19 September 2018
2018-09-19
S’il est une voiture mythique en Europe, c’est bien l’Alpine A110 « Berlinette ». Elle représente la voiture de rallye reine des années 70, à la fois performante et accessible, mais surtout dont l’esthétique attire tous les regards. Rarement une auto a suscité autant de sympathie durant une cinquantaine d’années, traversant les générations alors même que la marque Alpine disparaissait au milieu des années 90.
Texte : Claude-Alain Ferrière / Photos : Claude-Alain Ferrière, Patrick Schneuwly
Elle est réapparue il y a quelques années au travers de la compétition mancelle et de quelques concepts restés sans suite, Renault cherchant à relancer commercialement la marque Alpine.
La marque le concrétise en ressuscitant l’A110, faisant ainsi renaître la fameuse « Berlinette ». Elle fut présentée dans sa version aboutie au Salon de Genève en 2017, nous l’avions découverte à la fin de l’année dernière et les premières livraisons client sont intervenues à la fin du printemps 2018.
A l’extérieur
Le moins que l’on puisse dire, c’est que les designers Alpine ont réussi un coup de maître. Cela faisait bien longtemps que l’on ne m’avait présenté autant de pouces levés durant un essai !
Il faut dire que la « filiation » ne laisse aucun doute : au-delà de la silhouette semblable, tous les éléments stylistiques distinctifs de la première A110 on été repris : doubles optiques séparées, capot en forme d’obus, nervure centrale venant s’évaser sur l’arrête avant, petit pare-brise arrière recourbé, arrière fin et étroit. Même les lettres A L P I N E ornant l’avant sont identiques.
Il faut mettre l’ancêtre à côté de la nouvelle pour se rendre compte qu’au-delà de la modernisation, l’auto à grandi : plus longue, plus large, elle demeure toutefois à peine plus haute que l’ancienne. Je relève encore que la voiture dispose d’un véritable fond plat qui améliore son aérodynamique.
A l’intérieur
En prenant place à bord de l’A110, la position est presque aussi basse que dans l’ancienne. Les magnifiques baquets monoblocs semblent tout droit sortis de l’univers de la compétition et offrent un maintien idéal.
La planche de bord ne cède pas à la tendance « cockpit d’avion » et demeure plutôt dénuée : elle ne comprend que quelques boutons style aluminium sous l’écran, les trois poussoirs de la commande de boîte, ceux du démarreur, du frein de parking et des vitres sur la console centrale. Les palettes de passage des rapports sont fixes, devant deux commodos classiques et la commande de radio Renault, alors que le volant ne comprend que les commandes du régulateur de vitesse. Les compteurs sont remplacés par un grand écran multifonctions sous une jolie casquette carbone alors que le centre de la planche de bord accueil l’écran multifonction.
Outre les habituelles options GPS, téléphonie, radio et musique, une pression sur le logo Alpine donne accès à « l’Alpine Telemetrics » qui propose pas moins de neuf écrans d’informations sur les performances : température d’eau, d’huile, de boîte à vitesse, d’air à l’admission, chrono tour par tour pour roulage circuit, force centrifuge, puissance et couple instantanés, j’ai rarement vu autant de possibilités !
Bien qu’il soit globalement plutôt bien fini, j’ai tout de même quelques regrets sur cet intérieur. Le dossier des sièges Sabelt, pas suffisamment incliné dans une auto aussi basse et malheureusement non réglable, rend les longues distances plutôt inconfortables. A part un espace sous l’arche de la console centrale, il n’y a aucun vide-poches ou autre rangement dans l’habitacle, pas même des filets derrière les dossiers de siège.
La musique de mon Smartphone n’est pas disponible via Bluetooth, il n’y a aucun affichage des limites de vitesse, les palettes de passage de rapport sont trop dures à actionner à mon goût. Et un peu de véritable aluminium plutôt qu’une imitation plastique n’aurait pas été de trop, mais ça on le constate également sur des véhicules de gamme supérieure. Enfin, la radio Focal s’avère catastrophique en réception, cela autant en FM qu’en DAB : grésillements et coupures permanents me dérangent constamment. Indigne en 2018 !
Alors que le moteur longitudinal de l’ancienne a laissé la place à un ensemble moteur-boîte transversal, les capots avant et arrière proposent désormais chacun un coffre à bagage. A l’avant, deux petites valises « cabine » exploitent tout l’espace disponible, alors qu’à l’arrière on peut rajouter un sac de loisirs ou de sport. Cela permet de partir en week-end à deux.
Sous le capot
Le groupe propulseur provient de Renault : un 1800 turbocompressé à 16 soupapes et injection directe. Il développe 252 ch (185 kW) à 6’000 t/min et un couple de 320 Nm entre 2’000 et 5’000 t/min. Avec 140 ch/l, la puissance spécifique est correcte pour un groupe turbocompressé moderne.
La boîte à vitesse à double embrayage propose 7 rapports soit en mode automatique, soit à commande séquentielle via les palettes uniquement. La suspension est à double triangles superposés en aluminium injecté à l’avant comme à l’arrière. Les freins ont été confiés à l’équipementier Brembo avec des disques bi-matières, des étriers quatre pistons à l’avant et double pistons à l’arrière.
La voiture fait 4.180 m de long, 1.798 m de large et seulement 1.252 de haut. Les jantes sont de 18 pouces, avec des pneus 205 série 40 à l’avant et 235 série 40 à l’arrière. Le poids annoncé est contenu à 1’103 kg grâce à une structure tout en aluminium. Le rapport poids/puissance de 4.37 kg/ch est ainsi favorable et les performances annoncées dignes de la marque : 4.5 sec pour le 0 à 100 km/h et 23.9 sec pour le km départ arrêté.
Durant l’entier de mon essai, la consommation moyenne s’élève à 8.01 l/100 km, avec des pleins variants entre 7.32 et 9.01 l/100 km.
Au volant
Je suis impatient de découvrir cette Berlinette moderne. Une pression sur le gros bouton rouge de la console centrale et le 4 cylindres s’ébroue dans une sonorité sourde. Dès les premiers mètres, ce qui frappe, c’est le bruit de l’admission qui couvre celui de l’échappement. On croirait presque l’auto équipée de bons vieux double-corps !
Deuxième constat tout aussi rapide : l’amortissement est globalement plutôt confortable. La légèreté relative de la voiture est directement perceptible et le couple moteur la propulse aisément alors que la boîte à double-embrayage n’a plus rien à voir avec la génération précédente ; malgré quelques petits délais occasionnels, elle est désormais rapide et précise. Mon seul regret provient de la sélection manuelle des rapports 6 et 7 qui provoque invariablement un patinage de l’embrayage et cela même en mode Sport ou Track.
Toutefois, je constate rapidement que le comportement n’est pas irréprochable. Comme sur l’ancienne A110, lorsque le rythme s’accélère, le train avant cherche un peu la route, sautille de droite et de gauche sur les bosses, provoquant une certaine instabilité de l’auto. Je remarque aussi une très grande sensibilité au vent latéral, un comble pour une auto aussi basse et profilée. Ce train avant « léger » va jusqu’à rendre la mise en appui incertaine, me faisant hésiter à rentrer fort dans les virages, avec pour corollaire un train arrière rivé au sol. Le dernier jour de mon essai, un parcours sur chaussée mouillée confirme mon impression : même sur faible adhérence, l’auto est franchement sous-vireuse. Un comble pour une sportive à moteur central arrière et particulièrement frustrant pour moi qui connaît bien le comportement joueur de l’ancienne ! De plus, la trajectoire change à la remise du couple, le rayon s’ouvrant de manière significative et empêchant de « rendre du volant » à la remise des gaz à la corde. Le phénomène est si marqué que je pense d’abord à un problème de réglage de trains sur mon auto de presse. Mais l’essai d’un autre exemplaire confirme mes sensations. Pour faire survirer l’auto, il faut véritablement brusquer la mise en appui, associant appel – contre appel au freinage avant une franche remise des gaz à l’inscription, tout cela au détriment de l’efficacité évidemment.
Lors de la première présentation de la voiture, Alpine avait précisé ne pas vouloir proposer avec cette nouvelle A110 une sportive pure et dure mais au contraire un véhicule certes exclusif mais utilisable au quotidien. Est-ce là la raison qui mène à ce comportement curieux ? Je n’ai pas la réponse mais reste personnellement dubitatif quant à de tels réglages.
Autre regret : même le mode Track n’entraîne pas la suppression complète des assistances de conduite. Le contrôle de stabilité « s’allège », autorisant une certaine glisse, mais intervient tout de même dès que l’angle de dérive dépasse quelques degrés. Dans ce mode comme dans le mode Sport, la décélération provoque de sympathiques pétaradées à l’échappement et l’amortissement est raidi. Par ailleurs, avec la plateforme et la carrosserie en aluminium, les bruits de roulement sont bien présents ; alliés à celui du moteur qui atteint presque 3’000 t/min à 130 km/h, n’espérez pas des trajets très reposants sur autoroute.
Quant au freinage, il s’avère être l’un des meilleurs qu’il m’ait été donné d’essayer sur une auto de série. La pédale est ferme, la course très faible et aidée par le poids contenu de l’auto, la décélération est impressionnante et facile à doser.
Verdict
Autant le succès de cette nouvelle A110 ne fait aucun doute tant elle suscite la sympathique en faisant renaître le mythe, autant j’avoue rester dubitatif sur le comportement châssis de l’auto. Non pas qu’il soit fondamentalement mauvais mais il ne me paraît pas complètement abouti. L’objectif affiché par la marque de « proposer une voiture qui distille le meilleur du plaisir de conduire, alliant légèreté et agilité » n’est pas complètement rempli.
Si la sensation de légèreté est bien présente, celle de l’agilité est plus discutable avec son comportement trop sous-vireur et sa mise en appui à laquelle j’ai eu de la peine à faire confiance. Certes, il faut pousser cette Berlinette dans ses retranchements pour que ces quelques défauts se manifestent vraiment et seule une minorité de propriétaires s’en rendront sans doute compte. En l’état, l’A110 ne peut rivaliser avec le comportement d’une Lotus Elise ou d’une Alfa Romeo 4C, dommage. J’attendais mieux sur ce point de la part d’Alpine, une marque qui a toujours fait la part belle à la compétition et à la performance.
Mais bravo tout de même à Alpine de faire revivre sa marque par cette auto si attachante !
Alors que les 1’955 exemplaires de la « Première Edition » ont tous rapidement trouvés preneur, l’A110 sera bientôt disponible dans deux nouvelles versions :
– la « Pure » qui se veut la plus fidèle à l’esprit de l’ancienne et favorise les sensations de conduite par un équipement minimum et un poids réduit, dès CHF 61’500.-.
– la « Légende » dont l’équipement est complété pour en faire une véritable petite GT, dès CHF 66’000.-.
Prix et options – Alpine A110 “Première Edition”
Prix de base : CHF 62’000.-
Teinte “Bleu Alpine” : CHF 0.-
Sièges baquet compétition Sabelt : CHF 0.-
Alpine Telemetric : CHF 0.-
(Affichage en temps réel des paramètres techniques)
Système audio Focal : CHF 0.-
Prix TOTAL : CHF 62’000.-
Pour partager vos impressions, rendez-vous sur notre page FaceBook.
Nos remerciements à Renault / Alpine Cars Suisse SA pour le prêt de cette Alpine A110 “Première Edition”, ainsi qu’au Centre Alpine RRG Lausanne à Ecublens pour leur soutien logistique.
Merci également à eux pour le prêt de leur Alpine A110 “Première Edition” blanche, mais aussi à Patrick H avec son Alpine A110 “Première Edition” bleue et Bubus avec son Alpine A110 1300 pour leur participation à notre shooting photos.
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