Essai – Porsche Panamera Turbo S : Panamera… mais presque !

Wheels And You s’attarde sur le vaisseau amiral de Porsche, la Panamera Turbo S, berline de tous les superlatifs. Vraie sportive ? Fausse limousine ? Coupé rallongé ? Qu’en est-il réellement ?

  • V8 biturbo, 4’806 cm3
  • 550 CV à 6’000 t/min
  • 750 Nm à 2’250 t/min (overboost 800 Nm)
  • Boîte de vit. double-embrayage, 7 rap.
  • Vitesse maxi : 306 km/h
  • 0 à 100 km/h en 3.8 sec.
  • Poids : 1’995 kg
  • Conso. mesurée : 16.5 l./100 km
  • Emissions de CO2 : 270 g/km (G)
  • dès CHF 228’800.-
    modèle essayé : CHF 239’660.-

 


Texte : Jérôme Marchon / Photos : Bob de Graffenried, Jérôme Marchon


 

« Le but n’était pas de construire une berline haut de gamme, une voiture quatre places ou une voiture à transmission intégrale, mais une Porsche. ». Voilà les quelques mots qui servent de préambule à la documentation du constructeur présentant sa berline. Vous verrez après ces quelques lignes ce qu’il en est de mon avis, mais une chose est cependant certaine, la « namera » (« intention » en Slovène) de Porsche est clairement d’assommer la maigre concurrence dans ce segment du super Grand Tourisme pour quatre. Mais à quel prix ?

 

A l’extérieur

S’il est un domaine dans lequel la Panamera aura fait couler beaucoup d’encre, c’est bien celui du style… Par où commencer ? Dans mon essai de l’Aston Martin Rapide, je qualifiais l’Allemande de « difformité ». Oui, je vous l’accorde, c’est peut-être exagéré. Mais même après plusieurs jours à l’observer sous toutes les coutures, depuis tous les angles possibles et imaginables, je peine à déceler ce qui fait que nombre d’esthètes s’extasient devant les lignes générales de la Porsche. Remarquez que mes connaissances en art contemporain sont pour le moins limitées, ce qui explique peut-être cela. Mais ce profil inspiré sans génie de la 911 dénote avec un empattement à rallonge, un dos rond et une poupe pour le moins haut-perchée. Paradoxalement, ce ne sont pas moins de 28’818 exemplaires, toutes motorisations confondues, qui auront trouvé preneur de part le monde en 2011. Est-ce un signe que le badge et les quatre places attirent plus que le style ? Je vous en laisse juge. En Suisse, 384 exemplaires ont été écoulés l’an dernier, damant le pion de la Classe S de Mercedes-Benz (327 exemplaires) et laissant loin derrière l’Audi A8 (176) et la BMW Série 7 (143). Sans parler de la Rapide et la Quattroporte dont les ventes sont confidentielles. Seule la Mercedes-Benz CLS fait mieux avec 562 exemplaires, mais le ticket d’entrée pour ce modèle est aussi 30% plus bas que celui de la Porsche.
D’un point de vue plus objectif, la Panamera en impose. Sans avoir l’élégance d’une Maserati Quattroporte, la grâce d’une Aston Martin Rapide ou la fluidité d’une Mercedes-Benz CLS au premier coup d’œil, sa silhouette massive dégage cependant une prestance indéniable. Il est vrai que prises individuellement certaines parties sont empreintes du style Porsche, tels la découpe du capot, le galbe des ailes tant à l’avant qu’à l’arrière et les optiques. La carrosserie de la Turbo S s’habille en outre des attributs propres aux versions turbocompressées, comme le bouclier avant plus ajouré avec les feux à LED fins, les sorties d’échappement rectangulaires, un diffuseur contrasté et des mini-jupes latérales. Oh, pas de bouleversement pour autant, juste quelques indices sur les velléités de notre missile sol-sol. Conditions hivernales obligent, notre exemplaire d’essai se voit doté de roues peu flatteuses alors que la Turbo S reçoit de série les jantes « Turbo II » à gros rayons qui, en temps normal, achèvent d’accentuer la sportivité du modèle.

 

A l’intérieur

A l’intérieur, c’est l’émerveillement. Respirant la qualité et jouissant d’une finition hors pair, cet habitacle est très certainement l’un des plus beaux de la catégorie. Quatre occupants prendront place dans une ambiance chic et sportive calés dans de magnifiques baquets, séparés par un tunnel central imposant et entourés d’une ceinture de caisse haute. On est engoncé, certes, mais pas étouffé. Du côté des matériaux, c’est l’opulence de cuir surpiqué, de fibre de carbone vernie et d’aluminium. Très peu de plastique pour une atmosphère Porsche sobre et techniciste, tout en restant fonctionnelle.
Particulière et très fournie, la console centrale entourant le sélecteur de vitesses paraît horriblement compliquée à comprendre. A l’utilisation c’est tout l’inverse : fidèle au principe « une touche, une fonction », le panneau digne d’un cockpit d’avion s’apprivoise avec facilité et les commandes essentielles à la conduite tombent facilement sous la main. Au final, je me suis plus vite familiarisé avec cette forêt de commandes qu’avec un système à molette comme chez BMW ou Audi, nécessitant de naviguer à l’intérieur de nombreux menus pas toujours intuitifs.
Le conducteur prend place devant un volant à jante épaisse qui cache derrière ses branches les palettes de la boîte de vitesses PDK. En arrière-plan, les traditionnels cadrans de l’instrumentation avec au centre le compte-tours évocateur. Coup d’œil à droite sur l’écran du combiné GPS/Radio/ordinateur de bord bien connu, puisque présent sur tous les modèles de la marque et dont les interfaces tant graphique que technique ne souffrent d’aucune critique. Je relèverai toutefois deux petits défauts : primo, si l’adoption du superbe volant « SportDesign » induit l’installation des palettes conventionnelles au lieu des boutons-poussoirs bidirectionnels habituels pour gérer la boîte de vitesses PDK, on perd au passage toute possibilité de gérer le téléphone ou l’installation audio depuis le poste de pilotage sans quitter les yeux de la route et une main du volant pour procéder aux réglages. Ou alors, déléguez cette tâche au passager. Deuxio, malgré un soin particulier apporté aux détails, le remplacement du neiman par une disgracieuse « spatule » fixe faisant office de clé, jure avec le reste (car la Turbo S est équipée du « Porsche Entry & Drive », donc ouverture et démarrage sans clé), alors qu’un bouton « start » ferait très bien l’affaire.
De série, la Panamera Turbo S est plutôt bien dotée, même si, comme il est de tradition chez les constructeurs allemands, la littérature relative aux options (y compris les lignes Tequipment et Porsche Exclusive) constitue une pile de bouquins de 5 cm de haut. A vous la possibilité de personnaliser au-delà du raisonnable votre auto, comme par exemple habiller les ailettes des buses d’aération de cuir ou alors installer un routeur Wifi à bord afin d’en faire un hotspot sur roues. Si pris individuellement le prix de chacun des raffinements à la carte ne paraît pas si exorbitant, le montant de l’addition finale prendra irrémédiablement l’ascenseur. Attention à ne pas être trop gourmand !
Pour finir le tableau, la Panamera n’est pas dénuée de sens pratique avec un coffre de 445 litres accessible via un hayon de grande taille. Il est même possible d’augmenter l’espace disponible en rabattant les sièges arrière.

 

Sous le capot

Voilà la pièce maîtresse : un V8 de 4,8 litres de cylindrées assisté de deux turbos pour développer la puissance respectable de 550 CV (50 de plus que la Turbo) et un couple camionesque de 750 Nm (voire 800 Nm grâce à l’overboost). Couplé à la boîte à double embrayage PDK à 7 rapports, il propulse notre fusée de 0 à 100 km/h en 3,8 secondes (4 secondes pour la Turbo) et lui permet d’atteindre 306 km/h en pointe (303 pour la Turbo). Niveau reprises, le 80 à 120 km/h est atomisé en 2,6 secondes.
En mode « normal », le gros V8 se fait plutôt discret, grondant élégamment pendant que la boîte égrène les rapports avec douceur sans jamais dépasser les 2’500 t/min et se permettant de croiser à peine au-dessus de 1’000 t/min à 120 km/h. A chaque relance d’une pichenette sur l’accélérateur un rapport tombe et la Panamera bondit dans un feulement toujours mâtiné de retenue. Toutefois, si l’envie vous prend d’arsouiller – oui oui, c’est possible avec 5 mètres de long et plus de deux tonnes sur la balance – n’oubliez pas d’enclencher le mode « Sport » ou « Sport Plus » ! En effet, la bête manque singulièrement d’homogénéité en conduite sportive et mode « normal ». A l’écrasement de l’accélérateur, le kick-down a besoin d’une éternité pour descendre ses trois rapports avant d’envoyer la sauce grâce l’overboost, le tout dans une brutalité inouïe. Cela nuit considérablement au côté confortable de l’auto tout en n’apportant rien de réellement sportif, sauf une poussée digne de Saturn V, sur un engin de deux tonnes mené initialement à un train de sénateur. Dommage, ce d’autant que ce genre d’action est pour le moins fréquente sur autoroute, par exemple. Le seul moyen d’y remédier est d’actionner soi-même la palette de gauche afin de préparer un tant soit peu la manœuvre. Ce défaut s’estompe dans les modes « Sport » et « Sport Plus » car ces derniers augmentent la réactivité de l’accélérateur, de la boîte, ainsi que l’amortissement. Vu la montagne de couple à disposition, une gestion moins agressive des relances n’aurait en rien terni le pédigrée de notre Panamera…
Malgré cette puissance de feu, la consommation s’avère une bonne surprise. Mesurée à la pompe à 19.1 l./100 km en conduite très dynamique, elle ne s’élève « qu’à » 13.9 l./100 km en conduite normale mélangeant ville, route en campagne et autoroute.

 

Au volant

Récapitulons : 4.97 m. de long, 1.93 m de large, 1’995 kg, la Panamera n’a rien d’une sylphide. Aussi étonnant que cela puisse paraître, le châssis de notre Porsche se joue avec maestria tant de ces chiffres imposants que de la puissance phénoménale délivrée par son moteur. La poussée du V8 biturbo est dantesque et sans fin, qui plus est aidée par l’overboost entre 2’500 et 4’000 t/min. La cavalerie canalisée sans broncher sur les quatre roues, notre limo préserve en tout temps une agilité et un tempérament sportif voire joueur, tout en restant sécurisante, rivée au sol. Il faut dire que l’armada d’aides électroniques veille au grain, agit toujours avec discrétion et doigté et les tromper demeure impossible. Même affranchie de ses aides, notre Bertha se montre saine et la faire dandiner de son séant demande des provocations pour le moins rustres. Pour les oreilles, l’échappement actif permet de rendre les borborygmes de l’échappement plus présents et sourds dans l’habitacle, sans toutefois être envahissants.
La suspension pneumatique (PASM) aide aussi à gommer les effets de la taille et du poids de notre engin, lui permettant de virer à plat, d’encaisser avec flegme les changements d’appui dans les enchaînements menés par ailleurs en un rien de temps à un train d’enfer en mode « Sport Plus ». Il s’agit en réalité d’une constante avec cette auto. Vite, très vite, toujours très (trop ?) vite. Sans une attention de tous les instants sur le compteur de vitesse, votre permis de conduire s’envolera en moins de temps qu’il ne faut pour le dire et ce quelque soit la topographie. La faute à qui ? A quoi ? Trop de watts ? Oui, peut-être. Mais à mon sens, la direction joue un rôle non-négligeable dans ce constat. Bien que directe et bien dosée, le ressenti demeure beaucoup trop léger et surtout artificiel. Certes, le confort devait somme toute primer dans le cahier des charges, mais plus de consistance est une nécessité, rien que pour être, ici aussi, en parfaite homogénéité avec un châssis que l’on peut sans ambages qualifier de sportif dans le mode ad hoc. Même sur les billards autoroutiers où l’on privilégiera plus volontiers le confort aux performances, la sensation de vitesse vous parviendra une fois que vous aurez remarqué que les lignes de sécurité sont avalées plus vite qu’à l’habitude par le bout du capot… et votre vitesse a dépassé depuis belle lurette les fourchettes admises par les amendes d’ordre.
Sur la neige le bolide de Stuttgart s’en sort avec les honneurs même si son poids et une largeur de pneus trop importante n’incitent pas à se la jouer « Trophée Andros ».
Côté freinage, les performances sont en ligne avec la tradition maison. Indestructible, le système encaisse sans broncher plusieurs freinages appuyés consécutifs sans montrer le moindre fading. L’option PCCB (disque carbone-céramique) en devient superflue.

 

Verdict

Au terme de cet essai, je reste sceptique et des questions subsistent : qu’est-ce qui justifie la différence de près de CHF 38’000.- entre la Turbo et la Turbo S, hormis le badge, les 50 CV et les 50 Nm (ou 100 avec l’overboost) supplémentaires de la seconde ? Ça fait cher la poussière de dixième sur la fiche technique. Il n’en demeure pas moins que la Panamera Turbo S est une sacrée machine à performances, facile à dompter et résolument calibrée pour tailler la route sur les Autobahnen allemandes. Mais les performances, la perfection de son habitacle et le confort offert par celui-ci peinent à contrer l’avarice en sensations, l’absence d’homogénéité et un charisme pour le moins timide à ce niveau de prix. Au sein d’une gamme ne comptant pas moins de huit déclinaisons différentes, la Panamera Turbo S tient le rôle de fer de lance et est la Porsche la plus puissante au catalogue actuel. C’est ce que j’en retiendrai, tout en planifiant mes itinéraires pour Gaydon ou Modène…

 

Prix et principales options – Porsche Panamera Turbo S

Prix de base :  CHF 228’800.-

Jantes Panamera Sport 20″ peintes en noir laqué : CHF 1’740.-

Sièges sport adaptatifs avec Pack Mémoire Confort : CHF 1’890.-

Phares Bi-Xenon noir avec système d’éclairage adaptatif (PDLS) : CHF 660.-

Vitrage insonorisant et thermo-isolant avec vitrage arrière fumé : CHF 2’510.-

Sac à skis : CHF 520.-

Pré-équipement Vehicle Tracking System : CHF 250.-

Tapis de sol : CHF 250.-

Rideau pare-soleil électrique pour lunette arrière : CHF 670.-

Fixation ISOFIX pour siège enfant sur le siège passager : CHF 250.-

Écusson Porsche sur appuie-tête avant et arrière : CHF 290.-

Pack Carbone : CHF 1’200.-

Baguettes de seuil de porte en Carbone : CHF 830.-

Commande vocale : CHF 630.-

Prix TOTAL : CHF 239’660.-

 

 

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Nos remerciements à Porsche Suisse SA pour le prêt de cette Panamera Turbo S.

 

 

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