Essai – Renault Mégane R.S. Trophy-R : Les chiffres donnent le vertige
Si vous comparez les constructeurs français, Renault est celui qui assume le plus son côté sportif jusque dans sa gamme. Les records sur la Nordschleife sont affaires courantes, et pour le coup ceux de Spa-Francorchamps et Suzuka sont également tombés, les séries spéciales toujours plus affûtées aussi. Cette fois, j’avoue qu’ils ont fait fort pour cette Mégane qui deviendra sous peu un collector.
Texte et photos : Patrick Schneuwly
Connaissez-vous la finition “Commerciale” ? Celle-ci est populaire chez nos voisins français pour des voitures d’entreprises moins chères car largement dépouillées. Les constructeurs français vendent ainsi des voitures sans banquettes arrière et en configuration minimaliste. La Trophy-R, c’est “presque” pareil !
A l’extérieur
Depuis la disparition de la carrosserie coupé 3 portes de la Mégane, j’avais peur que la R.S. perde de sa superbe. C’était sans compter sur les designers de Renault qui ont réussi à mettre une louche d’agressivité supplémentaire dans la Trophy-R alors que c’est une berline compacte. Je regrette cependant qu’elle n’existe qu’en blanc, alors que le nuancier Renault Sport a plusieurs teintes emblématiques comme le jaune Sirius, l’orange Tonic ou les bleus Alp ou Dynamic.
Dans les grandes lignes, les galbes de la Mégane Trophy sont repris. Seulement, avec une lame de pare-chocs rouge et un capot partiellement noir, le contraste est saisissant. Ce capot est intégralement en carbone, avec une prise d’air centrale et deux évacuations sur le côté. C’est de profil que les jantes rouges exclusives à la Trophy-R font le plus d’effet avec assez peu de matière pour rejoindre le bord du centre de la jante.
A l’arrière, le diffuseur gris est remplacé par une énorme pièce en carbone signée Akrapovic. L’audace a été poussée jusqu’à retirer l’échappement de ce dernier pour simplement installer deux sorties titanes en biseau. Rappelez-vous la Clio 3 RS phase 1, c’était pareil.
Dans cette section, j’avais envie de dire qu’elle semble très basse, mais c’était sans compter sur les photos dans les ateliers de Vukovic Motorsport. La Mégane TCR devait lever les yeux vers sa cousine depuis le ras du sol. Ne vous y méprenez pas, la Trophy-R est bel et bien proche du sol.
A l’intérieur
La chasse aux kilos n’a eu aucune pitié pour l’habitacle ! Le plus flagrant sont les deux sièges baquets Sabelt moulés d’une pièce et gainés d’alcantara noir. Ceux-ci sont prêts à accueillir un harnais 6 points avec le passage pour la ceinture centrale. Il y a bien des rails pour déplacer les sièges, mais pour le réglage en hauteur, il faudra dévisser et utiliser les autres perçages disponibles. Seule fantaisie permise : une discrète surpiqûre rouge que l’on retrouve au centre des ceintures de sécurité, sur les portes, sur le levier de vitesse, le frein à main et le volant.
Les plastiques sont identiques à ceux de la Trophy, avec la moitié supérieure moussée et inférieure dure. Le tunnel central est simplifié pour gagner en poids. C’est même un plus car il change la forme du frein à main qui ne dérange plus comme dans la Mégane R.S.
Point de vue confort, on a droit à une climatisation bizone automatique, quelques commandes au volant, un R-Link avec le petit écran 16:9. Si vous vous rappelez, la R26.R proposait de n’avoir ni radio ni climatisation pour être plus légère.
Passons à l’arrière où il y a juste deux jolis tapis de sol.
Non, en effet, il n’y a rien d’autre derrière. La banquette est remplacée par un espace de rangement pour vos roues carbone, tenues avec un filet attaché à la barre entre l’habitacle et le coffre. Dans les portes, haut-parleurs et moteur de fenêtre ont été retirés, la vitre est fixe. Il y a bien un éclairage et des poignées au plafond, mais plus on s’éloigne de la série, plus on engendre de coûts.
Sous le capot
En passant de Mégane 3 à 4 RS, il a fallu dire adieu au moteur F4Rt de 2 litres turbo qui ne passait plus les normes (son développement avait commencé dans les années 80 !). Son remplaçant, le M5Pt, fait 1’798 cm3 et développe 300 ch pour 400 Nm de couple. Sa plage d’utilisation est très grande, il reprend dès 1’250 t/min, ce qui permet de passer la 5ème déjà à 50 km/h en conduite souple.
À travers la ligne titane Akrapovic de la voiture, le son est envoûtant, rauque à souhait. On déclenche sur commande un concerto de retours dans la tuyauterie en mode sport. Vu d’en-dessous, on admire la qualité de fabrication du métal bleuté. On découvre par la même occasion le grand diffuseur en carbone et les déflecteurs placés à l’intérieur des roues avant pour les refroidir.
Car notre voiture est l’une des deux du pays qui seront équipés du pack Record Carbone. C’est à dire les jantes carbone et les freins carbone céramique gigantesques (380 mm) à l’avant. L’étrier semble couvrir un tiers du disque avec ses 4 pistons de 42 mm de diamètre. Pour être suffisamment refroidi, le RS Vision pourtant emblématique a été retiré du pare-chocs au profit d’une entrée d’air dynamique.
Pour ses liaisons au sol, la Mégane Trophy-R s’est rendue directement dans l’arrière-boutique où l’on cache les meilleurs articles. D’origine suédoise, on a ici à faire à un système complet Öhlins réglable en hauteur, en rebond et en compression. J’ai la surprise que ces pièces n’ont pas la couleur or et jaune emblématique de la marque, mais sont noires et très discrètes.
Afin de digérer 300 chevaux sur son seul train avant, un différentiel à glissement limité Torsen réduit le risque de perte de motricité et les trains avant à pivots indépendants limitent l’effet de couple. A l’arrière, le berceau a été renforcé pour améliorer la stabilité. Un cocktail nécessaire quand on essaye de faire la meilleure traction du marché.
Au volant
Pour s’en servir quotidiennement sur la route, il faudra être sérieusement fan de sa Trophy-R. Elle est raide comme la justice, le confort, ce n’est pas son point fort. A l’arrêt, direction en butée, vous entendrez vos roues tressauter en vous remettant en marche. A son bord on est pas mal secoué d’un état de revêtement à l’autre. Même sur une autoroute qui semble satisfaisante, on découvre chaque imperfection. Mais c’est un avantage, ça veut dire que les roues restent toujours parfaitement en contact avec le sol. La suspension travaille à un maintien de cap irréprochable plutôt qu’à absorber les irrégularités.
Le train avant à pivots indépendants ne cesse de s’améliorer, avec un déport fusée toujours plus court séparant ainsi les fonctions de direction et de traction pour qu’elles ne travaillent pas l’une contre l’autre. Résultat : en sortie de courbe, le volant ne bouge pas même lorsque le moteur libère toute sa rage sur les roues. Il peut y avoir une perte de motricité, mais que lorsque le Torsen est surpassé. Sur chaussée sèche et propre, je ne l’ai pas pris en défaut.
Le vrai choc en essayant cette Mégane, ce sont les freins carbone céramique. Bien que j’en aie déjà essayés sur la McLaren 570S Spider, l’effet quasi nul des freins froids surprend. Et même une fois chauds, la pédale n’a pas tout à coup un mordant phénoménal. Elle reste progressive et facilement dosable.
Ce qui se passe avec le reste de la voiture et de votre corps change radicalement. Les Bridgestone Potenza S007 estampillés Renault Sport, développés spécifiquement pour la voiture, se figent sur l’asphalte en même temps que la roue a cessé de tourner. La voiture ne bascule presque pas en avant, maintenue par la suspension, votre corps en revanche se retient à la ceinture pour ne pas s’écraser contre le volant. Il y a une raison pour qu’on puisse facilement installer un harnais 6 points.
Avec le transfert de masse bien effectué sur l’avant, d’un petit coup de volant la voiture se place avec un petit effet de roulis immédiatement contenu avant que la voiture se mette bien en ligne. Pour gagner du poids, exit le 4Control qui raccourcissait théoriquement l’empattement. Ceci péjore la maniabilité à basse vitesse, en ville par exemple, mais on en a que faire sur la Trophy-R.
La boîte de vitesse n’aime pas les politesses, il faut lui rentrer dans le cadre. Passer doucement de 3ème en 4ème et vous entendrez gratter dans la transmission. D’un mouvement franc et direct, mieux la vitesse passe. Les rapports se verrouillent solidement et le guidage est redoutable de précision. Le mouvement enfin oppose un peu de résistance, la perfection d’une boite de la MX-5 cherche encore son égale. Comme je le disais, le plastique a un peu changé, ce qui fait que le frein à main ne cherche plus à entrer dans l’avant-bras du pilote lors d’un changement de vitesse. C’était mon principal reproche à l’ergonomie de la Mégane 4 RS.
Reste ce moteur, plein de 1’250 à 5’000 t/min avant de s’essouffler. Les 300 chevaux promis sont bel et bien là pour propulser les 1’300 kg. Même si le 0 à 100 n’est pas foudroyant, ce sont les reprises qui me procurent le plus fait plaisir. Peu importe quand, pied dedans et la fête reprend. Le tout avec une bande son très sportive que les sorciers d’Akrapovic eux-mêmes décrivent comme la plus présente qu’ils aient homologué.
Verdict
Les puristes m’en voudront de faire cette comparaison, mais cette Trophy-R dans la gamme Renault est comme la GT3 RS dans la gamme Porsche. Plus on monte en gamme plus il y a de chose dans la voiture, seulement arrivé à un certain point il n’y a plus rien dans la voiture et tout dans le châssis et le moteur. Cette Mégane rejoint sans hésiter le petit groupe des voitures de route qui supportent un usage intensif sur circuit telle qu’elle sort de chez le concessionnaire.
La précision de son châssis, sa tenue de route, la vigueur de son moteur, que d’atout à la disposition d’un pilote parfaitement installé dans des baquets de compétition. Quatre portes, mais seulement deux sièges, ça peut prêter à sourire, mais cela souligne la dévotion du modèle à la performance.
Certes, à presque CHF 100’000.-, on est en présence de la Renault la plus chère de tous les temps. Lorsqu’il faudra remplacer les freins, la facture sera salée. Mais c’est le prix à payer pour une voiture de collectionneur, la quatrième d’une lignée qui a pris l’habitude de s’adjuger le record du tour à la Nordschleife avec une traction. De 8:17.54 en 2008, en passant par 8:07.97 en 2011 et enfin sous la barre des 8 minutes en 2014 (7:54.36), la Trophy-R signe le chrono de 7:40.10 pour 20.6 km. 7:45.389 pour le tour entier de 20.832 km. 300 chevaux, 400 Nm, 1’306 kg, 500 exemplaires dont 32 en Suisse. Pour moi, ces chiffres justifient le prix et, malgré tout, au cours de mon essai, je n’avais qu’une envie : la garder.
A propos de Vukovic Motorsport
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, la Mégane TCR n’est pas née chez Renault Sport mais à Sankt Margrethen, dans le canton de St-Gall. Milenko Vukovic a de l’expérience en tant que pilote mais aussi comme ingénieur de développement. Avec Audi il a participé avec succès au Deutsche Tourenwagen Cup avant que le projet soit rapatrié chez Quattro. C’est avec un incroyable concours de circonstance que Milenko s’est vu invité chez Renault Sport pour discuter du projet TCR.
Archi-motivé et avant même de signer un contrat avec Renault, l’ingénieur se procure une Mégane GT de série, la démonte en quelques heures, la fait modéliser en 3D et commence la conception de la voiture de course. C’était alors que la Mégane 4 RS n’était encore qu’un prototype secret jamais vu sur route. Renault recontacte M. Vukovic et souhaite visiter son atelier. Ce jour-là, ils tombent sur une caisse déjà pourvue de son arceau cage et à un stade plutôt avancé. Les responsables de la marque sont impressionnés, ce qui conduira à une entente entre le constructeur français et l’ingénieur établi en Suisse. Le châssis n°1 est toujours utilisé et Milenko a terminé la 8ème voiture fin octobre 2019.
Prix et options – Renault Mégane R.S. Trophy-R
Prix de base : CHF 63’740.-
Pack Record Carbone : CHF 29’000.-
(Freins carbone céramique, jantes carbone, entrée d’air dynamique)
Prix TOTAL : CHF 92’740.-
Pour partager vos impressions, rendez-vous sur notre page FaceBook.
Nos remerciements à Renault Suisse SA pour le prêt de cette Renault Mégane R.S. Trophy-R, ainsi qu’à Milenco Vukovic pour son accueil dans les ateliers de Vukovic Motorsport à Sankt Margrethen à l’occasion de notre séance photos.
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