26 September 2016
2016-09-26
Après plusieurs années sans réelles vacances et alors que je travaille dans le monde infini des systèmes d’information, je rêvais d’un break et d’une villégiature différente en plein mois d’août. Un peu par hasard, un peu par opportunisme, j’ai pu profiter d’un billet pour Cousine Island. Laissez-moi vous emmener sur cette île à la fois sauvage et paradisiaque.
Texte et photos : Tony da Silva
Adolescent, j’ai lu un livre qui m’a profondément marqué : Vendredi ou les limbes du Pacifique, de Michel Tournier, sorti en 1967. L’auteur avait alors remporté le Grand prix du roman de l’Académie française et l’ouvrage est devenu un classique de la littérature française. Au-delà des jolies cartes postales composées d’îles perdues baignant dans une eau turquoise, ce livre m’avait persuadé qu’une île déserte, c’est le sommet du luxe et de l’habitat naturel au sens large.
Ça, c’était avant. Depuis, la vie est passée par là et même si j’aime, à l’occasion, un barbecue au bord d’un lac ou sur une montagne avec du bois trouvé sur place, j’aime surtout me retrouver dans un bon lit plutôt que dormir sur un tapis de feuilles. J’apprécie de m’assoir sur des toilettes plutôt que de faire mes besoins en pleine nature et, je l’avoue, j’adore manger une délicieuse assiette concoctée par un chef plutôt qu’une maigre pitance basée sur mes capacités enfouies dans mon ADN, du temps de mes ancêtres chasseurs-cueilleurs, il y a 5’000 ou 10’000 ans.
Le voyage
Située dans l’archipel des Seychelles, Cousine Island ne bénéficie pas d’un aéroport et encore moins d’un port. Techniquement, vous pouvez vous y rendre en bateau depuis Mahé, mais le trajet prend presque 2 heures et l’arrivée est des plus sportives (j’ai testé avec un départ et retour pour une après-midi de plongée)… Cette île de quelques kilomètres carrés bénéficie tout de même d’un petit héliport situé au bord de la mer et, depuis Mahé, le trajet est effectué en seulement 15 minutes. L’autre avantage de ce mode de transport, c’est qu’en quelques instants, on passe de la civilisation à une île sauvage. Le dépaysement est rapide et radical.
A l’atterrissage, le personnel de l’île vient vous chercher, vous et vos bagages, avec de petites voiturettes de golf. La première chose qui marque dès que les pales de l’hélicoptère s’arrêtent, c’est le silence, ou plutôt le bruit de la nature qui prend le dessus. C’est d’abord les vagues qui viennent s’écraser sur la plage puis les chants des oiseaux. Et des volatiles, il y en a ! En tout, quelques cent quarante mille… Et août, c’est la période de nidification.
L’infrastructure
Direction le pavillon pour un petit apéritif de bienvenue, un massage des pieds, puis nous sommes conduits jusqu’à la villa présidentielle. C’est le plus grand des cinq logements, il peut accueillir quatre personnes dans un espace très confortable, séparé par un vaste salon exposé plein ouest. Le tout donne sur une vaste terrasse ombragée débouchant sur une large piscine à débordement et, à quelques dizaines de mètres, il y a la mer.
La villa n’a pas 6 mois et elle a déjà reçu quelques invités de marque comme des acteurs, chanteurs ou autres personnalités du showbiz qui sont tous à la recherche de la même chose : une discrétion absolue. Pour les curieux, le livre d’or atteste de quelques visites hautes en couleur. En effet, à l’exception d’une vingtaine d’employés à temps plein, l’île est privée. L’ensemble des cinq villas peut accueillir jusqu’à 12 personnes et vous pouvez également réserver toute l’île, même si vous n’êtes que deux. En d’autres mots, vous pouvez venir ici en famille ou avec quelques amis et vivre en autarcie complète pendant la durée de votre séjour.
Un dernier mot sur la villa présidentielle ainsi que les autres villas : elles offrent des volumes importants et tout le confort voulu. Ceci dit, niveau décoration et mobilier, les propriétaires ont opté pour un style un peu artificiel et désuet sous la forme d’une déco victorienne… Personnellement, je trouve l’ensemble un peu lourd, voire un peu inconfortable, à l’exception du sommier qui dispose d’une literie irréprochable. Heureusement, la terrasse bénéficie d’un traitement un peu différent et c’est tant mieux, car c’est là que nous allons passer le plus clair de notre temps.
Quoi faire ?
Vu la petite taille de l’île (moins de 5 km2) et vu sa nature privée, beaucoup m’ont demandé “mais vous avez fait quoi là-bas ?”. La question est légitime et, à ce stade, elle mérite une clarification. L’île est avant tout une réserve naturelle et privée, ce qui signifie que si vous êtes à la recherche de plages bondées, de cantines gargantuesques ou de discothèques sur le sable, cet endroit n’est pas fait pour vous. Ici, vous pouvez marcher sur deux kilomètres de littoral où, à l’exception de tortues géantes, de crabes et d’oiseaux, vous ne croiserez personne.
Idem aux repas que vous pouvez prendre à la villa ou au pavillon, vous serez seul et il n’y a pas de menu… A la fin du petit déjeuner, du déjeuner ou dîner, le chef vous demande ce que vous voulez manger au repas suivant. C’est à la fois déroutant, parce que lorsque je j’ai terminé un succulent repas, je ne pense pas forcément au prochain et, fondamentalement, je ne sais pas ce qu’il est possible de demander. Mais notre Chef a une réserve inépuisable et fait preuve d’une inventivité à toute épreuve, y compris pour réaliser un pain sans gluten pour l’un d’entre nous.
Alors, bien entendu, je pense qu’il n’a pas de quoi faire une fondue ou raclette, mais avec une température moyenne de 28 degrés, ça ne risque pas de me manquer. En revanche, au niveau poissons, crustacés et autres salades exotiques, c’est à chaque fois délicieux et original.
À l’exception de divinement bien manger et de lézarder au bord de la piscine ou sur la plage, quelles activités sont proposées sur cette île ? Il y en a plusieurs, mais là encore, elles sont limitées à la configuration du lieu. Pour commencer, une petite visite à pied avec une spécialiste de la faune vous permettra de mieux connaître les habitants de cette île, y compris de croiser une espèce rare appelée Magpie Robinson. D’une vingtaine d’exemplaires il y a vingt ans dans le monde, ils sont aujourd’hui plus de deux cents, dont trente sur cette l’île. En réalité, ils sont désormais trente et un car, pendant que nous étions sur place, la guide a partagé sa joie avec nous, puisqu’un oisillon est apparu sans bague à la patte, signe que l’espèce n’est plus “en danger imminent de disparition”, mais juste “en danger”.
L’île n’héberge aucun prédateur et tout ce beau monde cohabite sans beaucoup se soucier des humains. Mieux, certaines tortues géantes de plus de deux cents kilos et âgées de cent ans ou plus n’hésite pas à venir vers vous pour mendier caresses ou fruits. Idem pour les oiseaux ou lézards pour qui l’attraction, c’est vous, et qui ne déguerpissent que quand vous êtes à moins de quelques centimètres. S’il est facile de se balader, il y a des parties de l’île difficiles d’accès à cause de la végétation ou des saillies granitiques de la terre.
Côté mer, il est possible de faire de la plongée et des tours en catamarans, mais attention à la période, cet exercice est sportif au mois d’août (hiver) à cause des vagues et des courants. Je répète que l’île est dépourvue de port ou débarcadère, ce qui rend la mise à l’eau ou le débarquement particulièrement sensible car il faut prendre la bonne vague… Mais le staff est habitué et, à l’exception de quelques embruns rafraîchissants, vous ne courez aucun risque.
Bref, pour quelques jours, il y a largement de quoi s’occuper et le Butler dédié à la maison est toujours là pour vous apporter une boisson, un cocktail, ou répondre favorablement à vos besoins.
Conclusion
L’île est détenue par un privé qui y vit dans une spacieuse maison et qui est excessivement discret. Son but n’est pas de gagner de l’argent avec ce projet, mais de financer les opérations de l’île pour la préservation des espèces et il y a beaucoup à faire, du laboratoire en passant par la nurserie et l’entretien des infrastructures dans un environnement sauvage. A ce sujet, le propriétaire envisage en ce moment de remplacer la bruyante (inaudible depuis les maisons) et polluante génératrice d’électricité par des moyens plus respectueux de la nature .
Dans les conseils pratiques, je recommande d’éviter août car c’est la période de nidification de milliers d’oiseaux et c’est passablement bruyant… Sans parler des déjections ! Hors frais d’hélicoptère et de voyages, privatiser l’île pour une semaine vous coûtera EUR 120’000.- en basse saison et EUR 210’000.- à la haute saison. Depuis peu, il est également possible de louer uniquement une villa, au risque d’avoir à occuper le lieu en compagnie d’autres visiteurs… Mais rassurez-vous, vous ne serez jamais plus de 12 à vous partager l’île de Robinson Crusoe.
Pour le reste, vous l’avez compris, j’ai été littéralement charmé et happé par ce séjour. Le temps s’est comme arrêté en attendant notre départ. Tout y est idyllique, avec un staff extrêmement serviable, même si le service à table n’est pas toujours parfait. A ce sujet, le fait de pouvoir commander à l’avance ses boissons récréatives ou préférées m’a passablement aidé dans le choix des vins par exemple. En résumé, le véritable luxe de cette expérience n’est pas, selon moi, à chercher du côté du nombre de personnes à votre disposition, de la qualité des meubles, de l’épaisseur des tapis, ou de savoir si le vaisselier est composé de la plus belle porcelaine qui soit. Non, le luxe de cette île, c’est qu’elle vous appartient pendant votre séjour et que c’est vous qui êtes le maître du temps.
Nos plus grands remerciements à tout le staff de Cousine Island Company Limited ainsi qu’à Julie Gauthier.