Essai – Rolls-Royce Dawn Drophead Coupé : Le (vrai) luxe n’a pas d’âge
Il est de ces marques qui traversent le temps. Rolls-Royce entre indubitablement dans la catégorie de ces institutions qui évoluent à travers les âges, avec une force tranquille, sachant conserver un héritage doucement bâti, et ce malgré l’agitation qu’a pu connaître le constructeur. En effet, au crépuscule du XXème siècle et à l’aube du XXIème, le groupe Volkswagen et BMW se partagèrent les pièces du puzzle Rolls, pour aboutir, en 2003 à l’acquisition complète de la prestigieuse marque par le constructeur bavarois. La Dawn, à l’honneur dans cet essai, est le quatrième modèle produit sous l’ère BMW.
Texte : Matthieu Giraudier / Photos : Cao-Thang Jeffrey Pham, Matthieu Giraudier
C’est en 2013, à Genève, qu’est annoncé le coupé Wraith. Il a fallu attendre 2015 pour que soit commercialisé le dérivé cabriolet basé sur cette dernière, la Dawn. Ce modèle s’inscrit dans une évolution logique, visant à couvrir au maximum toutes les envies possibles de clients friands du luxe à la britannique.
Quel est donc, justement, ce luxe ? Quelle philosophie se cache donc derrière pareil modèle ? Laissez-moi vous conter cette expérience si particulière.
A l’extérieur
Lors de la présentation de la Rolls-Royce Dawn, la compagnie de Goodwood annonça que presque 70% de la carrosserie a été renouvelé comparativement à la Wraith, qui servit de modèle de base.
Pourtant, au premier coup d’œil, hormis les transformations liées à la conversion en cabriolet, les changements ne sont pas flagrants. L’avant est une redite au trait près du coupé. Il faut quitter l’arche de la roue avant pour percevoir la mince transformation. La ligne de ceinture est haute et file vers un épaulement arrière plus marqué, plus musculeux. Les projecteurs arrière ne diffèrent en rien du modèle sœur. Seule la forme du hayon de coffre est ici distinctive.
Avec le toit rabattu, les lignes sont tendues, pures, la poupe rappelant furieusement celles de yachts de luxe. La sensation de pureté est renforcée avec notre modèle d’essai, peint en « Cornish White ». Une fois déployé, le pavillon laisse apparaître une petite lucarne, constituée d’un vitrage feuilleté. Il est tout en courbe et assure aux occupants arrière une totale discrétion.
Les jantes polies mesurent 20 pouces de diamètre et emportent l’élégant cache boulons à sigle inerte « RR ».
A l’intérieur
Pénétrer dans l’habitacle d’une voiture de luxe, qu’importe la marque, qu’importe le type de véhicule, est toujours un moment particulier. On ne cesse de revivre un émerveillement presque enfantin. L’expérience « Dawn » démarre sitôt que je pose ma main sur la poignée de la portière. L’actionnement du mécanisme est doux, sans anicroche, et permet de déployer l’impressionnante porte « suicide ». Ce simple élément, si unique, si rare, permet de me plonger immédiatement dans un monde à part. Se dévoile devant moi un espace étincelant, fait de cuir « Crème Light » contrasté avec des éléments recouverts de cuirs colorés brun « Dark Spice » et de boiseries en « Paldao » (noyer de Nouvelle-Guinée).
Je me glisse alors sur le siège conducteur, large mais enveloppant. Après avoir fermé le battant en pressant sur le bouton dédié au pied du pilier A, je prends tout simplement le temps. Le temps de profiter du confort du siège ventilé, chauffé, massant, au molletonné sans pareil ; le temps d’admirer le cockpit, avec son affichage à trois cadrans complété par un écran large LCD ; le temps d’être surpris par le volant à large diamètre et pourtant si fin une fois en main ; le temps de toucher les détails, çà et là, tels que le bois ou la grille du haut-parleur finement ciselée ; le temps enfin de tout simplement admirer le « Spirit of Ecstasy » trônant élégamment au bout de l’interminable capot.
Je me surprends à faire rapidement mon difficile, regrettant l’emploi sporadique de plastique un brin trop dur à mon goût sur la console centrale ou le sélecteur de phares. Je m’étonne par ailleurs des commandes de climatisation, deux molettes « chaud-froid » très à l’ancienne.
Le système embarqué d’infotainment va à l’essentiel, focalisant sur les fonctionnalités de navigation et de divertissement. Il est possible d’interagir via la dalle tactile ou au travers du contrôleur central arborant le « Spirit of Ecstasy ». Les paramétrages sont d’ailleurs assez maigres, pour le son par exemple ou pour les modes de conduites. Presque tout est livré et à utiliser tel quel.
Sous le capot
C’est le bloc BMW répondant au doux nom de N74B66 qui équipe la belle. Ce V12 biturbo développe 563 ch à 5’250 t/min et un couple fabuleux de 820 Nm de 1’600 à 4’750 t/min. Pareils chiffres permettent d’atteindre la vitesse plafond de 250 km/h, la Dawn étant bridée par le constructeur. Malgré un embonpoint non dissimulé portant le poids à vide à 2’560 kg, le 0 à 100 km/h n’est qu’une affaire de 5 secondes. Autant dire que le cabriolet a de la ressource et qu’il faut savoir se montrer raisonnable, tant il est aisé d’atteindre des vitesses déraisonnables sans le moindre effort.
Il peut paraître un peu trivial de parler de consommation avec ce type de véhicule si prestigieux, tant brûler de l’énergie fossile n’apparaît jamais comme une contrainte pour le conducteur ciblé par la marque britannique. Pour le curieux néanmoins, je peux dire qu’après un essai de 350 kilomètres, ma monture a bu 18.21 l/100km, sur un parcours particulièrement mixte. Une valeur qui frôle les 25 litres quand on se montre nettement moins timide sur l’accélérateur.
Au volant
Sitôt l’observation approfondie de l’intérieur terminée, j’appuie sur le bouton « Start/Stop Engine ». Le gros V12 se met en marche et pourtant le ronronnement est très faiblement perceptible. Avec tout juste 10°C degrés dehors mais un ciel dégagé, la question de retirer le toit me taraude. Au diable la température automnale, mon écharpe et le siège chauffant feront l’affaire. En à peine 20 secondes, le pavillon se rétracte et va se loger en dessous du couvercle décoré de baguettes chromées et de bois de noyer.
Les sensations de conduite sont immédiatement surprenantes. D’abord parce que le volant est clairement atypique, donnant l’impression d’être aux commandes d’une automobile des années 30. La direction est très souple mais pas inconsistante, plus faiblement démultipliée cependant comparativement aux voitures de Monsieur et Madame Tout-le-monde. Plus surprenant encore, l’amortissement filtre un nombre pharamineux d’imperfections. Il n’y a bien que les variations de dénivelé de la route que la Dawn ne peut assez logiquement pas contrer.
Blotti dans le fauteuil cinq étoiles qui me sert de siège, chauffage de l’assise activé, j’entame un périple sur les routes du bord du Lac Léman. Le pare-brise rejette efficacement le vent et se balader sans toit avec pareille fraîcheur s’avère être franchement agréable. Avant de parcourir mes routes de campagne fétiches, je passe brièvement par la ville. C’est alors que le long empattement de 3’112 mm se fait sentir. Sans être impossible à manœuvrer, il faut être attentif dans l’agitation du trafic de la Cité de Calvin et vite appréhender les dimensions du capot, les capteurs avant étant naturellement d’une grande aide dans cet exercice. Bien que n’étant pas plus large qu’un SUV moyen ou qu’une berline standard, la voiture donne cependant l’impression, lors des premières dizaines de kilomètres, que l’on pilote un tank M1 Abrams. Cette sensation disparaît néanmoins assez rapidement, tant cette Rolls-Royce s’apprivoise facilement.
Il demeure que le domaine de prédilection de la Dawn reste la route ouverte. Sans voitures au-devant pour entraver ma progression, j’hausse la cadence. Avec un cabriolet de 2’560 kg à vide, avec des chausses d’hiver, je ne m’attends pas à un grip colossal et à un roulis inexistant. Mauvaise langue que je suis ! Certes, ce n’est pas avec ce palace roulant que j’irai claquer des chronos sur circuit, mais le roulis est très contenu et les passages en courbes peuvent se faire à allure franche, en appréhendant convenablement le transfert de masses. Autre fait indéniable : cette automobile est rapide, très rapide. Le V12, jusqu’alors timide, sort de sa tanière. Sans mettre pied au plancher mais seulement à mi-course, la boîte laisse tomber des rapports et une sonorité d’un rauque profond se fait attendre. On se retrouve ainsi collé au siège, à voguer à vive allure sur un tapis volant.
Après une longue virée la tête à l’air libre, je me résigne à rabattre la toile. Malgré une apparente simplicité dans la conception du toit, l’atmosphère devient immédiatement silencieuse. Je me retrouve dans un habitacle où aucun bruit de vent ne transparaît, où le frottement des roues sur le bitume est quasi-indiscernable. Au travers de mon téléphone, je lance du Vivaldi sur les haut-parleurs et puis je profite de la route qui ne m’est jamais apparue aussi belle qu’à ce moment-là.
Verdict
La Dawn s’inscrit dans la pure veine des Rolls-Royce. Le luxe se traduit par des matériaux d’exception, des possibilités de personnalisation ahurissantes, une qualité d’assemblage à la main qui force le respect. Souvent associées au préjugé de faire partie des voitures avec chauffeurs, la décapotable de Goodwood prouve le contraire. Si être passager est formidable, être au volant est purement exquis. On s’y sent spécial, parcouru par des sensations que seul ce monde à part peut offrir.
La sportivité n’est pas de mise, uniquement l’excellence et le raffinement. Cela rend cette automobile belle et intemporelle.
Prix et options – Rolls-Royce Dawn Drophead Coupé
Prix de base : CHF 366’600.-
Couleur de carrosserie « Cornish White » : CHF 10’100.-
Systèmes d’assistance à la conduite : CHF 11’400.-
Marchepieds polis en acier inoxydable : CHF 2’800.-
Jantes forgées et polies à 10 rayons : CHF 8’400.-
Intérieur sur-mesure : CHF 5’100.-
Passepoil de siège : CHF 3’500.-
Monogramme « RR » sur tous les repose-têtes : CHF 1’200.-
Volant coloré « Dark Spice » : CHF 1’500.-
Panneaux intégraux « Paldao Canadel » : CHF 20’800.-
Système audio « Rolls-Royce Bespoke » : CHF 9’200.-
Prix TOTAL : CHF 440’600.-
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Nos remerciements à Rolls-Royce Motor Cars Geneva (Pegasus Automotive Group) pour le prêt de cette Rolls-Royce Dawn ainsi que pour leur soutien logistique.
Merci également à PR & co pour leur collaboration et M. Alexandre Mévaux du domaine Château l’Evêque à Jussy (Genève) pour son accueil dans le cadre de notre séance photos.
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