Essai – Porsche 911 (992) Turbo Cabriolet : Le mieux est l’ennemi du bien
Après vous avoir embarqué à bord du modèle de base Carrera, il est venu le temps pour Wheels And You de passer en revue la déclinaison découvrable de la huitième génération de 911, la 992 Cabriolet, en version Turbo.
Texte et photos : Matthieu Giraudier
Quand vient le moment de découvrir la fiche technique de la bête, la succession de chiffres impressionne. Des performances moteur à faire pâlir, une liste d’options à rallonge, un « price-tag » qui commence un peu à chatouiller, le décor est planté : la 992 Turbo Cab’ est là pour casser des mâchoires, et par palettes de douze.
Certes iconique, pour ne pas dire légendaire, cette déclinaison laisse à penser que Porsche commence un peu à forcer le trait sur son modèle-phare, en versant un poil dans la démesure. Que vaut-elle au final ? Réponse dans la suite.
A l’extérieur
Le modèle Cabriolet connaît quelques évolutions notables comparativement au Coupé, concentrées logiquement sur la partie arrière.
L’avant est une redite du modèle standard, avec son style hommage aux premières générations de la 911. Le bouclier est rectiligne, intégrant de larges de prises d’air et en son centre le radar. Les ailes sont plus imposantes, augmentant la largeur de 45 mm comparativement au Coupé. Les projecteurs avant conservent les optiques rondes caractéristiques.
Le train arrière est quant à lui nettement différent. On note en premier lieu l’intégration de fausses entrées d’air au niveau des ailes arrière, propres aux modèles Turbo ; le bouclier est complètement revisité avec, sur ce modèle, quatre sorties d’échappement en losange. L’élément de changement le plus visible reste l’aileron, assez proéminent, qui se déploie selon la vitesse ou sur demande. La grille de moteur ainsi que la signature lumineuse restent inchangées.
Porsche a opté sur ce cabriolet pour une toile, de confection robuste. Le déploiement nécessite 12 secondes et peut s’effectuer jusqu’à 50 km/h.
D’une manière absolue, je ne suis pas très convaincu par la confrontation de style entre la face avant et la partie postérieure. Alors que le dessin de la proue verse dans le classicisme et la sobriété, la poupe arbore un dessin moderne et très « show-off ». Que l’on ne s’y méprenne pas : prises à part, je trouve chaque face vraiment belle, avec un design fort et évocateur. L’avant est un bel hommage aux générations d’antan, tandis que l’arrière a un caractère très fort, aux grands accents sportifs. Il demeure une opposition de style assez étrange à mes yeux.
A l’inverse, je suis très fan de la couleur de carrosserie retenue pour notre modèle d’essai, le « Gentian Blue ». Cette teinte de bleu est très équilibrée et resplendissante au soleil.
A l’intérieur
La configuration de notre voiture de test repose sur un intérieur intégralement en cuir, noir pour la planche de bord et « Beige Mojave » pour la sellerie et la fabrique des portes. L’association de coloris n’est certes pas originale mais a l’avantage de briser la monochromie d’un habitacle intégralement sombre.
Comme on peut l’attendre d’un modèle titrant à plus de CHF 250’000.-, la qualité d’assemblage est excellente et les matériaux retenus sont de très bonne facture. L’environnement est clairement tourné vers le conducteur et sa structure est formidablement pensée, offrant un accès sans peine à chaque fonction. L’élément principal est le combiné d’écrans de bord et central, totalement numériques, agencés de manière contiguë. Leur résolution est fine et l’affichage est particulièrement complet. Je regrette seulement le manque de visibilité des parties latérales du moniteur de bord, la faute au volant assez volumineux. Ce dernier est d’ailleurs dépourvu de méplat, une prise de parti plutôt esthétique qui péjore trop à mon goût l’aspect pratique et la manœuvrabilité. Néanmoins, la répartition des touches, somme toutes nombreuses, est ergonomique, tout comme le placement de la molette de sélection de modes de conduite. En un éclair, on peut changer le caractère du bolide, c’est particulièrement plaisant.
Le système d’infodivertissement repose sur une interface tout simplement parfaite. Il est impossible de critiquer quoi que ce soit. C’est très réactif, avec une structure intuitive et un accès rapide à toutes les fonctions. C’est un modèle du genre, sans conteste un des meilleurs du marché automobile actuel.
Cabriolet sportif oblige, c’est clairement une 2+2, avec deux belles places avant, et une rangée arrière symbolique, où il est déjà compliqué d’installer un enfant de 6 ans. Les assises conducteur et passager sont enveloppantes et largement modulables, offrant un confort correct, sans être transcendant. Pour les curieux, le coffre offre un volume de 132 litres, ce qui n’est de loin pas ridicule. On peut y loger un bagage taille cabine et deux sacs à dos de taille moyenne.
Sous le capot
La 992 Turbo Cabriolet embarque un seul choix de motorisation, qui repose sur le noble « Flat-Six » biturbo de 3.8 litres, placé en porte à faux arrière, son emplacement historique. Il déploie un solide 580 chevaux de puissance, qui s’atteint à 6’500 t/min. Le couple est titanesque, avec 750 Nm, mis à disposition entre 2’500 et 4’500 t/min. Rien que cet élément révèle le caractère rageur du bloc : ça pousse, vite et très fort. De quoi abattre le 0 à 100 km/h en un fulgurant 2.9 secondes et pouvoir atteindre, si l’occasion est donnée, 320 km/h en pointe.
La consommation n’est évidemment pas digne d’une citadine, mais reste contenue vu la fureur mécanique à disposition. L’appétit en énergie fossile se fixe en cycle mixte autour des 13.5 l/100km. Sur 680 kilomètres d’essai, la mesure monte à 14 l/100km en moyenne, le chiffre étant péjoré par d’amples séquences dynamiques, durant lesquelles l’indicateur frôle les 20 l/100km.
Au volant
Je ne vais pas le cacher, l’idée de mettre les mains sur la version Cabriolet de la 992, qui plus est en version Turbo, me met particulièrement en joie. Ce n’est pas tous les jours que l’on peut vagabonder les cheveux au vent, avec un Flax-Six qui ronronne derrière vous, en lâchant à la moindre sollicitation plus de 500 bourrins et un couple à faire pâlir un camion. Qui plus est, le ciel est bleu, les oiseaux chantent et… Il fait 0°C. L’emballement est tout de suite moindre, d’autant plus que la chaussée est froide comme un jour de blizzard à Vladivostok et que la belle décapotable est chaussée, sans surprise, de pneus hiver. Il y aura du plaisir, j’en suis convaincu, mais fatalement moins qu’en période estivale.
C’est systématique, dès le premier contact, on peut sentir l’ambiance globale d’une voiture. Certaines se montrent chaleureuses, d’autres sont austères. Dès le toucher la poignée de porte affleurante, je sens que la 992 Turbo Cab’ est « tough ». C’est véritablement le mot qui me vient tête, avec l’image d’un hockeyeur prêt à en découdre. Le mécanisme de la porte est dénué de souplesse, il faut littéralement la claquer pour qu’elle se ferme. Dès les premiers tours de roues, je peux sentir la fermeté de la suspension, la rigidité du châssis. C’est tendu, ancré à la route. Le signal est clair : c’est paré à faire feu à n’importe quel moment.
Malgré le froid de canard, je ne suis pas pour autant découragé. Sans plus attendre, à la stupeur des quelques passants qui m’entourent, je rabats le pavillon à la première barrière tricolore venue. J’active les sièges chauffants, oriente les buses de ventilation vers moi, sans forcer sur le chauffage et je mets les voiles. Le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est super plaisant. Je n’irai pas à dire que 100 kilomètres en t-shirt avec pareille température, c’est jouable, mais la protection offerte est excellente. Le saut de vent produit par le pare-brise évite d’avoir le crâne en pleine turbulence, tandis que le pare vent arrière rompt tout retour d’air venant de la banquette. Je suis donc installé au chaud, à profiter des paysages enneigés.
La contemplation, c’est bien, mais dégourdir le six pattes, c’est nettement mieux. Pour mettre la belle à l’essai, je sélectionne un terrain que je connais bien, le Jura suisse. Les routes sont dégagées mais glissantes, verglacées par endroits. J’irai donc crescendo, en commençant par le mode Normal. Le dynamisme offert est déjà excellent, mais on sent que l’ordinateur central bride la voiture. A peine 500 mètres fait à vitesse un peu soutenue, la Turbo Cab’ m’alerte : « Chaussée mouillée – réduisez votre allure ». Le fameux « Wet mode », grande nouveauté de cette huitième génération, entre en action. Les capteurs placés dans les arches de roues ne s’y trompent pas, ils détectent un important et continu flux d’eau soulevé par les pneus. En plus de m’encourager à lâcher les gaz, le véhicule par lui-même adapte le mode moteur et la partie suspensive. C’est très sécure, mais un aussi un poil intrusif. D’autant que je ne sens pas de défaut dans l’adhérence, bien au contraire. La traction est excellente, sans perte de couple, et les transferts de masse sont sains. Si sains que je m’autorise un passage en mode « Sport ».
Le cœur de la bête se réveille, les rapports s’allongent. La 992 devient immédiatement plus rugueuse, plus joueuse. Les accélérations sont nerveuses, affûtées, à la limite du brutal. La transmission intégrale fait des merveilles, pas une miette d’effort mécanique n’est perdue. De base franchement ferme, la suspension devient encore plus raide. Loin d’être une planche en bois, on sent la différence et la lecture de la route devient plus fine. Je monte alors l’allure, à grands renforts d’accélération plein-gaz. C’est simplement jouissif. Scotché au siège, je m’embarque dans une succession de virages au soleil, l’endroit pour attaquer. Le châssis est rigide et communique beaucoup, mais on sent immédiatement une lourdeur en entrée virage. Là où certaines voitures plongent sans sourciller dans la corde, avec une franche nervosité, il faut ici envoyer avec panache pour que la 911 suive. Une fois lancée, notre 911 Turbo déploie une tenue de route bluffante. L’arrière déleste certes un peu, je peux sentir une très légère dérive, à peine perceptible. La vitesse de passage en courbe m’impressionne. Moins tout de même que la sortie de virage, où il suffit d’écraser la pédale de droite pour que la Cabriolet se mette en ligne, dans un grondement rauque, mais contenu. Même en mode Sport, la ligne d’échappement sifflote sagement. On reconnaît très bien, ceci dit, le chant caractéristique du 6 à plat, avec ses notes caverneuses.
Face à pareil entrain, je suis curieux de voir ce qu’offre la configuration « Sport+ ». Après une pause passée à admirer le bassin lémanique, la chaleur ambiante autorise une tentative en mode survitaminé. Par tous les saints, c’est diabolique ! Les vannes sont ouvertes, la retenue n’est plus. La décapotable libère les watts, on sent clairement que la propulsion est plus délicate tant il y a de couple qui passe dans les roues. L’essieu arrière devient plus capricieux, tandis que le sous-virage se fait plus perceptible. Propre à toutes les transmissions intégrales, la machine est embarquée inexorablement à l’extérieur du virage sous l’effet de la motricité sur chaque roue. Il faut alors bien tenir la trajectoire, brusquer la direction pour faire plonger la voiture et se montrer patient jusqu’à la corde. Je regrette à nouveau que les conditions ne soient pas optimales et les chausses d’hiver. Moyennant le potentiel déployé avec ces paramètres, je n’ose pas imaginer ce que peut faire la Cabriolet sur piste sèche et à bonne température.
Verdict
N’y allons pas par quatre chemins : oui, la 992 Turbo Cabriolet est une machine de guerre qui permet de faire fi du toit par beau temps. Elle est caractérielle, voire brutale dès qu’on fait sauter les verrous électroniques. Si le châssis et la partie roulante sont de qualités supérieures, on peut cependant reprocher une certaine lourdeur, tout du moins un léger manque de dynamisme sur les transitions et à l’amorce des virages.
Malgré l’apparente réussite mécanique que représente cette 911, je ne peux m’empêcher de penser que c’est « too much » ; moins subtil, avec un design qui commence à verser dans le « bling-bling » – surtout la face arrière – ; un modèle avec une motorisation qui finalement ne sert plus à rien sur route et ne se justifie pas pour de la piste, où le Coupé a plus de sens, ou encore mieux, la toute récente GT3 dont nous espérons vous proposer un essai prochainement.
Cette 911 (992) Turbo Cabriolet est à mes yeux la parfaite illustration que parfois, le mieux est l’ennemi du bien.
Prix et options – Porsche 911 (992) Turbo Cabriolet
Prix de base : CHF 244’100.-
Gentian Blue Metallic : CHF 0.-
Intérieur tout cuir bicolor Noir / Beige Mojave : CHF 730.-
2 + 2 ans de garantie : CHF 2’770.-
Porsche Swiss Package : CHF 0.-
(Rétroviseurs extérieurs rabattables électriquement, Power Steering Plus, ParkAssistant avec Surround View, Pack luminosité)
Capote noire : CHF 0.-
Phares LED avec Porsche Dynamic Light System Plus (PDLS +) : CHF 750.-
Porsche InnoDrive incl. Régulateur de vitesse adaptatif (ACC) : CHF 1’060.-
Jupes latérales en couleur extérieure : CHF 760.-
Pied de rétroviseurs en couleur extérieure : CHF 660.-
Entrées d’air latérales peintes en couleur carrosserie : CHF 610.-
Porsche Active Suspension Management & Châssis Sport : CHF 1’810.-
Porsche Dynamic Chassis Control : CHF 3’910.-
Jantes 911 Turbo 20″/21″ : CHF 0.-
Lane Change Assist : CHF 1’000.-
Accès Confort : CHF 670.-
Sièges sports Plus adaptatifs : CHF 1’230.-
Sièges avant chauffants : CHF 0.-
Colonne de direction en cuir : CHF 440.-
Pare-soleil en cuir : CHF 500.-
Arrière des sièges Sport Plus en cuir : CHF 1’960.-
Burmester® High-End Surround Sound-System : CHF 3’880.-
Prix TOTAL : CHF 263’440.-
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Nos remerciements à Porsche Schweiz AG pour le prêt de cette Porsche 911 (992) Turbo Cabriolet, ainsi qu’au Centre Porsche Lausanne pour leur soutien logistique.
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