Loisirs – GP de Monaco avec Renault F1 pour le lancement de la Mégane R.S. Trophy-R
Bien qu’il y ait le Grand Prix de France au Castellet, la manche de Monaco est traitée par Renault comme une course à domicile. En effet, la firme se sert chaque année de cette vitrine hors normes pour dévoiler un prototype ou un nouveau modèle quand elle ne fête pas un jubilée avec une parade. La marque au losange nous a invité cette année aux premiers tours de roue de la plus extrême des Mégane, la R.S. Trophy-R.
Texte : Patrick Schneuwly / Photos : James Moy Photography Ltd, Patrick Schneuwly
N’en déplaise à ses détracteurs, Renault et surtout sa branche Renault Sport est une marque qui ose. Un V6 dans une Clio vendue de série ? Un petit cabriolet biplace ? Une voiture à l’esthétique discutable, sans climatisation ni radio mais un capot carbone et en option un échappement titane ? Toutes vendues dès leur sortie. Pour une marque qui porte une étiquette grand public, il faut avouer qu’elle sait se diversifier et se faire remarquer !
Dans le sport automobile, Renault est aussi très active : 24 Heures du Mans, monoplace de la petite F4 à la prestigieuse Formule 1, rallye dans de nombreuses catégories, voitures de tourisme avec la Clio Cup, la Mégane Trophy et j’en passe. Pour vivre cette passion au cœur de l’action, Renault nous a convié au Grand Prix le plus célèbre de la saison à Monaco. La marque au losange profite souvent de l’occasions pour montrer une nouveauté. En 2018, la Mégane 4 RS Trophy a fait ses premiers tours de roue devant le public avec son camouflage, en 2017 c’était la RS standard. 2016, la Clio RS16 avait cet honneur avant l’abandon du projet.
Le Grand Prix de Monaco
Un circuit de F1 sur un territoire de 2km2 c’est forcément particulier. Circulation chaotique, promiscuité, accès restreint et fermeture temporaire pour cause de passage de Formule 1 en chasse du meilleur chrono, on se déplace plus facilement à pied dans un dédale de rues piétonnes bondées.
De partout ont poussé des échoppes proposant du merchandising officiel. Les terrasses des bars sont ouvertes et il règnerait presque une ambiance de fête du village. Dans ce contexte, imaginez un supermarché de taille respectable dont l’entrée est condamnée par la ligne droite de départ et qui fait passer tous les clients par sa petite porte de service sur le côté. La vie du Rocher est bel et bien mise entre parenthèses le temps du Grand Prix.
Renault nous accueille chez l’habitant, enfin presque. Les autochtones préfèrent parfois louer leur logement le temps d’un week-end prolongé pour prendre leurs distances de cette pagaille. Vidé de ses meubles, un appartement au 8ème étage nous accueille le long de la ligne de départ. Du balcon, on a une vue sur la grille, la sortie du tunnel, le gauche du bureau de tabac, la chicane de la piscine ainsi que l’entrée de la Rascasse et la sortie du virage Anthony Noges. À notre arrivée les F1 roulent déjà, petite déception le vacarme n’est pas assourdissant, les plus bruyantes seront des coupés 6 cylindres à plat, c’est dire !
Nous nous déplaçons maintenant jusqu’à la Pitlane du circuit qui, étonnamment, ne le longe pas la ligne de départ, mais la partie opposée du circuit après la piscine. Les équipes de F1 se voient allouer chacune un garage double sur trois niveaux en construction mobile. Les 60 personnes autorisées par la FIA par équipes et par courses se concentrent dans ce petit bâtiment, ce qui impose d’avoir une équipe qui travaille simultanément ailleurs.
Logiquement les voitures sont au rez-de-chaussée, au premier étage travaillent tous les techniciens qui opèrent pour le succès de la course en cours. Normalement on les retrouve sur le muret des stands et à l’arrière d’un garage classique. Au 2ème étage se trouve un petit salon avant une salle de contrôle avec une douzaine d’ingénieurs qui surveillent l’acquisition des données en direct.
24 personnes font la même chose en direct depuis le siège anglais de Enstone où les données arrivent plus vite que les images TV. Un troisième bureau reçoit ces données à Viry Chatillon, chez Renault Sport Racing, pour avoir le support de toute l’usine pendant un week-end de course. Ces gens n’influent pas sur le run en cours mais aideront à la mise au point du setup du run suivant.
Pour ne pas paralyser la ville trois jours durant, les essais libres sont avancés au jeudi et notre visite a lieu durant et après la deuxième séance. Lors du Free Practice 1, Hulkenberg et Ricciardo montrent des chronos encourageants, avec respectivement une 7ème et une 11ème place. Après mise au point, la deuxième séance d’essais libres rend son verdict : 16ème et 17ème.
Le débriefing d’après course s’éternise, nous aurions dû rencontrer les ingénieurs plus tôt et ce sont des techniciens fébriles qui nous rejoignent pour une séance de questions/réponses légèrement retardée. A la question “Que s’est-il passé ?” les réponses sont d’abord vagues, avant de se préciser. Le moteur les préoccupe le moins, il est performant et montre une fiabilité satisfaisante. La Renault pêche en revanche par son aérodynamique qui peine à fournir autant d’appui que ses concurrents.
Les nouveaux pneus Pirelli posent aussi quelques problèmes à Renault. Pour chaque course, ils doivent commander 13 trains avec 13 semaines d’avance. Et bien que toutes les équipes aient pris les plus tendre, la fenêtre d’utilisation de ces gommes ainsi que leur méthode de chauffe ne sont toujours pas parfaitement maîtrisées par l’équipe française.
Rendez-vous est pris pour le Grand Prix de France, un mois après Monaco, avec une course au Canada entre-deux, pour voir une “nouvelle” voiture sur la piste. Renault place de grands espoirs sur cette évolution majeure de sa voiture pour jouer sa quatrième place au championnat, tel qu’annoncé comme objectif en début de saison.
A la suite de la mise au point d’après séance 2, les Renault ont pris les 11ème et 12ème place. Puis en qualification, Ricciardo passe devant son coéquipier pour participer à la Q3 et signer un 7ème temps. Hulkenberg restera sur le seuil de la porte avec un 11ème temps.
Lors de la course, Leclerc (Ferrari) fera un début de course épique en réussissant plusieurs dépassements, puis sera contraint à l’abandon après avoir touché Hulkenberg sur une manœuvre de dépassement à la Rascasse. S’en suivra un pneu explosé qui endommagera sérieusement le fond plat de sa voiture, la rendant inconduisible.
A l’avant, Verstappen manquera de s’accrocher avec Bottas lors de l’arrêt au stand puis, en deuxième partie de course, Hamilton rencontrera des problèmes d’usure sur ses pneus et ne manquera pas de s’en plaindre par radio à son équipe. Ce qui laissera à Verstappen l’opportunité de remonter sur le britannique et lui mettre la pression. Une première attaque aura lieu au virage 6 puis de nombreux tours plus tard ils se toucheront à l’entrée de la chicane.
Le néerlandais terminera en deuxième position, mais suite à sa sortie hasardeuse dans la voie des stands devant Valtteri Bottas, il écope de 5 secondes de pénalité et cède la deuxième marche du podium à un Sebastian Vettel pas étincelant mais propre et régulier durant toute la course.
Interview avec Jérôme Stoll et Alain Prost
Cette visite à Monaco c’est aussi l’occasion pour Wheels And You de discuter avec Jérôme Stoll, président de Renault Sport Cars, et Alain Prost, conseiller spécial Renault F1 Team.
WAY: A notre époque, qu’est ce qui justifie encore de faire de la Formule 1 au regard du budget que cela représente ?
AP: Si je vous demandais quel genre d’action marketing global vous feriez pour atteindre le même résultat, vous auriez besoin de 2 à 3 fois ce budget. Des études internes nous ont en effet montré que la Formule 1 est d’abord une extraordinaire vitrine qui parcourt le monde, mais aussi un laboratoire de développement très intéressant pour la marque. Autre avantage de la Formule 1, et c’est quelque chose que j’avais vécu avec Renault lors de leur tout début dans la discipline en tant que pilote, ce genre de grand projet fédère tous les employés de la marque autour de la fierté de participer à cette aventure. On peut ainsi dire que Renault voit des bénéfices sur 3 tableaux : la communication, le développement technique et la fierté pour l’ensemble de ses employés.
WAY: Actuellement l’objectif de la saison pour Renault F1 Team s’éloigne course après course, qu’est-ce qui vous permet de garder confiance au sein de l’équipe ?
JS: Il faut savoir que nous ne sommes qu’à notre quatrième saison depuis notre retour en tant que constructeur. La conception et le développement d’une F1 est un processus extrêmement long qui est confié à des ingénieurs qui sont difficiles à engager. Certains de nos meilleurs recrutements ne viennent seulement d’arriver à Enstone ou Viry Châtillon après une période de carence de 18 mois. Ils n’ont par conséquent pas encore pu apporter toute leur expertise à la voiture et certaines avancées ne seront compétitives que lors de la saison 2020. Un gros package d’améliorations sera opérationnel à la fin du mois de juin au Castellet et les résultats récents de nos pilotes nous laissent croire qu’en comblant notre retard technique sur la Mercedes, le ciel pourrait bien se dégager à l’horizon.
WAY: En coulisse se discute l’enjeu majeur des règlements 2021 de la discipline, quel rôle joue Renault F1 Team dans ces tractations entre toutes les équipes, la FOA et la FIA ?
JS: Avec un budget de l’ordre de 300 mio. € (ndlr. la marque estime ses recettes à 200 mio. €, ce qui donne une charge effective de 100 mio. € pour le constructeur) nous sommes le plus petit des constructeurs. Cette place nous laisse entre les deux constructeurs d’un côté et les assembleurs qui achètent leur moteur de l’autre. Pour nous l’enjeu c’est de faire fixer un plafond budgétaire aux constructeurs, ce qui permettrait de resserrer les performances des écuries tout en donnant la chance à de nouveaux constructeurs de s’engager avec la certitude de ne pas voir leur budget exploser.
WAY: Que pensez-vous des travaux engagés par Liberty Media pour faire évoluer l’image de la Formule 1, notamment avec la série Netflix?
JS: Ce qu’ils ont fait avec Netflix a mis un coup de jeune à la discipline et a pu faire entrer le sport automobile dans le salon de nombreuses personnes qui ne s’y seraient jamais intéressées. Nous étions d’ailleurs prêts à faire une seconde saison si nous avions reçu des garanties quant au contenu diffusé vis à vis de l’image de la marque. Les quelques images sorties du contexte pour n’appuyer qu’une phrase prononcée des semaines plus tôt sont de l’ordre du divertissement et non plus du documentaire. Nous sommes naturellement favorables à ce genre d’initiatives qui pousse notre sport en avant, toute visibilité supplémentaire est bonne à prendre.
La Renault Mégane R.S. Trophy-R
Rien n’est trop beau pour battre à nouveau le record d’une traction de série autour du Nürburgring, Renault a déployé les grands moyens. Mais surprise, la puissance est identique à la version Trophy dont nous vous proposerons un essai prochainement. Le moteur 1.8 litres turbo développe 300 ch et 400 Nm de couple. Point de boite EDC non plus, on a encore droit à une boîte 6 mécanique.
Renault Sport a fait une grande chasse aux kilos superflus. Comme à l’époque de la R26-R, la banquette arrière est restée sur la chaîne d’assemblage et un échappement complet en titane, ici signé Akrapovic, a pris place sous la voiture. Le capot moteur est partiellement en carbone, tandis que le diffuseur et les roues sont tout en carbone. On avait déjà vu ça sur une Koenigsegg mais pas sur une compacte sportive !
Autre équipement connu des suédois, une suspension signée Öhlins, comme sur la génération précédente. Pour que l’ensemble des masses non suspendues soit cohérent, les très gros freins proviennent de la gamme carbone céramique de Brembo. Le tout chaussé en Bridgestone Potenza S007 offrant un grip exceptionnel pour un pneu homologué.
Dans sa cure d’amaigrissement, la Mégane a perdu deux éléments pourtant importants de sa fiche technique. Présenté en grandes pompes, le 4Control n’est pas proposé sur la Trophy-R. Et l’élément visuellement fort de la face avant, le RS-Vision et sa technologie de LED et de réflecteurs dans le bouclier, ont été sacrifiés pour gagner les derniers kilos qui se cachaient. Résultat, moins 130 kg sur la balance !
En comparant les fiches techniques, on pense la Mégane R.S. un peu en retrait par rapport aux concurrentes, mais sur la route elle ne se laisse de loin pas distancer. Sans faire la course à la puissance, Renault Sport pose un 7’40’’10 à la Nordschleife sous les yeux de Honda qui avait ravi la couronne auparavant. A qui le tour ? Passer son capot devant la française demandera plus que des chevaux supplémentaires. Les hostilités sont à nouveau ouvertes dans l’Eiffel.
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Nos remerciements à Renault Suisse SA pour l’invitation à cette présentation de la Renault Mégane R.S. Trophy-R au sein du team Renault F1 lors du GP de Monaco.