mais aussi et surtout les échappements situés « à hauteur d’homme » comme deux naseaux. Sous le pare-choc, un extracteur pour le moins suggestif se charge d’évacuer le flux d’air du dessous de l’auto. Surmontant cet attirail, l’aileron ajustable officie également d’aérofrein lors de fortes décélérations.
Bon, il y a tout de même un petit détail « m’as-tu vu » sur l’ensemble : les portes en élytre qui, bien entendu, épatent la galerie à chacune de leur ouverture. Je regrette cependant, dès le millésime 2013, l’abandon du système d’ouverture des portes à effleurement « magique », au profit d’un très discret petit bouton en caoutchouc, afin d’éviter toute ouverture intempestive dans le tunnel de lavage…
En définitive, même si les mauvaises langues disent que la 12C a autant de sex-appeal ou de charisme que Ron son créateur, l’ensemble ne manque pas de prestance et pour peu que vous choisissiez une couleur voyante comme ce « McLaren Orange » vous ne passerez pas inaperçu.
A l’intérieur
C’est de loin l’intérieur le plus « simple » de la catégorie. Avec cette longue et fine console centrale s’étirant du haut du tableau de bord pour venir mourir sur le « tunnel central », l’habitacle rappelle en certains points celui de la… Porsche Carrera GT. Mais malgré une apparence très minimaliste, il regorge, en termes d’équipements, de tout ce qui fait une auto moderne, sportive qui plus est.
Ainsi, le pilote retrouve face à lui un énorme compte-tours qui accueille également le tachymètre numérique. De chaque côté, deux petits écrans affichent pour l’un les données kilométriques et les infos de l’ordinateur de bord et pour l’autre les informations sur les fluides, les réglages châssis et moteur/transmission. C’est sobre, lisible, fonctionnel. Les commandes de climatisation, bi-zone, sont renvoyées dans leurs portières respectives. Au centre de la console, le combiné « IRIS » regroupe le GPS, la chaîne hifi et le téléphone. En-dessous, se logent le bouton « start » de démarrage et les deux mollettes qui permettent de transfigurer le comportement de la 12C. J’y reviendrai. La séparation entre les sièges accueille le frein de parking électrique et les commandes de la boîte de vitesses, marche avant (D), neutre et marche arrière (R).
L’accès à bord demande une certaine habitude afin d’enjamber l’imposant longeron de la structure monocoque en carbone sans se cogner soit à la portière, au toit ou au montant du pare-brise. Mais une fois à bord et la portière fermée, l’ambiance se veut résolument sportive. Calé dans les baquets carbone au maintien parfait, le champ de vision s’ouvre très bas vers l’avant, limité de part et d’autre latéralement par les bosses des ailes qui permettent d’aisément jauger le placement de l’auto sur la route. La position de conduite est trouvée quasi instantanément et le volant – à la jante modelée sur celui que Lewis Hamilton (sic !) utilisait – tombe parfaitement dans les mains, de même que les palettes qui lui sont solidaires et les commodos à portée de phalange. L’ergonomie générale est juste idéale, les commandes simples tandis que les nombreuses possibilités de choix de peausseries, surpiqûres et autres placages vous permettent d’axer l’atmosphère de votre intérieur soit vers la sportivité extrême ou le sport-chic. Mais il me manque malgré tout l’effet « wouah » que provoque habituellement la découverte de l’intérieur et l’ambiance particulière d’une auto de cet acabit.
Sous le capot
Sous la vitre arrière, se cache un V8 biturbo de 3’799 cm3 de cylindrée développant 625 CV à 7’500 t/min et 600 Nm de 3’000 à 7’000 t/min. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça souffle là-derrière ! Développé en collaboration avec Ricardo, il propulse la 12C de 0 à 100 km/h en 3.1 secondes et, plus impressionnant, de 0 à 200 km/h en 8.8 secondes. La vitesse de pointe est annoncée à 333 km/h.
Un effort tout particulier a été fourni par les concepteurs sur la consommation et les émissions de CO2. La consommation mixte annoncée est de 11.7 l./100 km pour des rejets de 279 g/km. Une réelle performance si l’on considère les prestations offertes. D’ailleurs, ce moteur, baptisé à l’interne « M838T » (ne me demandez pas ce que ça veut dire…) a été auréolé le 6 juin 2013 du prix « Engine of the Year 2013 » dans la catégorie de cylindrée de 3.0 à 4.0 litres, justement pour son efficience. Mais bon, on le sait bien, dans la réalité il en est tout autrement en termes de consommation. Si la moyenne de notre essai culmine à un bon 16.3 l./100 km, sur un tracé mêlant autoroutes, cols et départementales parcourus en exploitant toutes les ressources de l’engin, j’ai tout de même réussi à descendre à un maigre 8.7 l./100 km sur autoroute en restant scrupuleusement dans les limitations légales en conduite souple, gestion de la boîte en « automatique ». Pas mal, non ?
La puissance de feu du moteur est transmise aux roues arrière via une boîte de vitesses double-embrayage à 7 rapports, équipée du système « Pre-Cog ». What is it ? Tout simple : en mode manuel, dès lors que vous allez changer de rapport, il est possible d’en informer la boîte en exerçant une demi-pression sur la palette, que ce soit à la montée ou la descente des rapports. L’électronique prépare ainsi le changement de vitesse et lorsque vous ordonnerez le passage avec une pression franche et complète, celui-ci s’exécutera à une vitesse supersonique. Certes cela demande un temps d’adaptation, un peu d’anticipation et une bonne synchronisation, mais le résultat est impressionnant. Bien entendu, il est possible de changer de rapport sans « l’annoncer » préalablement, mais le passage sera moins fulgurant.
Autre raffinement unique de la 12C, son système de suspension pilotée. Le but était de faire de la 12C autant une arme redoutable sur piste qu’un coupé parfaitement taillé pour la route avec Madame lors d’un week-end en amoureux ou pour une utilisation quotidienne. Autour du châssis monocoque en carbone, les quatre amortisseurs sont couplés entre eux et leur hydraulique gérée par une centrale électronique agissant sur la détente et la compression en fonction du mode sélectionné pour le châssis (Normal, Sport ou Track). En résulte une versatilité absolument impressionnante, passant du rasoir ultra précis et raide à souhait sur piste au confort d’une berline sportive sur la route, filtrant avec un flegme tout anglais la moindre imperfection de la chaussée. Je vous passe les détails techniques du quoi ? comment ?, mais le résultat est bien là et probant. Et pour les férus de la piste, sachez qu’ainsi équipée, la 12C se passe purement et simplement de barres stabilisatrices ! Oui, oui !
Au volant
Après un tel inventaire à la Prévert, il est temps de passer aux choses sérieuses.
Comme déjà évoqué plus haut, il est possible, au moyen des deux molettes présentes sur la console centrale, de paramétrer le châssis (« H » pour Handling) et le couple moteur/boîte de vitesses (« P » pour Powertrain) selon trois modes : Normal, Sport et Track. De la première molette dépend la dureté de la suspension et la limite d’intervention de l’ESP. De la seconde, la réponse de l’accélérateur, la puissance disponible et le son du moteur, surtout ! Notez par ailleurs que toutes les combinaisons sont possibles, à savoir le châssis en mode Track et le moteur/boîte en mode Normal, par exemple. Mais il est bien clair que pour plus d’homogénéité, les réglages concordant sur les deux variables sont indispensables.
Excité comme une puce, je démarre et le V8 s’ébroue dans un son rauque avant de se caler sur son ralenti mélodieux et feutré. Toutes les commandes en mode Normal, je m’introduis dans la circulation urbaine sur un filet de gaz. D’emblée la légèreté de l’auto (1’336 kg annoncés) frappe dès le premier tour de volant. La boîte en mode automatique égrène ses rapports avec douceur, la docilité de l’auto et ses dimensions raisonnables permettent d’affronter la ville sans crainte. Les saignées de la chaussée et autres plaques d’égouts n’ébranlent en rien la caisse et aucune de ces imperfections ne se ressent dans mes lombaires. Impressionnant. Les quidams sont même surpris de voir évoluer avec tant de quiétude un missile sol-sol orange pétant… Oh ! Un gendarme couché à l’horizon ? Petite pression sur le commodo de gauche et l’assiette de l’auto s’élève en quelques secondes afin d’éviter de laisser quelques grammes de carbone sur les rampes.
Les affres urbaines éloignées, une belle ligne droite devant moi… Mollette châssis sur Sport, mollette moteur sur Track, boîte de vitesses en mode manuel et… pied au fond ! La 12C détale comme un sprinter sans patiner, même équipée de pneus hiver. Deuxième, troisième, quatrième, mon permis de conduire s’est déjà envolé depuis belle lurette que le moteur continue de pousser, pousser et encore pousser. Et c’est sans fin ! La tenue de cap sur le train avant est magistrale, aucun flottement n’est perceptible. Pfiou ! Hallucinant. Et quel son ! Alors que les premiers essais de la 12C faisaient état d’une relative timidité de l’échappement, Ron a depuis engagé de bons acousticiens… Le V8 part dans des envolées lyriques qui n’ont rien à envier à un atmosphérique, dans des harmonies graves bas dans les tours et une fois les 5’000 t/min passés, les registres aigus viennent apporter leur mélodie. Génial !
A mesure que les kilomètres passent, l’auto se laisse très facilement apprivoiser. Trop presque à mon goût tant elle semble ultra-facile à dompter. J’arrive enfin sur mes routes favorites, mêlant courbes et épingles, longs appuis et enchaînements rapides. Il est temps de tout mettre en mode Track.
La direction est d’une précision chirurgicale, le sous-virage quasi absent (compensé en réalité par le « Brake Steer » qui freine la roue arrière intérieure lorsque le sous-virage est détecté par l’électronique). Est-ce peut-être dû à la monte pneumatique hiver, mais l’arrière semble se faire léger dans les courbes rapides et la direction demeure un tantinet trop légère dans le ressenti. Par contre, les informations remontent avec précision dans la direction. En mode Track, l’ESP laisse une petite latitude pour la dérive avant de remettre tout le monde dans le droit chemin, avec tact et sans tout couper brusquement comme on peut le constater sur certaines autos. Mais le plus impressionnant reste l’absence totale de prise de roulis, à tel point que j’ai l’impression d’être à bord d’une auto de course. Je me surprends à freiner très tard, l’aileron se dresse en une fraction de seconde pour assister le freinage qui, muni de freins carbone-céramique jouit pourtant d’un mordant et d’une endurance à toute épreuve. J’en reste sans voix et la banane s’affiche sur mon visage… Du rêve ! Les relances sont énergiques, aucun lag de turbo n’est perceptible dans ce mode, et la 12C vous propulse de virage en épingle à des vitesses folles, faisant de vous un pilote.
Verdict
Après ces quelques jours et les quelques centaines de kilomètres parcourus, un sentiment étrange m’envahit sur la route me reconduisant vers la concession McLaren de Genève. Aussi phénoménale que soit cette 12C, c’est sans pincement au cœur que je m’apprête à la restituer. Eh ! Oh ! Jérôme ! T’es blasé ? T’es malade ? Rassurez-vous, tout va bien et c’est au moment de coucher mon bilan sur le papier que l’évidence m’est apparue : cette McLaren MP4-12C est trop facile, trop parfaite et repousse très loin les limites, voire compense les lacunes de son pilote. Est-ce bien raisonnable ? Même si à aucun moment l’électronique embarquée ne se montre castratrice en entrant en action, il ne fait aucun doute que les circuits imprimés opèrent à plein régime pour vous donner le meilleur de ce que la 12C sait faire. Dès lors, forcément, le rendu est un peu artificiel.
Sur le papier et dans les faits la 12C est une machine redoutable et ultra efficace qui apporte des solutions techniques innovantes dans le segment. Mais il lui manque ce petit supplément d’âme qui ferait sa spécificité, comme une Ferrari sait être flamboyante, une Lamborghini bestiale, une Porsche attachante ou une Aston Martin intemporelle, tout en imposant à son pilote, pour chacune d’entre elles, de venir avec humilité et respect la titiller dans ses derniers retranchements.
Prix et options – McLaren MP4-12C Coupé
Prix de base : CHF 270’000.-
Peinture spéciale McLaren Orange : CHF 2’690.-
Splitter avant en fibre de carbone : CHF 3’360.-
Ecopes latérales en fibre de carbone : CHF 3’360.-
Passages de roues avant en fibre de carbone : CHF 3’360.-
Couverture du plenum d’admission en fibre de carbone : CHF 3’360.-
Protections baie moteur en fibre de carbone : CHF 4’700.-
Diffuseur arrière en fibre de carbone : CHF 4’700.-
Stealth Pack : CHF 1’210.-
Echappement sport : CHF 6’380.-
Jantes Lightweight Forged II : CHF 4’700.-
Finition Diamond Cut : CHF 2’290.-
Freins carbone-céramique : CHF 15’430.-
Radar parking : CHF 2’420.-
Système de surveillance de pression des pneus : CHF 1’010.-
Alarme : CHF 420.-
Système de tracking McLaren : CHF 940.-
Elévation de l’assiette : CHF 5’370.-
Système d’information IRIS : CHF 8’050.-
Intérieur en alcantara et cuir : CHF 9’390.-
Placages intérieurs en fibre de carbone : CHF 4’700.-
Dossiers des sièges en fibre de carbone : CHF 4’700.-
Sièges électriques et chauffants : CHF 4’030.-
Tapis brodés : CHF 470.-
Housse de protection : CHF 680.-
Prix TOTAL : CHF 367’720.-
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Nos remerciements à McLaren Automotive Limited pour le prêt de cette McLaren MP4-12C, à Autobritt McLaren Geneva pour la logistique, ainsi qu’à toute l’équipe du Circuit de Bresse pour leur sympathique accueil et leur aide lors de notre shooting photo.
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