19 March 2020
2020-03-19
Paradoxalement, alors que l’humanité se questionne de plus en plus sur son comportement global et sa relation avec l’énergie, alors que les masses urbaines font face à des problématiques de mobilités toujours plus grandissantes, l’offre en voitures sportives tous types confondus semble n’avoir jamais été aussi étendue et fournie. Bien installé dans le paysage du quatre-roues, ne comptant plus ses fans, Audi tente d’occuper le terrain de la sportive haut de gamme avec un modèle désormais bien connu, la R8.
Texte et photos : Matthieu Giraudier
Nous, les humains, aimons bien segmenter, compartimenter, organiser, labelliser. Une attitude qui rassure, réconforte, mais surtout qui permet de mettre tout un tas de choses en vis-à-vis, de les comparer, pour mieux les juger ou tout du moins les appréhender entre elles.
Immanquablement, mon premier réflexe est de vouloir placer dans une case la R8 et surtout son itération Performance, qui nous intéresse ici. Est-ce une déjà une supercar ? Un énième bolide vitaminé siglé de quatre anneaux ? Une GT sous une robe de machine de course ? Réponse dans la suite.
A l’extérieur
Indéniablement, le bolide allemand a pour grand atout son esthétique extérieure. Le trait est efficace, les lignes saillantes, les volumes sont ciselés et diablement bien étudiés. La face avant est volontaire et racée, avec un bouclier qui s’inspire depuis la dernière revue stylistique plus nettement de la déclinaison de compétition GT3. Les entrées d’air latérales sont grandes et parcourues de splitters verticaux. La calandre est moins plaquée dans l’ensemble et s’intègre dans une structure anguleuse, la grille « Singleframe », se détachant même du capot de coffre, trois encoches assurant distinctement la transition entre les deux éléments. Ces ouvertures ne sont d’ailleurs pas anodines puisqu’elles sont un rappel de celles placé sur l’Audi Quattro de 1980. Les projecteurs conservent leurs signatures lumineuses, avec une ligne supérieure coudée LED et les matrices LED à laser en deçà.
Le restylage de 2018 est encore plus visible à l’arrière. Si la composition générale est la même, avec un ordonnancement des éléments visuels similaire, il demeure que certaines pièces se sont bien modernisées en matière de design. Seuls les feux ne changent pas de dessin. La grille d’aération est agrandie et s’étale de part et d’autre de la face arrière, arborant un motif nid d’abeille revisité. Le bouclier embarque toujours un diffuseur proéminent et intègre désormais deux demi-cadres saillants dans lesquels se fichent deux massives sorties d’échappement qui en imposent franchement.
De flanc, point de bouleversements : on retrouve les désormais iconiques « sideblades » qui couvrent les entrées d’air moteur. La ligne de ceinture est haute tandis que la ligne de pavillon adopte un trait pur, plongeant harmonieusement vers l’arrière. La version Performance se distingue ici avec son aileron arrière intégralement en carbone.
Si l’ensemble est de bonne facture, je note que certains éléments ont un rendu un peu décevant. Je trouve ainsi que les coques de rétroviseurs sont un peu trop simples et faites d’un matériel peu noble. Les « sideblades » sur notre modèle d’essai, en finition Audi Exclusive titane mat, ne me font non plus pas très bonnes impressions. L’aspect visuel tout comme le toucher renvoient trop à un élément en plastique dur assez quelconque.
On peut clairement ranger la R8 Coupé V10 Performance dans la catégorie des automobiles qui ont de « la gueule ». Elle en jette, elle interpelle, en témoigne le « wow effect » que je peux observer en déambulant çà et là. Les gens aiment la regarder et la pointer du doigt. A titre personnel, je suis clairement réceptif à la proposition des hommes d’Audi. C’est rempli de caractère, racé, avec un petit côté méchant bien maîtrisé. Elle a l’allure d’une supercar et dégage un sentiment d’être une machine de course prête à en découdre.
A l’intérieur
L’habitacle de la R8 s’articule autour de deux sièges, avec un étroit compartiment de stockage en arrière des fauteuils, autorisant le dépôt de menues affaires. Les assises sont de série des baquets habillés de cuir, qu’il est possible de personnaliser avec un alliage cuir et alcantara ou d’opter pour une finition cuir fin nappa surpiquée. En version de série, ils ne sont que partiellement réglables électriquement, en hauteur. La profondeur s’ajuste via une poignée en dessous du siège. Un peu dommage pour un véhicule titrant à minima CHF 229’500.-. Pour avoir la totale, il faudra alors équiper les sièges sport, qui alourdissent la note de CHF 1’890.-.
L’environnement est clairement articulé autour du conducteur, et repose sur deux éléments forts : le « virtual cockpit » de 12,3 pouces, seul écran à bord, et la console centrale inférieure.
Le tableau de bord centralise quasiment toutes les fonctions contrôlables à bord, hormis la gestion du climat, qui est déportée sur la partie supérieure de la colonne centrale. L’interface homme machine s’effectue via le volant Audi Sport ou au travers de la molette centrale, laquelle intègre la fonction d’écriture au doigt. Il est possible de choisir entre deux grands modes d’affichage : l’étendu, qui indique les infos secondaires dans toute la largeur (carte satellite, infos divertissement, gestion du périphérique connecté) ; le mode « conduite », qui met en avant le cadran central affichant vitesse et régime moteur. L’accessibilité à l’information est irréprochable, le tout très ergonomique, il est très compliqué de trouver à ce système un quelconque défaut.
Le volant Performance, qui équipe de série cette R8, est de très bonne facture. Intégralement recouvert d’alcantara, il regroupe toutes les commandes vitales. Outre les usuelles commandes d’infodivertissement, il est ainsi possible de changer de mode de conduite sur pression d’un bouton, le mode « Hypersport » ayant son déclencheur dédié avec le lequel on peut affiner le niveau de désactivation des aides en choisissant parmi les modes « Snow », « Wet » ou « Dry ». Comportant un méplat, sa jante se prend bien en main ; elle est d’un gabarit moyen, voire un léger trop grand pour un habitacle si peu volumineux. En effet, logiquement, l’espace à disposition est réduit au minimum et les grandes comme les larges statures s’y sentent très rapidement à l’étroit. Les sièges baquets de série sont d’un confort correct mais en rien exceptionnel. Le maintien latéral est quant à lui très bon.
Point anecdotique mais toujours intéressant à préciser, la capacité d’emport du coffre avant est très limitée. Elle autorise un chargement de 112 litres seulement, soit deux sacs à dos bien remplis ou une petite valise cabine.
La configuration mise à disposition propose divers inserts en carbone, disséminés un peu partout dans l’habitacle, lequel ajoute un petit effet sport ma foi assez plaisant. Il demeure qu’au global, l’allure est terne et franchement monochrome. Gage de sobriété pour les uns, c’est à titre personnel l’expression d’un peu de trop de simplicité et d’un certain manque de prise de risque. Le catalogue autorise bien quelques originalités, trop peu nombreuses et surtout classées aux options Audi Exclusive. De quoi saler une addition qui ne manque pourtant pas d’assaisonnement.
Sous le capot
La rumeur voulait un temps que la R8 accueille un V6 turbo en son sein : les hommes d’Ingolstadt ont coupé court aux suspens. Seul le V10 atmosphérique équipera désormais la bête. On retrouve donc le bloc FSI de 5,2 litres, qui développe nativement 570 chevaux. La version Performance profite d’une déclinaison plus optimisée du moulin, poussant la puissance à 620 équidés, totalement disponibles à 8’800 t/min (la zone rouge étant à 9’000 t/min). Côté couple, la version de base affiche 560 Nm tandis que l’itération vitaminée en propose 580, qu’il faut aller chercher à 6’500 t/min.
Avec ses 1’670 kilos sur la balance, on peut en attendre des performances plus qu’intéressantes, et c’est le cas : le 100 km/h s’atteint depuis l’arrêt en 3,1 secondes et la vitesse de pointe culmine à 331 km/h.
Pareil volume de cylindrée implique assez naturellement une gourmandise en énergie fossile. La consommation constatée oscille entre 11,3 l/100km pour un circuit routier et 21 l/100km pour un parcours purement urbain. En cycle mixte, la valeur se stabilise autours des 15,8 l/100km.
Au volant
Cela fait quelque temps déjà que j’attends avec une impatience non feinte l’essai de cette R8 Coupé V10 Performance. Alors que je me vois attribuer le véhicule pour le test, mon cerveau fait immédiatement un bond en arrière, au début des années 2000, alors que le jeune adulte que j’étais s’émerveillait devant le concept RSQ spécialement développé par Audi pour le film « I, Robot ». J’étais alors stupéfait par l’avancée stylistique présentée et rêvait alors d’un modèle de série reprenant cette coupe élancée, cette large calandre et ce regard affûté. Il n’a fallu attendre que 2007 pour voir débarquer la R8, la plus proche héritière de la RSQ. J’ai alors ajouté à ma liste secrète : conduire un jour une R8.
Il y a tout de même un petit écueil au tableau. La période est hivernale, le temps est au beau mais clairement froid, sans pour autant offrir des conditions d’enneigement de folie. Il faudra donc composer avec des chaussées humides, souvent glissantes, et les pneumatiques hiver logiquement liées.
Après avoir scruté les moindres détails de la carrosserie, pour le plaisir, je me décide à monter à bord. Bien calé dans le siège baquet, je mets sans délai en marche la machine. Le V10 se met en branle dans un souffle sourd vigoureux, très dans les basses, sans scintillement métallique. Le bruit est fermé mais direct. Tout est en place, je peux donc me lancer dans le vif du sujet, voulant savoir ce que vaut cette bête au look d’ophidien rageur.
Les premiers tours de roues surprennent : elle est très facile à appréhender, toutes les dimensions tombant immédiatement dans l’œil. Elle est manœuvrable, elle braque incroyablement court, surtout pour ce type de véhicule. Mode « Dynamic » engagé pour commencer, la boite de vitesse passe en « Sport », et on y va. Le trait atmosphérique du V10 est immédiatement palpable : l’accélération est nette, mais surtout continue. Ça pousse et ça pousse, sans relâche jusqu’à la zone rouge, de manière linéaire, avec un gain sensible de vigueur quand la barre est 5’000 t/min est franchie. On a alors droit à une poussée supplémentaire de G qui finit de vous visser dans le fauteuil. Le tout se fait dans un habitacle très bien stabilisé et amorti, qui filtre bien les irrégularités de la route. L’aspect linéaire de la montée en vitesse est renforcé par le système quattro : je sens que la puissance et le couple passent partout et tirent sans trop dissocier l’avant de l’arrière.
Les premiers tournants se présentent. Un coup de volant et la R8 plonge sans broncher dans la corde. Le châssis étant composé à plus de 90% de carbone et d’aluminium, il est léger et rigide et se comporte à merveille. L’avant s’inscrit là où je veux et suit mes manœuvres, même quand je décide de rajouter de l’angle au volant. L’ensemble est incroyablement solidaire, même dans le décrochage. Arrivé dans un gauche avec une allure un chouïa téméraire, au transfert de masse sur l’extérieur, c’est simultanément que l’avant et l’arrière dévissent. A chaque prise de virage trop vigoureuse, je suis étonné de voir que la voiture a tendance à partir en toupie, même si ultimement l’arrière finit par toujours chasser davantage. C’est ainsi le signe que le point de pivot est bien central et que la répartition des masses est bien homogène. Malgré les conditions météo en rien favorables, la R8 paraît extrêmement bien et passe vraiment fort. Il a tout de même un « mais » : le volant est si peu communiquant ! Le retour est lisse, insipide, et me coupe totalement de la route. C’est évidemment très confort, mais je tombe rapidement en désamour avec la direction. Je l’aimerai plus incisive, plus précise, plus consistante, plus course, c’est tout l’inverse qui m’est proposé. Une vraie déception.
Après avoir bien appréhendé la machine, je me décide de passer en mode « Hypersport ». La mécanique se raidit, la boîte abandonne tout idée de souplesse. La machinerie devient alors joueuse. Le moteur est rageur, et il faut commencer à s’agripper pour bien passer dans les courbes. L’exercice aurait pu être exaltant, mais le caractère peu communiquant du volant me dissuade. Je ne me sens pas totalement en contrôle de la voiture, à l’aveugle quant aux limites et possibilités de la machine. Prendre en considération les remontées du châssis, c’est sympathique, mais cela m’amuse que 5 minutes.
Dans l’absolu, l’exercice de pilotage est déconcertant de facilité, à en juger rapidement que c’est même trop facile. La R8 se faufile dans les cols sans sourciller, en crachant un son caverneux. Les freinages sont extrêmement propres et consistants, et le bolide ne se montre en rien susceptible au transfert de masses alors que j’effleure encore un peu la pédale centrale. L’amortissement est ferme, tout de même trop lâche à mon goût. Avec un libellé « Performance » dans le titre, je me serrais attendu à quelque chose de plus radical, orienté course et clairement moins GT. De plus, en mode de conduite « Automatique », on a affaire ici au système « Audi Magnetic Ride », qui permet de pouvoir alterner entre suspensions confort et réglage sport pour une conduite plus nerveuse. Idéal pour ceux qui veulent s’économiser la pression d’un simple bouton.
De retour à une allure normale, je décide de tout simplement partir en balade. La composante sport reste très présente, et le confort ne s’inscrit pas dans la panacée du temple des GT. On peut avaler facilement les kilomètres mais rapidement mon corps appelle à la pause.
Verdict
Me voici donc balancé dans un sentiment fortement partagé : une partie de moi ne peut que saluer la redoutable efficacité de la machine R8. Le châssis est bluffant, le V10 atmosphérique est un bel élément très bien exploité, la transmission est limpide et d’une efficience remarquable. Mon autre pendant regrette, quand je regarde le tout, le caractère au final très médian de cette R8 Coupé V10 Performance. Elle ne se distingue pas dans le registre des GT et ne se place pas en pointe dans le domaine féroce des super sportives, certaines concurrentes, dans la même gamme de prix, déployant un arsenal technique plus imposant.
J’aurais ainsi souhaité une voiture plus radicale, plus expressive, davantage tranchée dans son approche de la conduite. Je ne peux donc ici la ranger à proprement parler dans la case des supercars, ni dans celle des GT ; simplement l’inscrire dans la colonne des jouets pour grands enfants, dont le plein potentiel n’est appréhendable que sur circuit.
Prix et options – Audi R8 Coupé V10 Performance Quattro
Prix de base : CHF 229’500.-
Couleur extérieure noir mythe métallisé : CHF 1’310.-
Coutures contrastées : CHF 920.-
Jantes 5 double-rayons noir : CHF 3’580.-
B & O Sound System : CHF 2’480.-
Caméra de recul : CHF 810.-
Freins céramique rouge : CHF 650.-
Phares LED avec lumière laser : CHF 4’590.-
Baguettes de seuil carbone : CHF 2’210.-
Paquet design performance : CHF 6’800.-
(sièges et éléments intérieur en alcantara et carbone)
Paquet de rangements : CHF 370.-
Paquet d’éclairage intérieur : CHF 500.-
Paquet optique noir plus : CHF 400.-
Normal-Finish : CHF 100.-
Ciel en alcantara motif losanges : CHF 640.-
Cache-moteur en carbone : CHF 4’430.-
Sideblade finition titane mat Audi Exclusive : CHF 1’410.-
Bonus Premium : CHF -10’320.-
Prix TOTAL : CHF 250’380.-
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Nos remerciements à Audi Suisse (AMAG Automobil und Motoren AG) pour le prêt de ce Audi R8 Coupé V10 Performance, ainsi qu’au centre Audi AMAG Crissier pour leur soutien logistique.
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