15 November 2017
2017-11-15
Né dans la génération PlayStation, j’ai joué d’innombrables heures à Gran Turismo. Alors que je n’avais pas encore le permis, la page Skyline se tournait pour faire sobrement place à “GT-R”. Aujourd’hui, on me confie celle qui n’a pas su faire oublier l’iconique R34 et je l’emmène là où elle est techniquement née il y a maintenant 10 ans. Suivez-moi au nord-ouest de l’Allemagne, autour du circuit du Nürburgring.
Texte et photos : Patrick Schneuwly
Retour en 2007. Nissan met le feu aux poudres en annonçant que sa GT-R est plus rapide qu’une Porsche 997 Turbo sur la Nordschleife. Les nombreuses années de développement ont porté leurs fruits, la japonaise marque son territoire dans l’Enfer Vert. En une décennie, la concurrence s’est armée pour lui faire barrage. Le modèle 2017 a été redessiné et techniquement mis à niveau.
Je retourne donc en pèlerinage sur l’asphalte qui a fait connaître la bête. On peut y voir un bon nombre de compères y laisser de la gomme à longueur de journée. Un temps, elle était même engagée comme unité d’intervention rapide des pompiers du circuit. Sur les routes de la région, on la sent comme à la maison et, sur la piste, c’est comme si elle retrouvait la cour de récréation de son enfance.
Mon reportage est autant un essai qu’un hommage à cette voiture qui devait être au mur de la chambre de gens de mon âge, comme une Diablo ou une F40 en leur temps. Si la GT-R n’est pas aussi marquante que ces dernières en terme de style, elle est d’une efficacité redoutable.
A l’extérieur
Depuis sa sortie, le dessin de la GT-R est critiqué pour sa rondeur allant de pair avec son embonpoint. La R34 était restée simple alors que celle-ci, au fil des restylages, pourrait basculer dans le too much. L’arrière la distingue entre toutes, les 4 phares ronds, dont les 2 intérieurs sont plus petits, et leurs centres transparents sont comme une empreinte digitale. Puis il y a les deux doubles sorties d’échappement au diamètre plus que généreux pour laisser le V6 cracher tous ses gaz brûlants.
Au centre du bouclier dépasse une lame de carbone. Plus qu’un simple diffuseur, c’est la terminaison du fond plat qui couvre tout le dessous de la Nissan. En y regardant de plus près, on aperçoit une ouverture qui laisse passer un coude de l’échappement. Ce tube en métal légèrement bleu permet de deviner la ligne Titane montée d’usine.
Dans la calandre, le logo GT-R est un héritage de la R33. Tout le reste de l’avant n’a, à mon grand regret, aucune correspondance avec ce que Nissan a eu fait. C’est agressif, musculeux, efficace, mais pas beau au sens strict. Heureusement, les jantes noires 20 pouces sont superbes, et les étriers de frein Brembo oranges métallisés apportent la juste touche de couleur : je suis fan.
A l’intérieur
La Nissan offre des prestations d’une japonaise haut de gamme. L’intérieur est agrémenté de nombreux panneaux de cuir, d’aluminium brossé et le tunnel de transmission est habillé tout en carbone mat. Les sièges baquet en cuir arborent fièrement une étiquette indiquant qu’ils ont été cousus main. L’infodivertissement sur l’écran tactile peut aussi être contrôlé par une molette centrale tombant sous la main du conducteur. Programmé par Polyphony Digital, créateur de Gran Turismo, l’ordinateur de bord affiche un bon nombre d’information, mais dont la disposition laisse parfois perplexe.
A la base du tableau de bord sont regroupés 3 boutons inspirés de l’aviation pour agir sur la transmission, la suspension ou le contrôle de motricité. À proximité directe du sélecteur de vitesses, on peut à tout moment agir sur ceux-ci. Je détaille leurs fonctions dans la section suivante. Pour le son, c’est un système Bose qui équipe la GT-R, avec un subwoofer monté entre les 2 strapontins arrière. Plutôt agréable pour agrémenter un long trajet.
Le volant reçoit, comme la calandre et les tapis de sol, l’imposant logo GT-R. Outre cet aspect visuel, il tient très bien en main, les palettes en alu tournent avec et il se règle indépendamment en hauteur et en profondeur. Le tableau de bord suit le mouvement en hauteur pour toujours être parfaitement dans le champ de vision du pilote. Le compte tour au centre est plutôt réussi, avec l’indicateur de rapport engagé et l’écran multifonction en bas à droite. Le tachymètre est un peu plus délicat à déchiffrer : comme il est gradué jusqu’à 340 km/h, rouler à 30 ou 50 n’implique que peu de différence sur la position de l’aiguille.
Il y a un bémol ! Quand un client exigeant s’installe dans une auto à CHF 125’000.-, il tousse en découvrant des pièces identiques à celles d’autres voitures de la marque. Lorsqu’un bouton de Micra ou de Juke se retrouve dans une supposée supercar, même pour un rétroviseur ou un lève-vitre, ça pénalise au moment de régater contre les autres marques premium.
Sous le capot
La GT japonaise est animée par un V6 3.8L biturbo de 570 chevaux usiné sous vide et assemblé à la main. Déjà à sa sortie, ce moteur était couplé à une boîte automatique 6 vitesses à double embrayage dont les pignons sont à taille droite et non hélicoïdale, produisant un son particulier. Au ralenti, la voiture est abrupte à manœuvrer à cause de cette particularité. Chaque boîte est aujourd’hui encore ajustée pour un fonctionnement optimal avec un unique moteur.
Afin d’équilibrer les masses, la transmission est déplacée légèrement en avant de l’axe arrière. Seulement la GT-R est une 4 roues motrices, nécessitant un second arbre de transmission retournant à l’avant de la voiture. Un choix coûteux en poids et en argent, mais avantageux pour la stabilité de la voiture.
En ce qui concerne les liaisons au sol, un ensemble de suspensions pilotées équipe la Nissan. Au démarrage, elle est en mode normal, d’un bouton elle peut passer en “Comfort” ou en “R”. C’est à peu près la même chose pour la transmission, avec le mode plus réactif dédié à la performance et l’option “Safe” pour les conditions difficiles. Enfin, le troisième boutons du tableau de bord commande le contrôle de traction : Normal, R ou off. Je me garde bien de toucher à ce bouton !
Au volant
D’instinct, je suis plutôt méfiant en prenant la bête en main. Pas qu’elle soit réputée piégeuse, mais parce qu’elle est très facile. Tellement facile que mon permis n’est pas trop d’accord que je l’essaie.
Derrière ce long capot et ces ailes rebondies, je découvre une direction souple mais directe, rappelant davantage la conduite d’une GT que d’une supercar. A basse vitesse, la Nissan n’est pas un exemple de confort, la faute à une boite de vitesse plus adaptée à la compétition qu’aux manœuvres. Le rayon de braquage n’est pas non plus son fort, pour un usage urbain quotidien, elle rend une copie peu satisfaisante.
Lorsqu’on évolue dans le trafic, on sent bien la GT-R prête à bondir pour se catapulter à une vitesse indécente, mettant au passage tout le monde d’accord sur le fait qu’elle a des ressources. Et ça se confirme au Nürburgring ! Habitué de la piste avec ma voiture personnelle, je suis habituellement chassé par bien plus rapide que moi. Dans la japonaise, je passe au stade de chasseur. Plus besoin de garder un œil dans mon rétroviseur, un contrôle chaque kilomètre suffit.
Transmission et châssis en mode R, j’engage mon premier tour avec prudence. C’est la première fois que je vais laisser parler les 570 ch de la Nissan, avec retenue car la piste me réserve encore parfois des surprises et je ne sais pas à quelles réactions m’attendre de la part de ma traction intégrale typée propulsion de 1’800 kg.
Dans la première section, je regrette déjà la souplesse de la direction, les informations qu’elle me remonte sont trop filtrées. Heureusement, elle reste précise et m’encourage à imprimer un bon rythme. La boîte à double embrayage est d’une rapidité et d’une réactivité exemplaires. D’une pression sur la palette, la commande est exécutée instantanément. Au lieu-dit Flugplatz et Schwedenkreuz, je me contente de rester en cinquième, loin d’être à fond. Avec un peu de pratique, la six passe à plus de 240 et là, gare à la trajectoire. La piste formant quelques vagues sur la gauche, les rails qui la bordent ont déjà vu de nombreuses envolées et je ne veux pas faire leur connaissance.
Ma section favorite suit immédiatement le fameux Karussell où j’engage la Nissan sans ménagement. Sur le plan incliné en béton elle ne bronche pas et s’en extrait comme un coup de fusil. Voilà la montée à Hohe Acht, trois gauches puis deux droites avant de descendre vers Brünnchen et Pflanzgarten. En montée, j’inscrit la voiture sur l’élan, avec un train avant sûr et l’arrière qui enroule efficacement la trajectoire. En descente, je suis encore sur les freins quand je tourne le volant. Là les roues avant sont comme sur un rail et l’arrière devient un rien survireur. Le contrôle de trajectoire se manifeste le plus souvent un court instant à ce moment-là.
La section se termine par deux compressions très importantes à Pflanzgarten un et deux. Après la chute digne d’un grand-huit, la gravité pèse de toute sa force sur la GT-R dont les suspensions tiennent bon. Ne surtout pas s’emballer pour le virage qui suit, la caisse décompresse rapidement et il faut lui avoir donné l’impulsion au bon moment pour ne pas trop se déporter. La suspension pilotée conçue ici même le montre encore une fois : la japonaise est à la maison.
Verdict
Parti en Allemagne dans l’optique de découvrir la voiture dans un environnement plus adapté, je me retrouve finalement à massivement améliorer mon temps de référence avant même de commencer à batailler avec la voiture. Dans un premier temps, elle se laisse docilement emmener jusqu’à un très bon rythme. Puis, une fois prise en main, elle dévoile plus de tempérament, la conduite demande alors davantage d’implication et les temps au tour diminuent logiquement.
Enfin, elle permet aussi d’être plus téméraire au volant mais, à moins de parfaitement connaître ses réactions, il en résulte quelques crissements de pneu et autres corrections de trajectoire reflex, car la GT-R pourrait soudainement vous piéger. Je réalise alors la maîtrise et la connaissance de la piste comme de la voiture nécessaires pour établir un record au tour.
Rouler sur ce circuit mythique devenu la piste de développement de nombreux constructeurs me fait bien comprendre combien cette auto a reçu d’attention lors de sa conception. Rien n’a été laissé au hasard et même quand la voilà tout fraîchement sortie d’usine au japon, le tracé semble connu de chaque composant de la GT-R. En terme de pilotage et de plaisir sur place, c’est un sans-faute pour un amateur du lieu. Si les sorties circuit se multiplient, les frais d’entretiens grimpent inévitablement, son poids et sa technicité pesant au passage sur chaque facture.
Comme GT bourgeoise et pour une utilisation quotidienne, elle se pliera à l’exercice en vous rappelant qu’elle est une voiture de sport à chaque à-coup de transmission. C’est aussi dans ce cadre-là que l’intérieur cossu prend tout son sens. Un voyage au long cours étant plutôt agréable à bord de cette auto qui consomme en moyenne 12.7 l/100km (pour un maximum calculé de 38 l/100km sur la piste…), je continue de m’interroger sur la présence de sièges arrière inutilisables et d’une trappe à essence dénuée de sens pratique, tant il est difficile de faire son plein rapidement sans voir ressortir la moitié de ce qu’on y a versé.
Le joueur de Playstation que j’étais est ravi. J’ai pleinement profité de ce voyage retour aux sources qui m’a permis de passer du virtuel au réel. Loin d’un record, mon temps au tour me satisfait pleinement, les vitesses d’entrée en courbe ou en pointe étant époustouflantes. Le conducteur responsable que je suis devenu est plus mesuré dans son jugement. Certes la GT-R est exceptionnelle, mais la cohabitation demande des sacrifices au quotidien. Mon poster de la Nissan a quitté son mur depuis un bail, il est maintenant temps de le remplacer par un agrandissement d’une des nombreuses photos prises sur place.
Prix et options – Nissan GT-R MY17 V6 3.8l “Prestige Edition”
Prix de base : CHF 125’900.-
Peinture Gun Metallic : CHF 1’250.-
Prix TOTAL : CHF 127’150.-
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Nos remerciements à Nissan Suisse SA pour le prêt de cette Nissan GT-R MY17 “Prestige Edition”.
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