16 July 2016
2016-07-16
S’il y a bien un rendez-vous à ne pas manquer lorsque l’on est amoureux des classiques et des belles mécaniques, c’est le Mans Classic. Cette manifestation qui a lieu tous les deux ans depuis 2002 est gérée de main de maître par l’organisation Peter Auto. Nous vous proposons de partager cet évènement au gré de nos rencontres car l’étendue du programme est telle qu’il faudrait pouvoir se dédoubler, voire se « déquintupler », pour profiter de tout.
Texte et photos : Xavier Bais
Il y a dans cette aventure beaucoup, beaucoup, beaucoup de passion et énormément de respect. Par exemple, l’idée de devoir s’habiller élégamment me plait. Alors il y aura toujours un individu ventre bedonnant, torse nu, short ridicule et radio hurlant dans le virage du Tertre Rouge et pour qui le droit à l’image m’empêche de publier la photo, qui vous hérisse le poil. Mais qu’est-ce qu’un individu égaré parmi tant de passionnés ? Une goutte d’eau dans un océan.
L’option choisie pour vivre ce Le Mans Classic 2016 est de profiter à fond des trois jours et nuits, de voir un maximum de choses et de dormir un minimum de temps, tout cela en se déplaçant en Solex et en dormant au camping de Beauséjour. Au programme, ablutions à l’eau froide dès l’aube pour éviter les 30 minutes d’attente à huit heures du matin déjà. Rouler à nouveau en Solex est un grand plaisir pour moi et me permet d’être autonome ainsi que de gagner du temps dans mes déplacements. J’ai l’impression d’être en communion avec l’évènement, car ce Solex 45 de 1949 attire beaucoup de regards avec ses belles grandes roues de 650. Se faire doubler et arrêter par les motards de la gendarmerie Nationale en habit d’époque me replonge dans la saga des Gendarmes de St Tropez.
Ainsi que mentionné plus haut, l’organisation est vraiment top. La découverte du village où les exposants proposent à la vente des merveilles vintage vous ferait craquer. Animations, danses, expositions, restauration, driving cinéma, barbier/coiffeur, Musée Porsche, vous avez tout sur place. En parlant d’exposition, quel bonheur de découvrir les camions d’assistance d’époque. BMW profite de la célébration de ses 100 ans pour nous montrer des voitures hautes en couleur.
Passées les sessions club qui n’ont d’intérêt que pour ceux qui y participent, il y a de quoi se régaler avec les six plateaux organisés selon les années de production des bolides. Cela commence avec le plateau 1 (1923-1939) puis s’enchaînent le 2 (1949-56), le 3 (1957-61), le 4 (1962-65), le 5 (1966-71) pour finir avec le 6 (1972-81). Mais cette année, cerise sur le gâteau, nous avons enfin la chance de découvrir le groupe C, dit “Racing”, des monstres ayant couru au Mans dans les années 80-90.
C’est donc sur les qualifications de ce groupe que tous les yeux étaient braqués le vendredi midi. Nous qui avions déjà adoré les différents plateaux, le 6 ne pouvait que nous enchanter. Mais quand Porsche 962 et 962C, Mercedes C11, March 84 et 85G, Rondeau M382, Jaguar XJR-12 et 16, ainsi que les japonaises Toyota 85C et Nissan RC93, ou encore le célèbre V10 strident de la Peugeot 905 déboulent, les poils des bras se dressent. Les passages en courbe de ces machines sont démoniaques. En les observant de près, on se demande comment de tels bolides pouvaient tenir 24 heures. Et surtout comment les pilotes résistaient dans de telles conditions. Saluons au passage les mécanos, l´assistance et les commissaires pour leur travail remarquable. Avec ce plateau, on se retrouve plongé dans le passé, pour moi mon adolescence, dans une ambiance hallucinante. C’est comme vivre un rêve éveillé imaginé il y a plus de vingt ans et que l’on aurait presque oublié.
J’ai pu approcher de grands noms et des pilotes célèbres tels que Romain Dumas, Jochen Maas, Henri Pescarolo, Jean Ragnotti, Emmanuel Collard, Paul Belmondo et j’en passe tant ils sont nombreux. D’autres sont de la partie, moins célèbres pour le grand public, mais souvent présents sur les circuits depuis des décennies. Tous sont d’une incroyable simplicité et tellement abordables que je ne peux que saluer leur véritable passion pour le pilotage. Et quel pilotage !
Dans les stands, c’est souvent l’effervescence. Mais c’est extraordinaire de voir Monsieur Pescarolo, son célèbre casque vert sur la tête, faussement détendu, se concentrer avant de prendre la place de Julien Beltoise dans le baquet de l’Inaltera à moteur V8. A quelques mètres, Jean Ragnotti, debout, souvent les bras croisés, proche de son mécano chargé de placer son baquet à sa morphologie, bout d’impatience de prendre le volant de l’Alpine Renault A443 tout en acceptant de bonne grâce de se laisser photographier. Romain Dumas est, lui, heureux de rouler une magnifique Porsche 962 préparée par Manfred Freisinger, mais hélas, déjà lors les qualifications, il m’avoue sentir que son moteur n’est pas à sa pleine puissance, perdant bien 40 ch dans la ligne droite des Hunaudières. Le lendemain, il ne fera qu’un tour et rentrera au stand, préférant ne rien casser, déçu mais encore les yeux brillants de sa victoire aux dernières 24 Heures du Mans.
Le Mans Classic permet de se retrouver et de nouer des contacts, d’approcher jusqu’à toucher, entendre et sentir les marques les plus mythiques comme les plus sympathiques. Il y en a pour tout le monde. Au gré de mes journées, je discute avec le Prince Rahim Aga Khan, très passionné, qui roule dans le plateau 2 avec une belle Porsche 356 pré A de 1952, la N°65. Son joli coup de volant lui permet de monter sur la troisième place du podium. Dans le même plateau, je fais la connaissance d’un breton fort chaleureux, Vincent Tourneur. N’ayant pas l’usage de ses jambes, c’est à bord de la N°66, une Porsche 356 Speedster Pr-A de 54 équipée pour lui, qu’il participe. Sa voiture possède une poignée à gauche sous le volant lui permettant d’accélérer et de freiner. L’embrayage est accouplé au levier de vitesse. Ce Monsieur a de l’humour jusqu’à faire inscrire sur sa voiture “sans les jambes !”, je lui suggérerais volontiers d’ajouter “mais quel pied”, surtout avec sa belle 5ème place.
Dans le plateau 6, j’ai pu revoir Marc de Siebenthal qui avait terminé 2ème avec Stephen Meyers il y a deux ans, toujours à bord de la magnifique Porsche 935 numéro 36. Cette année ils finissent 11ème. Egalement dans le 6, je peux suivre une pure Suissesse. Je parle voiture, la fameuse “Toblerone”. Cette magnifique Porsche RSR de 3 litres couru Le Mans en 1974 et 1975 dans cette configuration puis en 1977 avec un moteur turbocompressé. C’est Didier Denat qui fait revivre aujourd’hui cette beauté. Il me confie que l’extraordinaire avec cette voiture sont sa puissance de freinage et son adhérence. Il termine à une honorable 6ème place. Soulignons encore la victoire du genevois Bernard Thuner dans le plateau 5 à bord d’une Lola T70 Mk II de 1968. Cela se joue dans un mouchoir de poche et ce sont d’ailleurs trois Lola T70 qui se retrouvent sur le podium.
Entre les différents plateaux, il y a le Little Big Mans, une “épreuve” réservée aux enfants qui peuvent ainsi goûter aux joies du pilotage à bord d’autos “taillées” sur mesure. Sympa. Juste avant le départ, on peut lire sur leurs visages la même appréhension que chez les grands.
Il n’y pas beaucoup de mots pour décrire le Mans Classic. Quelques qualificatifs tout au plus, comme majestueux, monstrueux, merveilleux, magique, enchanteur, envoûtant, et même ensorcelant. Mais le mieux c’est encore d´y aller, de le vivre au moins une fois dans sa vie. Ce n’est que du bonheur, une parenthèse qui vous fait tout oublier et qui vous rappelle que la vie est belle. Paradoxalement, vous dormez peu mais vous repartez plein d’énergie. Merci aux organisateurs et à tous les participants.