09 August 2023

Pour les deux dernières courses du Championnat Formula-E 2023, Jaguar nous a invité à Londres pour assister au dénouement d’une saison palpitante. Les enjeux ? Pas moins que les titres constructeur et pilote.


Texte et photos : Tony da Silva


Initiée en 2014, j’avoue ne pas avoir vraiment suivi les évolutions de la Formula-E et pour cause : les premières courses ne m’avaient pas laissé une très forte impression. Mais neuf ans plus tard, la troisième génération de voitures apporte des nouveautés radicales et le format des courses se veut attractif avec des voitures qui tiennent toute la durée d’une course (environ 45 minutes).

Rapide historique

Quand la Fédération Internationale de l’Automobile (FIA) a lancé sa compétition de Formula-E, le but était d’attirer de nouveaux constructeurs dans une catégorie plus abordable que la Formule 1. A l’époque, les meilleures écuries de F1 avaient des budgets exorbitants qui, d’après plusieurs évaluations et rumeurs, allaient pour certains jusqu’à frôler le demi-milliard de dollars. Dans le but de limiter les budgets et d’ouvrir la compétition à d’autres acteurs, la FIA a établi des règles strictes pour le championnat Formula-E et les constructeurs sont restreints pour créer ou modifier leurs voitures. Concrètement, les autos sont très similaires entre elles car une série de composants identiques, comme les pneus, les batteries, les châssis et d’autres éléments, sont communs et imposés. En neuf ans, les budgets ont évolué mais restent raisonnables et tournent autour de 38 millions d’euros pour une saison alors que les courses se déroulent dans le monde entier (11 villes sur 5 continents pour 16 courses).

Cette philosophie a donné naissance à trois générations de voitures : génération 1 de 2014 à 2017, génération 2 de 2018 à 2021 et enfin, la dernière génération 3 depuis 2022. En quelques années, les voitures ont beaucoup progressé et je résume très succinctement l’évolution : la puissance a été augmentée de 200 kW à 350 kW maximum (300 kW en course), la vitesse de pointe est passée de 225 km/h à 320 km/h et la puissance de régénération est passée de 100 kW à 600 kW. Ce dernier point est primordial puisqu’il procure environ 40% de l’énergie nécessaire à l’ensemble d’une course. Dernière particularité, les voitures n’ont pas de système de freinage hydraulique sur la partie arrière mais uniquement un frein moteur qui regénère jusqu’à 350 kW. A l’avant, il y a un système de freinage classique couplé à un moteur de régénération électrique de 250 kW qui sert uniquement à freiner (pas de traction sur l’axe avant). J’ai pu essayer un simulateur sur le stand Porsche et j’ai trouvé cette configuration très difficile à maîtriser.

La saison 2022/2023

Parmi les 11 équipes engagées cette année, quelques grands noms sont de la partie : Porsche, Nissan, DS Automobiles, Maserati, Cupra, McLaren et Jaguar bien évidemment. Pour les autres, ce sont parfois des grands noms du sport automobile, comme Andretti Autosport, équipe américaine présente depuis des décennies en IndyCar.

Outre les composants imposés, la restriction des budgets bride certains aspects, comme la télémétrie par exemple. Ainsi, à l’exception de quelques éléments névralgiques et de la radio, les voitures ne communiquent pas en temps réel avec les stands pendant les essais ou la course. C’est uniquement lorsque la voiture est de retour dans les stands que les données du véhicule peuvent être téléchargées.

De plus, vu les contraintes budgétaires et réglementaires, les écuries n’ont pas la possibilité de beaucoup rouler et donc toute la préparation des courses se fait au travers de simulateurs à l’usine. Ainsi, chaque pilote passe environ deux jours sur le simulateur avant de se retrouver dans son baquet. Tout l’enjeu est donc d’avoir des performances très proches entre le virtuel et la réalité. Par conséquent, les données « réelles » servent de données de référence pour construire et corriger les simulations et ainsi améliorer les modèles pour une préparation optimale.

Les enjeux des dernières courses

A la veille du dernier weekend, la tension était à son maximum, avec un championnat des constructeurs totalement incertain puisque seuls 25 points séparaient le premier, l’écurie Envision Racing, et le second, le Jaguar TCS Racing. Du côté des pilotes, Jake Dennis de l’équipe Avalanche Andretti Formula E était premier avec 195 points, Nick Cassidy de l’équipe Envision Racing deuxième avec 171 points et Mitch Evans de Jaguar TCS Racing troisième avec 151 points.

Sachant qu’il restait deux courses et que chacune peut rapporter jusqu’à 29 points en accumulant tous les bonus, tout était encore possible. Idem pour le championnat de pilote même si l’écart entre les trois premiers était un peu plus grand.

Les courses

Pour Jaguar, tout commençait très bien samedi avec la pole position de Mitch Evans. Toutefois, à cause d’un gros accident qu’il a provoqué à Rome deux semaines auparavant, il était pénalisé de cinq places et devait donc partir de la sixième position.

Sans tour de chauffe, le départ est donné et tout se passe bien sur les premiers tours, Mitch Evans effectuant une grosse course en remontant petit à petit à la première place. Notre compatriote Sébastien Buemi effectue une belle course mais en se disputant avec son coéquipier Nick Cassidy, il arrache l’aileron avant de ce dernier dans une manœuvre un peu maladroite et Nick doit abandonner. Pour rappel, ce dernier était en seconde position au championnat avec 24 points de retard sur le premier mais surtout seulement 20 points d’avance sur le troisième, Mitch Evans. Le debriefing après la course a dû être tendu…!

A deux tours de la fin de la première course, une petite touchette entre le 4ème et 5ème finit en gros carton et provoque un embouteillage monumental pour l’ensemble des poursuivants. La course est littéralement arrêtée et repart quelques minutes plus tard depuis les stands. C’est finalement Mitch Evans qui gagne ! Le team Jaguar est en feu car au classement des équipes, il se retrouve exæquo avec Envision Racing. Du côté des pilotes, Mitch Evans est alors deuxième du championnat avec 8 points d’avance sur le troisième. Néanmoins, mathématiquement, Jake Dennis ne peut plus être rejoint et est déjà assuré du titre pilote.

Les enjeux de la dernière course restent palpitants pour le championnat des constructeurs autant que pour le podium du championnat pilotes. Probablement très remonté, Nick Cassidy signe la pôle et part devant Mitch Evans. La course promet d’être haletante car entre-temps, la pluie s’est invitée sur ce circuit recouvert à 50% environ.

Malgré un départ derrière la voiture de sécurité, les conditions ne permettent pas d’assurer une course en toute sécurité et après quelques tours, la manche est neutralisée. Idem dans un second temps, il faudra attendre longtemps pour bénéficier d’une accalmie et relancer tout le monde dans des conditions difficiles. Evans tente tout, y compris une déviation dans un long virage qui permet de bénéficier d’un boost de 50 kW pendant une minute mais rien n’y a fait ! Il termine second de cette dernière manche de la saison et, malgré le point supplémentaire crédité pour le tour en course le plus rapide, termine 3ème de la saison à 2 points de Cassidy. Au championnat des constructeurs, Jaguar finit second à 12 points de Envision Racing.

Epilogue

C’était la première fois que j’assistais à cette compétition et j’ai vraiment été agréablement surpris. Par rapport aux premières générations, les voitures actuelles sont très affutées et performantes. Une mise à jour des voitures à mi-cycle devrait encore apporter quelques nouveautés pour la saison 2024 et un règlement en constante évolution permet aux équipes et pilotes de générer des points précieux tout au long de la saison.

Bien entendu, ce n’est pas encore la Formule 1 mais globalement, l’ambiance, le professionnalisme et la technique sont autant d’éléments qui rendent cet évènement divertissant et intéressant. Je ne parle même pas des émissions de CO2 car la FIA se vante d’être zéro émission nette, ce qui paraît tout de même difficile à croire.

Tout est-il parfait ? Pas forcément. J’ai été très surpris par le bruit des moteurs électriques qui, d’un point de vue réglementaire, est limité à 80 dB. Autrement dit, quand vous avez une vingtaine de voitures qui accélèrent devant vous, ça fait tout de même un sacré bruit. Maintenant, est-ce que ce bruit est plaisant ou exaltant ? Difficile à dire… Personnellement, j’ai trouvé ça supportable sur 45 minutes.

En 2024, les manches européennes du championnat seront Rome, Monaco, Berlin et Londres. Si vous avez l’occasion d’assister à l’une de ces épreuves, je vous encourage à le faire car l’adrénaline est bien présente et les courses haletantes.

Nos remerciements à Jaguar Land Rover (Suisse) SA pour l’invitation à l’édition 2023 du Grand-Prix Formula-E de Londres.

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