21 August 2023
2023-08-21
Organisé par Peter Auto depuis 2002, Le Mans Classic vient de clôturer sa onzième édition sous le signe du centenaire de l’épreuve mancelle. Cette édition très attendue s’est déroulée du 29 juin au 2 juillet avec un record d’affluence.
Texte et photos : Xavier Bais
Le Mans Classic est normalement réservé aux voitures construites jusqu’en 1981. Mais cette année, l’allongement du rassemblement et la célébration du centenaire ont permis d’inviter d’autres plateaux et d’accueillir une parade unique : celle d’un siècle regroupant les voitures les plus marquantes des 24 Heures du Mans. Wheels And You y était. Flash-back.
Départ aux aurores de Genève. Passant par Paris, il y avait foule au péage de St-Arnoux avec bon nombre de MG, Jaguar Type E, Porsche 356, 911, 914, berlinettes A110 et j’en passe, allant toutes vers une même destination : le circuit sarthois.
A l’arrivée, rien n’a changé ou presque. Tout se fait en douceur, que ce soit dans les parkings, les campings, les paddocks ou dans le village. Dès le jeudi, le ton est donné. Les passionnés sont impatients de découvrir les six différents plateaux : de 1923 à 1939, de 1949 à 1956, de 1957 à 1961, 1962 à 1965, 1966 à 1971 et de 1972 à 1981. Le nombre maximal de voitures par plateau est de 82 ; ce sont donc 492 voitures éligibles qui se relaieront pendant le week-end.
Dès l’aube, je me dirige vers les paddocks. Il y règne un silence impressionnant. Il y a quelque chose de jouissif à se retrouver au milieu de tous ces bolides. C’est un véritable musée à ciel ouvert. Je me sens comme un gamin au milieu d’une pâtisserie, je ne sais plus où regarder. Je passe de l’une à l’autre avec un regard admiratif sur ces créations des constructeurs de l’époque, redécouvrant des autos qui ont marqué mon esprit et que je revois avec plaisir. Le temps passe et déjà quelques mécanos s’affairent aux dernières vérifications.
8h00, la piste est libre et les Clubs ouvrent la danse. Les parades et baptêmes se succèdent. Les choses sérieuses commencent avec les essais qualificatifs du Groupe C Racing. Le règlement de ce Groupe a engendré des voitures mythiques qui ont écrit quelques-unes des plus belles pages du Championnat du Monde d’Endurance, notamment entre 1982 à 1993. Ce groupe est considéré par beaucoup comme le véritable âge d’or de l’endurance avec notamment les Porsche 956 et 962, Jaguar XTR9 et XJR-14, Mazda 787b, Mercedes C9, Peugeot 905 et autres Toyota TS010. Toutes nous ont fait rêver. Au début des années 80 et malgré la valeureuse résistance des Lancia LC2, nous assistions à l’hégémonie des Porsche 956. Heureusement, la compétition a redoublé avec l’arrivée des grandes marques que sont Mercedes, Jaguar, Toyota, Nissan et Mazda, sans oublier les « petits artisans constructeurs » comme Rondeau, Cougar, Dome, Spice ou WM. Ces derniers pouvaient encore s’illustrer grâce à une interprétation habile d’un point du règlement technique : la stricte limitation de la consommation de carburant. Le vrombissement de ces « monstres » qui résonne entre les gradins me donne toujours la chair de poule. Il faut le vivre une fois dans sa vie.
10h30, nous assistons aux essais qualificatifs du « Benjafield’s Racing Club » qui porte le nom de l’un des premiers « Bentley Boys » vainqueur des 24 Heures du Mans en 1927 au volant d’une Bentley 3 litres Supersport. Le centenaire tenait à honorer Bentley qui a marqué Le Mans de ces cinq victoires dont trois consécutives durant les années 20. Pour l’occasion, cette série réunissait une cinquantaine de bolides d’avant-guerre, des 3 l Sport, 4.5 l Tourer et autres Speed-Six nous rappelant que Bentley était l’un des constructeurs automobiles les plus célèbre d’avant-guerre.
11h15, entre en piste la « Porsche Classic Race Le Mans » pour ses qualifications, un groupe célébrant le record de 19 victoires détenu par le constructeur allemand. Pour l’occasion, Porsche France et Peter Auto ont réuni un plateau exceptionnel de plus de 70 Porsche allant des premières 911 (901/1965) aux monstrueuses Porsche 935 de 1981 dont les versions les plus puissantes dépassaient les 800 chevaux.
12h10, c’est au tour de l’Endurance Racing Legends. Après avoir été un simple plateau de démonstration en 2018, l’ERL se joint dorénavant aux plateaux historiques avec une épreuve qualificative spectaculaire. Cette année, on a exceptionnellement pu découvrir des GTs et prototypes des années 1990 et début 2000. Plus de 70 voitures se retrouvent en piste avec entre autres une Pescarolo C60 (2006), une Toyota GT-One (1999), une Dallara SP1 (2002), des Aston Martin DBR9 (2006), une Bentley Speed 8 (2003), une Cadillac Northstar LMP-01 (2000), une Dodge Viper GTS/R (2002), deux Porsche GT1 (1998), plusieurs Porsche 993 GT2 Evo (1999) et 997 GT3 RSR (2009), des Ferrari 333 SP (1999), 550 Maranello Prodrive (2002) et F430 GTC Evo (2009), une Lola-MG EX257 (2004), une Lotus Elise GT1 (1996), une Maserati MC 12 GT1 (2005), une Panoz Esperante GTR1 (1998) et j’en passe. Avec ce nouveau plateau, le Mans Classic est entré dans une nouvelle ère, celle des GT1, GT2 et autres LMP1, LMP2. Ce fut un énorme succès.
13 heures, nous assistons aux qualifs successives des 6 plateaux avec un départ toutes les 50 minutes jusqu’à 19 heures. Dans les paddocks, Bruno Vandestick, l’animateur emblématique des 24H, mène des échanges truffés d’anecdotes entre Peter Auto et quelques anciens vainqueurs dont Gérard Larrousse, Eric Hélary, Jürgen Barth, Vanina Ickx ou Emanuele Pirro, pour le plus grand plaisir des spectateurs présents.
Après 19h, les clubs paradent à nouveau avant l’entrée en piste des essais qualificatifs des groupes C Racing, Porsche Classic Race Le Mans et Endurance Racing Legends. Et la nuit tombe… C’est magique de voir le soleil se coucher sur le circuit au son des 6 cylindres ou autres V8, V10 ou V12. Il est déjà 22h30…
Les plateaux 1 à 6 roulent de nuit jusqu’à 3 heures du matin pour leurs essais libres. Il bruine. Cette pluie fine qui vous trempe jusqu’aux os. Mais il en faut plus pour arrêter la passion qui anime participants et spectateurs. Parallèlement, la fête bat son plein dans les campings et le village. 4h du mat, trempé, il est temps d’essayer de fermer l’œil, le corps meurtri de fatigue et la tête saturée de cette ambiance unique.
D’ailleurs, il n’y pas que la piste et les paddocks au Mans Classic. Ce sont plus de 150 exposants qui sont regroupés dans le village et proposent T-shirts, modèles réduits, tableaux automobiles, vêtements, pièces mécaniques mais aussi et surtout de belles automobiles (Alfa Romeo, McLaren, Bentley, Ferrari, Renault, BMW, De Tomaso, etc.). Restaurants, food trucks, orchestres, piste de dance et cinéma drive-in, tout est là pour le plus grand plaisir des passionnés.
Samedi 1 juillet à 8h00, les Clubs ouvrent le bal et paradent. Le temps est couvert. Je suis sur la piste pour la première course à 9h30 : l’Endurance Racing Legends. Départ en pneus slick mais la pluie s’invite. Pour éviter un remake des dernières 24H où nous avions assisté à des figures dignes d’Holiday on Ice, l’organisateur propose un arrêt aux stands pour chausser des pneus pluie. Porsche en profite pour parader et faire rouler toutes celles qui ont marqué les 75 ans de la marque, la 901 en tête. Les pilotes reprennent leur course et c’est la Pescarolo C60 qui s’impose avec Emmanuel Collard au volant, heureux de rendre hommage à Henri Pescarolo présent dans les stands. Puis les courses s’enchainent : Porsche Classic Race Le Mans avec de beaux duels, groupe C Racing remportée par Maris Erik au volant de la Peugeot 905 Evo Bis.
Après 13h, avec un peu de retard, on assiste à la parade des vainqueurs au Mans. Encore un moment magique où entrent en piste voitures et pilotes ayant marqué cette mythique course d’endurance. Pour l’occasion, certaines voitures sont même sorties du Musée des 24h du Mans. Quel plaisir de retrouver Henri Pescarolo sur sa Matra victorieuse en 1972, Gérard Larousse sur la Porsche 917 LH, Emmanuel Collard, Emanuele Pirro (Audi R8), Eric Hélary (Peugeot 905 Evo 1B), Yannick Dalmas, Toine Hezemans, Tomas Enge, Soheil Ayari…
Suit la course de 45 min du Benjafied’s Racing Club avec un départ type « Le Mans ». Olive Morley sur la Bentley 4.5 l part en tête et ne lâche rien jusqu’au drapeau à damier, non sans batailler avec Martin Overtington et sa Bentley Blower qui aurait pu gagner si une panne mécanique ne l’avait stoppé à 2 min de l’arrivée. Car c’est aussi ça le Mans Classic : aucune course n’est acquise avant d’avoir franchi la ligne d’arrivée.
15h45, nous assistons à un grand moment lors du départ du « Little big Mans » : 56 voitures modèle réduit à moteur thermique et une centaine d’enfants heureux le temps d’un instant de se prendre pour leur idole ou celle de papa. Rafael Nadal et Didier Drogba sont là pour assister au départ des enfants en formation type Le Mans qui sont acclamés par une foule de spectateurs enchantés.
16h30, on enchaine avec la course du plateau 1, toujours avec un départ façon Le Mans. On est alors vraiment dans un autre siècle. Je suis toujours émerveillé de voir ces bolides des années 30 passer à fond et atteindre pour certains les 160 km/h dans la ligne droite des Hunaudières.
Les courses sont lancées et les différents plateaux se succèdent jusqu’au petit matin. Les premières courses de chaque plateau jusqu’à minuit puis les deuxièmes jusqu’à l’aube. Dès 7h00, c’est une exceptionnelle course sprint de trente minutes du Groupe C Racing puis dès 8h00, les troisièmes et dernières courses des plateaux 1 à 6. 14h30, c’est la remise des prix du Little Big Mans et du Mans Classic. Je vous passe la liste des vainqueurs que vous pouvez aisément trouver en ligne. 15h20, c’est la der qui sonne avec la course de l’Endurance Racing Legend. J’en profite jusqu’au bout et à 17h00, les portes se referment.
Dernier passage obligé, boire un café dans le bar à l’entrée du circuit, récemment racheté par l’ACO. Bon vent à toi Jeannine qui a tenu ce bar durant 46 ans dans la joie et la bonne humeur. Un rapide passage par le Musée des 24H qui a réuni pour l’occasion nonante voitures exceptionnelles ayant participé à l’épreuve et il est temps de prendre la route du retour, non sans un brin de nostalgie.
Clap de fin pour ce Mans Classic 2023 sous le signe du centenaire. Un week-end record qui a vu défiler 235’000 spectateurs venus contempler l’histoire du sport automobile avec près de 900 pilotes et plus de 800 voitures de course de 1923 à 2010. Sans compter les 9’200 véhicules toutes marques confondues exposés par les nombreux clubs présents.
Après deux jours et demi à s’enivrer de sons, d’images, d’odeurs et de rencontres sur ce mythique circuit de la Sarthe, nous nous sommes promis d’y retourner. Ce sera pour juin 2025. Deux ans à attendre. Mais mon sac m’attend déjà et peut être même un casque et une combinaison…