Essai – Jeep Gladiator 80th Anniversary : Gladiator… ou à raison ?
Un pick-up issu d’un baroudeur ? Voici la proposition de Jeep avec son Gladiator. Vu mon faible pour le Wrangler et mon enthousiasme vis-à-vis des « trucks », je me suis tout de suite réjouis lorsque j’ai appris, à ma grande surprise, sa disponibilité sur le marché européen en général et suisse en particulier. Alors quand on m’a proposé de tester ce véhicule à la fois décalé et à l’aspect anachronique, je ne pouvais pas laisser passer l’occasion.
Texte : Patrick Blazek / Photos : Matthieu Giraudier
Le Jeep Gladiator premier du nom a été produit entre 1962 et 1988 à 135’721 exemplaires et, jusqu’à récemment, n’a pas connu de descendance. Mais voilà que, 31 ans plus tard, Jeep sort le Jeep Gladiator II. Par ailleurs, la marque fêtant ses 80 ans d’existence, nous avons droit à une version exclusive « 80th Anniversary ».
Bien que peu prisé dans nos pays européens occidentaux, le pick-up est l’un des types de véhicules les plus vendus au monde et ce n’est pas étonnant dans les contrées aux vastes territoires. A quel point ce genre de « truck » est-il utilisable, voire viable, dans une ville comme Genève et dans ses alentours ? C’est la question à laquelle je vais tâcher de répondre lors du test de ce Jeep aux dimensions imposantes.
A l’extérieur
Gladiator ! Un patronyme qui claque ! C’est le titre d’un blockbuster hollywoodien, tout comme un personnage surpuissant de l’univers Marvel ! Autant le dire tout de suite : cela sied très bien à ce Jeep dont la présence massive inspire le respect et respire la force.
Dès le premier coup d’œil, sa parenté avec le Wrangler saute aux yeux. Même face avant, même calandre iconique verticale à lamelles, long capot horizontal, arches de roues apparentes, tout, ou presque, y est. Le pare-brise, vertical également, offre une surface vitrée réduite (qui ne nuit aucunement à la visibilité) et la petite taille des essuie-glaces présente un air délicieusement rétro. Tout comme le design général. Je ne le cache pas : j’adore ! La silhouette est taillée à la hache, les lignes tirées à la règle et à l’équerre. Cela respire la solidité rustique et bien malin qui pourra deviner que l’aluminium est utilisé en quantité sur cette carrosserie à l’aspect vintage. Les jantes de 18 pouces, chaussées de pneus de route taille haute de 255 de large, ont l’air bien menues sur ce gros pick-up.
Imposant, le Gladiator l’est avec ses plus de 5,5 mètres de long qui le rendent peu pratique pour se garer ainsi que pour manœuvrer dans certains parkings. C’est bien plus que le Toyota Hilux ou que le Ford Ranger, ses rivaux directs, et l’on se rapproche des dimensions du Ford F-150 et ses presque 5,7 mètres à qui le Gladiator rend néanmoins 13 centimètres en largeur. C’est plus que suffisant pour se faire remarquer dans la circulation urbaine dans laquelle il se glisse néanmoins avec une étonnante aisance. La couleur Snazzberry, oscillante entre le pourpre et le violet, de notre modèle d’essai lui va à ravir. Ce n’est ni trop flashy, ni trop banal, avec juste ce qu’il faut de classe et de rusticité. Un passant enthousiaste me fait remarquer que ce Gladiator porte les couleurs du Genève-Servette. C’est peut-être pour cela qu’il s’intègre bien dans le paysage.
Il n’est disponible qu’en double cabine, ce qui explique ses dimensions. Cela explique également la longueur relativement contenue de la benne qui, avec ses 1,53 mètres de long, se place dans la moyenne du segment, sans plus. En revanche, elle se distingue par sa capacité de charge de 726 kg. Et la capacité de tractage de notre « camion » étant de 3’470 kg, voilà qui le distingue là encore de la concurrence et démontre qu’il est bien plus qu’un Wrangler simplement reconditionné en pick-up. On trouve, sur un côté de la benne, une prise 230 Volts résistante à l’humidité et la surface de chargement se voit recouverte d’une couche de protection anti-glisse et d’aspect très robuste. Une épaisse bâche de protection sur enrouleur protège efficacement la cargaison contre les intempéries. Gros bémol toutefois : elle n’est pas verrouillable, même panneau arrière relevé et fermé.
Le Gladiator reprend une autre caractéristique du Wrangler qui le démarque de tous ses rivaux : la capacité de se faire transformer en véhicule totalement ouvert. En effet, les portières sont amovibles, tout comme le toit en trois parties, tandis que le pare-brise est rabattable. Idéal pour barouder sur une plage ou en balade tout chemin au bord de l’eau.
A l’intérieur
Comme mentionné plus haut, et contrairement aux pick-ups concurrents, le Gladiator est disponible exclusivement en double cabine. La place à l’intérieure est vraiment très confortable à l’avant et, à l’arrière, trois adultes de gabarit moyen voyageront sans problème à son bord. Le volant à trois branches semble petit par rapport au gabarit du véhicule et les comodos, s’ils tombent sous la main, sont d’un maniement assez dur. Il n’est pas rare qu’en voulant arrêter le clignotant, je l’enclenche dans l’autre sens avec l’impulsion donnée pour recentrer la manette.
La planche de bord est aussi verticale que le pare-brise et la calandre. Tout, hormis les aérations rondes et l’ensemble compteurs, y semble dessiné avec la même équerre que la carrosserie. Normal, c’est également repris du Wrangler, comme le système d’infodivertissement doté d’un écran de 7 pouces de bonne facture. Le système est efficace et intuitif, tout juste manque-t-il un peu de réactivité. L’ergonomie générale est intuitive, Jeep ayant eu la bonne idée de conserver des boutons et des molettes pour exécuter les opérations courantes. Le pack cuir de série rehausse la qualité perçue.
Les sièges sont très confortables à l’avant, mais manquent de maintien latéral, tandis qu’à l’arrière, l’agrément est moindre mais demeure largement acceptable. Cet intérieur a l’avantage d’être totalement waterproof, lavable au jet. Très pratique quand on peut transformer la voiture en véhicule de plage. Les rangements sont assez réduits à l’avant, la boîte à gants notamment est de très petite taille. En revanche, d’astucieux et spacieux espaces de rangements sont disponibles sous l’assise des sièges arrière qui ont, en outre, la capacité d’être rabattus en deux parties, 60/40.
Sous le capot
Tandis qu’en Amérique, le Gladiator se décline en moteurs essence et diesel et, à choix, en boîte manuelle ou automatique, la palette est plus restreinte en Europe. En effet, seule la motorisation diesel MultiJet à 6 cylindres, car compatible avec la norme Euro 6d-TEMP, couplée à une boite automatique à 8 rapports est proposée. Toutefois, il ne faut pas bouder son plaisir, car si la puissance ne culmine « qu’à » 264 ch, ce ne sont pas moins de 600 Nm de couple qui sont disponibles entre 1’400 et 2’800 t/min. Sans en faire un foudre de guerre, cela permet d’emmener facilement les presque 2’500 kg du Gladiator sur tous types de terrains.
Le bruit de ce bouilleur est discret à l’intérieur mais, de l’extérieur, on l’entend respirer à chaque accélération, comme une bête à gros poumons. C’est assez agréable à l’oreille et donne l’impression d’une mécanique vivante. Quant à la consommation annoncée, elle est de 9.7 l/100km en cycle mixte. Chose rare, sur l’ensemble de mon essai, je mesure une moyenne de 8.87 l/100km, chiffre sensiblement inférieur aux données d’usine. Il est vrai, comme je le signalerai plus bas, que mes trajets en ville sont plutôt rares au cours de ce test.
La transmission se fait, à choix, aux roues arrière ou bien aux quatre roues en modes gamme haute automatique ou bien temps partiel. Le mode automatique permet de transmettre du couple aux roues avant en cas de nécessité tandis que le temps partiel optimise la transmission de façon à ce que les roues avant et arrière tournent à la même vitesse. Enfin, une position à rapports courts, dite gamme basse, permet d’optimiser la traction à basses vitesses sur terrain difficile. En revanche, notre modèle d’essai est dépourvu des verrouillages d’essieu, du commutateur électrique de barre stabilisatrice ainsi que du commutateur Off Road+ qui optimise la traction et l’adhérence en tout terrain. J’ai ouï dire que c’était réservé aux marchés américains.
Au volant
Le Gladiator, malgré ses dimensions, est très facile à prendre en mains. La position de conduite haute offre une excellente visibilité et permet très rapidement d’appréhender la taille du véhicule. Même en ville, il se mène aisément dans la circulation. On a l’impression d’être assis dans un petit camion. Les autres conducteurs lui cèdent volontiers le passage et il dégage dans le trafic une impression de force tranquille. Bien entendu, le parcage n’est pas son exercice favori mais, hormis dans certains parkings souterrains où il est exclu de s’aventurer, cela ne relève pas non plus de la mission impossible. A condition d’avoir du temps pour trouver la bonne place. Exclu donc d’aller travailler avec, car au moment de le garer, il s’adapte mal aux modes « je suis pressé » et « dernière minute ».
En conduite ordinaire, le confort est étonnant. L’amortissement est vraiment confortable et absorbe les aspérités du bitume sans en filtrer toutes les informations. Le toucher de route est surprenant pour un véhicule de ce type. On remarque également une assistance assez faible sur la direction ainsi que sur le retour du volant après virage. Cela demande une conduite active, ce qui n’est pas pour me déplaire.
Sur autoroute, les kilomètres s’avalent dans la plus grande quiétude et sans la moindre fatigue. On est en mode bateau, ou plutôt tapis volant, avec juste ce qu’il faut de retour d’informations. En revanche, toute velléité sportive sera très vite découragée, tant par la prise de roulis quasi immédiate que par les gommes qui vont très vite crier leur agonie. En propulsion, ça couine dans tous les ronds-points, même sans aucun excès d’optimisme. C’en est amusant.
Une mention spéciale pour la boîte automatique à 8 rapports d’une douceur exquise et d’un agrément qui rend inutile son exploitation en mode manuel, hormis pour utiliser le frein moteur. Quelles que soient les conditions, le mode automatique fait son job avec un discret brio. Seule petite réticence de ma part : le passage au rapport supérieur s’exécute à un régime moteur précis et n’est pas inductible par un relâchement de la pédale des gaz.
Je n’ai pas réellement l’occasion d’emmener le Gladiator sur de vraies conditions hors piste. Ainsi je ne puis tester ses capacités de franchissement. Ses angles d’attaque de 41 degrés et 25 degrés d’angles de fuite restent donc pour moi des données d’usine… Et le seul gué que j’ai pu franchir est bien en-deçà des 76 cm de profondeur que le Gladiator peut normalement traverser. En revanche, lorsque je le teste un peu sur terrain boueux et glissant, malgré les quatre roues motrices, ses pneus Bridgestone Dueler H/T sont très vite dépassés. Ça patine dans tous les sens, c’est très fun et on ne s’enlise, heureusement, pas. Du moins pas dans les conditions où je l’emmène. En revanche, sur les gravillons, ça passe à merveille.
J’ai la possibilité d’éprouver la praticité de la benne en transportant d’un coup des dizaines de cartons de déménagement pliés. Facilité de chargement, transport efficace, déchargement ultra-rapide. Il est bien évident qu’aucune voiture « normale », break pas plus que SUV, ne pourrait le faire en un seul voyage et avec autant de commodité.
Verdict
A la question initiale : ce Jeep Gladiator est-il viable en milieu urbain, à Genève en particulier ? Je dirais que c’est jouable dans la circulation, mais pas au quotidien, en raison des réductions de places importantes et des obstacles volontairement mis en place dans la cité de Calvin. Ma réponse est donc : non, mais avec torts partagés. C’est une histoire d’espace et de temps. Si l’on n’a aucun des deux, alors il faut oublier d’utiliser Gladiator en ville, il y aura toujours un moment où le stress l’emportera sur l’agrément et le plaisir.
En revanche, s’il s’agit de l’y emmener sporadiquement, alors cela devient plus réaliste et, à part certains aspects que la morale réprouve, conduire un gros pick-up en ville est carrément jouissif. Et puis c’est tellement plaisant de monter à son bord en s’accrochant à la poignée du montant de pare-brise, d’en descendre avec plus ou moins d’élégance, de le laisser vous emmener avec cette délicieuse impression que, quelles que soient les conditions du trajet, rien ne peut vous arriver.
J’aime son côté puissamment décalé avec les dogmes d’aujourd’hui. Je me sens pétri de reconnaissance envers ces constructeurs qui sortent encore à l’heure actuelle de tels véhicules.
Prix et options – Jeep Gladiator 80th Anniversary
Prix de base : CHF 78’900.-
Peinture métallisée « Snazzberry » : CHF 1’000.-
Pack Cargo : CHF 700.-
Système d’alarme avec détection de mouvement et capteurs d’inclinaison : CHF 400.-
Prix TOTAL : CHF 81’000.-
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Nos remerciements à Stellantis – FCA Switzerland SA (Jeep Suisse) pour le prêt de ce Jeep Gladiator 80th Anniversary, ainsi qu’au garage GSG Racing Concept pour leur soutien logistique.
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