Essai – Range Rover SDV8 : “The King and I”
Fringuant quadra, le Range Rover s’est mis au régime pour sa quatrième génération, en passant à l’aluminium. Se bonifie-t-il avec l’âge ? Récit d’un essai mené sur et hors des sentiers battus.
Texte et photos : Jérôme Marchon
Cela fait 43 ans que le Range Rover a commencé à tracer la voie des 4×4 de luxe sans jamais avoir été inquiété par une concurrence toujours plus acharnée. Offrant des performances dignes d’une sportive, le confort d’une Rolls Royce, des capacités de franchissement hallucinantes et un raffinement « so british », il demeure le roi du segment. Et cette quatrième génération ne déroge en rien à la règle, conservant ce charisme particulier, tout en incarnant une certaine idée du luxe aventureux.
A l’extérieur
Bien qu’entièrement nouvelle, la ligne du nouveau Range Rover demeure reconnaissable entre mille. Ligne de toit anguleuse et trapézoïdale, surfaces vitrées importantes, face avant abrupte et massive, l’essentiel est là. Visuellement, ce nouveau Range semble plus contenu que la version précédente. Que nenni ! Le petit dernier s’allonge de 4 cm, s’élargit de 3 cm mais rend 4 cm en hauteur à son prédécesseur, histoire de passer dans les parkings souterrains. C’est dire si les designers ont réussi à rendre une copie quasi parfaite en termes de design, « allégeant » visuellement ce qui demeure un mastodonte de la route. Moi j’adore.
La plus grosse évolution se trouve certainement à l’avant, qui adopte des optiques effilées remontant sur les ailes façon petit frère Evoque, dynamisant ainsi l’ensemble. Seule la calandre reste proche de son aîné alors que le reste se montre plus enveloppant et fluide.
Les flancs s’habillent d’une nervure partant des optiques avant pour rejoindre les feux arrière en passant par les poignées, surélevant ainsi la ceinture de caisse. Les portes avant arborent de fausses ouïes inspirées des branchies de requin. On aime ou on n’aime pas, mais elles ont l’avantage de « casser » la constance de l’énorme surface de carrosserie. Car mine de rien, le dynamisme de ce nouveau Range réside dans le fait que les surfaces vitrées ont un peu diminué au profit de la tôle, ou plutôt l’aluminium de la carrosserie. Le pare-brise plus incliné qu’à « l’accoutumée » accentue encore ce côté dynamique.
L’arrière évolue lui aussi : certes le hayon en deux parties demeure, mais les feux remontent désormais sur les flancs tandis que le haut du hayon s’orne d’un becquet.
Bref, du bien bel ouvrage, typiquement dans la tradition Range tout en faisant un pas de géant dans la modernité sur les équipements et la technologie, comme nous allons le voir.
A l’intérieur
Maousse costaud dehors, gigantesque dedans. Une fois le marchepied escaladé pour prendre place à bord, bienvenue à Buckingham Palace ! Du cuir partout, des boiseries, de l’aluminium, de l’alcantara, même « chez Babeth » on fait – presque – plus discret. Notre finition d’essai « Autobiography » se situe au sommet de la gamme et se dote de tous les raffinements, même s’il en reste quelques-uns sur la liste des options, comme le régulateur de vitesse adaptatif. Mais le volant chauffant, le toit ouvrant panoramique et la sono 825 Watts à 19 haut-parleurs, par exemple, sont de série.
La qualité des matériaux, les ajustements et la finition sont largement à la hauteur du rang de notre Majesté et ne souffrent d’aucune critique. Le luxe est évident, mais les commandes usuelles restent claires et simples. A noter en outre quelques petits aménagements de fort bon goût comme la boîte réfrigérée sous l’accoudoir central avant, les vide-poches cachés derrière les boiseries des contre-portes ou enfin le seuil protégé par la carrosserie de la portière afin que le pantalon de votre smoking ne frotte contre un bas de caisse boueux si vous n’avez eu le temps de laver votre bahut au retour de la partie de chasse.
Et les dimensions ? Elles aussi sont dignes d’un palais royal. La largeur aux coudes à l’avant est gigantesque, vous aurez peine à poser la main sur le genou de votre passagère. A l’arrière cependant, malgré un volume intérieur impressionnant, les places sont plutôt cosy. Les sièges arrière de notre version haut de gamme ont un dossier réglable et celui de la place d’appoint centrale s’abaisse pour jouer le rôle d’accoudoir et loger la télécommande du système multimédia embarqué (option).
Toujours sur le catalogue des options, il est possible d’opter pour l’aménagement « Business Class », qui comme son nom l’indique, propose deux fauteuils similaires aux sièges avant, proposant massage et climatisation, et séparés par une console centrale dans le prolongement de celle de l’avant.
Enfin, pour ceux qui veulent vraiment se la jouer roi et reine du quartier ou gagner encore quelques centimètres pour les jambes, Land Rover réintègre cet automne au catalogue la version « Long Wheelbase » (châssis long) sur son icône, déclinaison qui avait disparu avec le Range troisième du nom.
Pour ce qui est du coffre, le traditionnel hayon en deux parties dévoile un volume de chargement de 535 litres (banquette et tablette arrière en place) ou 2’099 litres banquette arrière abaissée.
Sous le capot
Sous son imposant capot, notre destroyer abrite un gros V8 diesel de 4’367 cm3 de cylindrée, gavé de deux turbos et développant 339 CV à 3’500 t/min et 700 Nm de couple entre 1’750 et 3’000 t/min. Bien que repris de la génération précédente, ce propulseur bénéficie de quelques améliorations techniques qui lui permettent d’alléger son poids et augmenter ses performances.
Accolé à la sensationnelle boîte automatique ZF à huit rapports, que l’on retrouve sur nombre de voitures (BMW en particulier), ce bloc assure à notre Range Rover des performances de premier plan : le 0 à 100 km/h est abattu en 6.9 secondes et la vitesse maximale atteint 217 km/h, dans un confort princier.
En ce qui concerne la consommation, notre bestiau demande sa bonne ration de diesel pour nous mener par monts et par vaux. Sur l’ensemble de mon essai, j’aurai atteint une moyenne de 11.5 l./100 km, performance plutôt honorable compte tenu des 2’360 kg à vide à trainer (300 kg de moins tout de même, comparativement à la génération précédente) et une aérodynamique – bien qu’améliorée en profondeur – toujours semblable à celle d’une armoire normande.
Mais qui dit Range Rover dit capacités de franchissement extraordinaires tout en préservant un confort de premier ordre sur la route. Et sur ce point le nouveau bébé de la marque fait aussi le plein de technologie sous sa jupe : le châssis et la caisse se composent d’aluminium. Le système « Terrain Response 2 » s’équipe désormais d’une fonction entièrement automatique qui analyse en permanence les conditions de conduite du moment et sélectionne de lui-même le programme terrain adapté (route, neige/pluie, boue, sable, rochers).
L’amortissement bénéficie également d’une refonte complète du système qui confère au Range Rover une tenue de cap impériale en toute circonstance.
Au volant
Bien entendu, un tel salon roulant incite à une conduite de sénateur. L’insonorisation de l’habitacle ne laisse filtrer que quelques menues fréquences des grondements du V8 à pleine charge, dont la bande sonore n’a rien à envier à ses homologues essence. Les excellents trains roulants filtrent avec le flegme distinguant les sujets de sa Majesté, toutes les imperfections de la route ; malgré la généreuse monte pneumatique 22’’ on a l’impression de voyager à bord d’un tapis volant. La position de conduite surélevée vous permet d’admirer la route et les autres usagers avec un point de vue panoramique. Me voilà « roi de la route » à bord de sa Majesté Range Rover…
La machine de guerre tapie sous le capot envoie son énorme couple avec énergie alors que la boîte de vitesses et ses huit rapports se chargent de distiller le tout sur les quatre roues, avec une rapidité impressionnante et une douceur proverbiale. Si l’envie vous prend, il y a aussi moyen de gérer les rapports au moyen des palettes au volant. Par ce biais, vous aurez ainsi tout loisir de goûter aux ressources inépuisables du moteur qui propulse sans s’essouffler les deux tonnes et des « poussières » de notre destrier à des vitesses très vite au-delà des prescriptions légales.
Mais ce qui surprend avant tout avec ce nouveau Range c’est qu’il est capable également d’aller vite dans les portions sinueuses de nos routes ! Très vive, la direction offre une lecture de la chaussée d’une fidélité à toute épreuve. Une fois le train avant bien inscrit, l’arrière enroule sans une seule once de sous-virage. Et les mouvements de caisse ? Admirablement gérés par une suspension adaptative réglée au poil. A tel point que par moments on se croirait presque au volant d’une berline sportive. Ceci dit, il faudra savoir également maîtriser son enthousiasme : l’encombrement du bestiau réclame une vigilance de tous les instants et un peu d’anticipation au freinage car le poids conséquent de l’auto oblige d’extraire la quintessence des étriers six pistons des freins, qui auront tendance à montrer quelques signes de fatigue dans une descente de col menée à bon rythme.
Et bien entendu, en hors-piste le constat est sans appel : excellent ! Bénéficiant d’énormes débattements de roues grâce à sa suspension pneumatique adaptable, rien n’arrête notre vaisseau. Même pas l’eau où désormais il peut s’immerger dans des gués de 90 cm de profondeur (soit la hauteur du capot) sans frémir, grâce à un système d’admission baptisé « Queen Mary » – ça ne s’invente pas ! – inspiré des cheminées du célèbre paquebot. Bref, passer d’une rivière à un pierrier ou de la gadoue forestière aux dunes de sable, c’est un vrai jeu d’enfant ! A tel point qu’en balade on en viendrait presque à chercher les chemins accidentés. Un comble !
En mode tout automatique, le système « Terrain Response » se charge de tout, vous n’avez qu’à guider le volant, regarder où passer, siroter votre thé à l’heure du « tea time » et profiter pleinement de la marche « Pomp and Circumstance No 1 » d’Edward Elgar que distille l’installation hifi… Les différentiels se bloquent et se débloquent tous seuls, la boîte de transfert à deux vitesses s’active ou se désactive en fonction des besoins et le système de retenue à la descente freine à votre place avec une précision chirurgicale. Forcément que si vous disposez de quelques compétences en tout-terrain, le paramétrage du système peut également se faire selon vos goûts en sélectionnant le mode correspondant au terrain dans lequel vous évoluez.
Finalement, la seule crainte dans cette utilisation sera d’abîmer la peinture (très sensible, étonnamment) ou frotter l’une des magnifiques jantes.
Verdict
Que dire de plus, si ce n’est que ce nouveau Range Rover demeure indétrônable !
Certes le quatrième du nom est issu d’une lignée qui n’a rien à prouver à qui que ce soit. Mais les ingénieurs de Land Rover ont réussi à magnifier ce qui apparaît toujours comme inconciliable : luxe à outrance, performances et aventure.
Mais la polyvalence du Range se paie au prix fort ! Comptez CHF 115’900.- pour le « petit » 3.0 l. V6 diesel, CHF 138’000.- pour le 4.4 l. V8 diesel et CHF 148’000.- pour le 5.0 l. Supercharged essence, en versions de base. Notre finition « Autobiography » sera vôtre dès CHF 155’000.- avec le V8 diesel.
En même temps, toiser du haut de notre poste de pilotage les Cayenne, X5, Q7 et autres GL en se disant que ce ne sont que de vulgaires « grimpe-trottoir », ça n’a pas de prix. « Rule Britannia ! »
Prix et options – Range Rover SDV8 4.4l Turbodiesel “Autobiography”
Prix de base : CHF 155’000.-
Vitres fumées à partir du montant B : CHF 680.-
Antibrouillards : CHF 260.-
Peinture Premium métallisée (« Luxor ») : CHF 2’800.-
Jantes en alliage léger 22’’ « Style 7 » : CHF 2’580.-
Pédalier finition acier : CHF 240.-
Compartiment réfrigéré dans la console centrale avant : CHF 480.-
Régulateur de vitesse adaptatif et assistance au freinage : CHF 2’600.-
Assistant de changement de file : CHF 680.-
Système de détection des obstacles en marche arrière : CHF 820.-
Radio numérique DAB+ : CHF 580.-
Ecran tactile « Dual View » : CHF 1’080.-
Système multimédia pour passagers arrière : CHF 2’600.-
Prix TOTAL : CHF 170’400.-
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Nos remerciements à Jaguar Land Rover (Suisse) S.A. pour le prêt de ce Range Rover SDV8 ainsi qu’au garage Autobritt SA pour la logistique.
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