06 August 2013
2013-08-06
Une année après son lancement dans notre pays, nous prenons enfin les commandes de l’imposante Fisker Karma, un véritable concept car homologué pour la route. Essai.
Texte : Sébastien Morand / Photos : Jérôme Marchon
Malgré un début d’année 2013 tendu pour le constructeur américain, la marque est toujours disponible dans notre pays et l’importateur suisse se montre confiant pour la suite. Sur le papier, cette Fisker Karma intrigue à tous les niveaux : elle est immense, elle est hybride, elle dispose d’un toit solaire, etc. Vous comprenez donc qu’il me tardait d’en prendre le volant pour en découvrir un peu plus et croyez-moi, l’expérience fut très intéressante.
A l’extérieur
Au premier coup d’œil, je suis immédiatement impressionné par la taille. Certes, je l’avais déjà vu dans les différents salons automobiles, mais dans un espace naturel extérieur, la sensation est encore plus flagrante. Bien normal puisque la Fisker Karma mesure presque 5 mètres de long pour quasi 2 mètres de large ! Toutefois, grâce à sa hauteur contenue (1’330 mm), l’ensemble ne choque pas trop à l’inverse de certains SUV américains importés. Mais vous l’aurez compris, cette voiture a été conçue pour les États-Unis et cela va être difficile pour elle de se faire une place en Europe rien que par ses dimensions.
A l’avant, les deux grilles qui forment la calandre me font penser aux naseaux d’un taureau ou à la gueule d’un requin. Dans tous les cas, sa face avant impose le respect et avec une garde au sol relativement basse, la voiture donne l’impression de littéralement ramper sur la route, tel un serpent ou un crocodile. Très animal tout ça. L’immense capot avant et les flancs légèrement torturés augmentent l’impression de longueur infinie alors que la partie arrière, plutôt courte, propose un dessin qui m’est familier. Logique, le fondateur de la marque, M. Henrik Fisker, a été entre autre responsable du design de l’Aston Martin DB9. Du coup, les évidences sont flagrantes, cette Karma a des faux airs de GT de Gaydon. Toutefois, son dessin est plus brut et original, moins fluide que les Anglaises précitées, se rapprochant plus d’un concept car que d’une voiture de série. Les immenses jantes 22″ accentuent cette sensation. Toujours en regardant la voiture de derrière, je constate que les sorties d’échappement sont fermées par des éléments chromés affichant les lettres « Hz » signifiant « hertz » l’unité de mesure de la fréquence, mais vous comprendrez pourquoi plus tard.
Autre détail amusant reflétant une nouvelle fois l’image d’un concept car, le toit est composé de cellules photovoltaïques. Oui oui, la voiture dispose d’un panneau solaire faisant office de couvre-chef. Indépendamment du look très original de ce dernier, cette technologie sert uniquement à alimenter le système de ventilation et à assister la charge de la batterie 12V nécessaire aux différents équipements électriques embarqués, tels que l’ensemble multimédia/GPS. Un peu gadget dans l’absolu, mais au moins, les ingénieurs ont le mérite d’avoir appliqué un système innovant sur une voiture produite en (petite) série.
La prestance de cette Fisker Karma est indéniable, impossible de passer inaperçu à son volant. D’ailleurs je crois qu’on ne m’a jamais posé autant de questions avec n’importe quelle autre voiture essayée. En plus avec sa teinte blanche, cette Fisker Karma m’a donné l’impression de voyager pendant une semaine aux commandes d’une navette spatiale, de quoi raviver quelques souvenirs d’enfance ; il ne manquait que le drapeau américain sur le flanc arrière.
A l’intérieur
Je me glisse à bord de la bête et là encore l’impression de concept car saute aux yeux. Les matériaux utilisés, tels que le verre, l’aluminium, le bois et l’alcantara, ainsi que leur application confirment ce sentiment d’être à bord d’un prototype, voire d’une soucoupe volante, roulante en fait, tout droit sortie d’un film d’Hollywood.
La qualité de finition est relativement bonne à l’exception de quelques éléments repris de l’industrie automobile américaine de masse, tels que les commandes de rétroviseurs électriques, les bouches d’aération et l’éclairage de plafonnier. Mais dans l’ensemble, c’est très bien fini et surtout la présentation est séduisante tout en restant sobre. L’ambiance cosy est très agréable, on se sent vraiment bien dans cette Fisker Karma. Les sièges sont très confortables, l’assise est bonne, vous avalerez les kilomètres en toute quiétude. Pour les passagers arrière la donne est un peu différente. Les deux sièges distincts acceptent sans problème des adultes mais à l’instar de l’Aston Martin Rapide, je ne m’aventurerais pas pour un long voyage avec deux occupants aux places arrière autres que des enfants, voire des adolescents.
Revenons au poste de pilotage avec un volant à jante épaisse qui propose un dessin original forçant la prise en main à 10h10. Une bonne chose me direz-vous, mais à l’utilisation, je me suis souvent retrouvé à chercher une bonne position pour mes mains. Un moindre détail car après une semaine aux commandes de ce vaisseau, euh de cette voiture, je m’y suis habitué. Les compteurs sont cerclés d’aluminium brut du plus bel effet, matériau qu’on retrouve aussi dans la console centrale en plus du verre. D’ailleurs sous une vitre, un élément métallique représente de manière conceptuelle la présence des batteries en tant que cœur de la voiture. Ce dernier est traversé par une bande lumineuse qui s’allume en vert lorsqu’on actionne le sélecteur de vitesses. Aucune utilité à cela, juste de quoi renforcer le sentiment d’être à bord d’un véhicule différent. D’ailleurs le levier de vitesses, qui n’en est pas un, prend la forme d’un petit dôme ou d’un diamant selon votre vision des choses. Sur ce dernier, nous retrouvons quatre boutons qui eux sont plutôt habituels sur une transmission automatique, « D », « N », « R » et « P ». Vous l’aurez compris, à l’exception de la présentation visuelle, le principe reste le même, pas d’inquiétude à avoir.
Au centre du tableau de bord, un grand écran fait office d’interface avec l’ensemble multimédia qui équipe en toute logique une voiture de ce standing. Si ce dernier propose une très bonne présentation et des menus au design moderne et original, le fonctionnement est un peu en retrait des standards haut de gamme du moment. L’importateur m’a précisé qu’une mise à jour majeure était prévue pour le début de cette année mais du fait des quelques tourments qui animent la société actuellement, tout cela a été retardé. A l’exception de quelques lenteurs, rien de dramatique non plus, l’utilisation du système au travers de l’écran tactile est très intuitive. Nous y retrouvons tout le nécessaire, soit une bonne sono, un système Bluetooth pour le téléphone, un GPS et l’ordinateur de bord. Ce menu est celui que je préfère à bord d’une voiture électrique ou hybride. C’est devenu un jeu, en conduisant des véhicules équipés de ces technologies, de consommer le moins, de faire le plus de kilomètres en mode tout électrique, etc. Bon c’est avant tout mon côté geek qui est attiré par cet interface et non pas un quelconque penchant écologiste.
Je terminerai par le coffre, enfin appelons plutôt ça l’espace de 195 litres seulement qui fait office de malle arrière, soit 50 litres de moins que celui d’une Volkswagen up!. Un tel volume est ridicule pour une voiture de cette envergure, mais l’innovation et la technologie passent avant tout et il a bien fallu faire des sacrifices pour loger toute l’attirail nécessaire à mouvoir cette navette en conservant un style différent, futuriste certains diront.
Sous le capot
Il est temps de décortiquer la pièce maitresse de cette Fisker Karma, soit son moteur où devrais-je dire ses moteurs. La technologie qui anime cette belle américaine est en fait composée de trois moteurs, deux électriques et un essence fonctionnant, à peu de choses près, selon le même principe que nous avions découvert sur l’Opel Ampera. Le moteur essence positionné à l’avant, un 2.0 turbo, se charge d’entrainer un générateur de 125 kW qui alimente les moteurs électriques. Ces derniers, au nombre de deux, sont situés à l’arrière de la voiture et distribuent leur puissance, 150 kW chacun, uniquement sur les roues arrière.
Alimentés par une batterie lithium-ion, rechargeable en environ 6 heures sur n’importe quelle prise 110 ou 220 volts, les moteurs électriques annoncent une autonomie maximum de 83 km en mode tout électrique, enfin selon la fiche technique de la voiture. Car en utilisation réelle, certes avec un style de conduite digne d’une petite sportive et de surcroit sur des routes vallonnées, j’aurai réussi à effectuer un peu plus de 53 km avant que le moteur essence ne s’enclenche. Il va de soi qu’en utilisation plus normale, je pense qu’il est facile de se rapprocher des données constructeur, mais je me devais de repousser un peu les limites afin d’évaluer la moins bonne performance. Toutefois, grâce au moteur thermique, le prolongateur d’autonomie « EVer » comme le nomme le constructeur, vous n’êtes plus limité à la seule capacité des batteries.
En effet, avec une consommation mixte annoncée de 2.2 l./100km, il prolonge l’autonomie de 400 km pour ainsi proposer un total de 483 km. Toutefois, en rechargeant les batteries tous les soirs et en activant le moteur essence uniquement sur autoroute, soit l’utilisation recommandée par le constructeur, j’aurai aisément fait plus de 500 km avec un plein et ainsi mesuré une consommation moyenne de 5.6 l./100km tout au long de mon essai. A savoir que mon trajet quotidien d’environ 100 km mélange des routes de montagne, des autoroutes (70%) et un peu de ville. A mes yeux, cette valeur est donc tout à fait raisonnable vu la taille de la voiture et surtout quand on sait que la Karma pèse 2’430 kg.
Vous comprenez bien qu’il est difficile d’établir une norme car la consommation dépendra de la distance qui sépare votre maison de votre lieu de travail ainsi que des routes empruntées et de la possibilité ou non de recharger la voiture pendant la journée. Par exemple, sur un trajet de 200 km exclusivement composé d’autoroute, l’ordinateur de bord m’a affiché une moyenne de 7.7 l./100km, alors que sur un parcours en campagne agrémenté d’un bon nombre de petits villages, pour lequel j’ai favorisé le mode « Stealth » (tout électrique) en activant le moteur essence que sur les longues portions à 80 km/h, j’ai obtenu une moyenne de seulement 2.5 l./100km. Soit une valeur se rapprochant des données annoncées par le constructeur.
Je terminerai par les performances de cette Fisker Karma dans les deux modes possibles, « Stealth », uniquement électrique, et « Sport » qui allient l’électrique et l’essence. En effet, il n’est pas possible de rouler qu’à l’essence… du fait que le moteur thermique alimente le générateur qui lui-même alimente les batteries, vous consommerez toujours de l’électricité. Donc en mode « Stealth », la Karma peut atteindre la vitesse maximale de 153 km/h et elle passe de 0 à 100 km/h en 7,9 secondes. En mode « Sport », la puissance cumulée est de 300 kW (408 CV) permettant d’abattre le 0-100 km/h en 6,6 secondes et la vitesse de pointe, limitée électroniquement, est de 200 km/h. Dernier chiffre plutôt aguicheur, celui du couple, qui s’affiche à 1’300 Nm ! Il est bien clair qu’une telle valeur ne se retrouvera jamais sous le capot de la « concurrence » formée des Audi A8, BMW Série 7, Jaguar XJ, Mercedes Classe S et autres Porsche Panamera. Il n’y a que sur la très exclusive Bugatti Veyron qu’on retrouve un tel couple. Toutefois et je vais vous en parler maintenant, la conduite de la Fisker Karma n’est en rien brutale malgré ce chiffre exubérant.
Au volant
En effet, comme déjà constaté lors de différents essais de voitures électriques, ce type de propulsion est plutôt apaisant et incite à rouler cool. Toutefois, avec une telle cavalerie et un centre de gravité très bas, le paysage défile très vite et les passages en courbe sont un réel plaisir. La Karma vire à plat dans un silence de cathédrale, du moment bien sûr que l’on opte pour le mode « Stealth ». Lors des franches relances c’est pareil, la voiture bondit de manière linéaire et sans que ça soit sensationnel, les vitesses atteintes augmentent très vite. La Fisker Karma n’a pas de vocation sportive, ni le tempérament pour cela, mais elle propose quand même une excellente tenue de route.
Toujours en mode « Stealth », le moindre déplacement se fera dans le calme et la sérénité, à l’exception d’un bruit émis par les faux échappements dont je vous parlais plus haut. En effet, afin de prévenir les « autres », principalement les piétons et les cyclistes, la Karma émet un son, aussi bien à l’arrière qu’à l’avant, qui pourrait lui aussi sortir d’un film de science-fiction. C’est un espèce de sifflement ou frottement, plutôt discret, surtout pour les occupants de la voiture, qui renforce l’impression d’être en présence d’un véhicule très futuriste. D’ailleurs la voiture est tellement bien insonorisée que ce sont les personnes à l’extérieur de la voiture qui m’ont fait remarquer sa présence.
En passant en mode « Sport », le silence est rompu par la sonorité grave et peu sexy du moteur thermique. Toutefois grâce à l’excellente isolation et du fait que ce mode sera principalement activé sur autoroute, cela reste peu dérangeant. Pour passer d’un mode à l’autre, il suffit d’actionner la palette située sur la gauche du volant et vous switchez ainsi de « Stealth » à « Sport » et inversement au gré de vos envies. Cette liberté de choisir son mode de propulsion est un atout indéniable à mes yeux. En effet, il est fréquent sur les voitures hybrides de ne pas pouvoir contrôler la mise en marche du moteur thermique. A la moindre accélération un tantinet plus généreuse et « bam ! », la mécanique traditionnelle se met en branle. Quand j’y repense, cela m’a toujours agacé. Alors que là, avec la Fisker Karma, vous pouvez écraser la pédale des gaz et vous serez propulsés dans un silence impérial, c’est magique et envoûtant.
Sur la droite du volant, nous retrouvons une autre palette qui permet d’accentuer l’effet du frein moteur, enfin ce n’est pas vraiment le bon terme mais au moins vous le comprendrez, il s’agit en fait du réglage du récupérateur d’énergie. En mode « normal », la récupération d’énergie est faible, la voiture ralentie très peu au moment de lâcher l’accélérateur. En cliquant une fois sur cette palette (mode « 1 »), l’effet est accentué, puis une deuxième fois (mode « 2 »), le phénomène est encore plus présent. Le système s’appelle « Hill » et il trouve justement toute son utilité sur des routes vallonnées. Avec le mode « 2 », le plus présent, l’utilisation des freins est quasiment inutile sur des portions roulantes et son efficacité permet même d’effectuer le transfert de masse afin de placer l’auto en entrée de courbe. Pour parler brièvement des freins, ils sont à la hauteur des performances de la voiture. A l’avant des étriers 6 pistons avec des disques de 370 mm de diamètre et à l’arrière des 4 pistons avec des disques de 365 mm. Ça freine fort, c’est endurant, mais il n’en faut pas moins pour arrêter le mastodonte de presque 2,5 tonnes.
Très agréable à rouler, ultra confortable malgré un châssis ferme et des énormes jantes, c’est un réel plaisir d’avaler les kilomètres à bord de cette Fisker Karma. Là où ça se gâte, c’est quand il faudra songer à se parquer. Vous imaginez bien qu’avec ses imposantes dimensions, il est difficile de trouver la place de parc en adéquate, surtout en centre-ville par exemple. Toutefois, j’ai quand même tenté l’expérience et en optant pour une place en épi, je n’ai pas eu de peine à placer la bête dans une case. Je n’ai pas essayé les créneaux, mais je pense qu’avec un peu d’habitude, ça ne devrait pas poser de problème.
Verdict
Disponible en trois niveaux de finition, EcoStandard, EcoSport et EcoChic, la Fisker Karma débute au tarif de CHF 129’900.- avec un équipement déjà très complet. Notre voiture d’essai, en finition EcoSport voit son prix de base grimper à CHF 141’900.- justifié par l’utilisation de matériaux plus nobles et encore plus d’équipements. Le haut de gamme, l’EcoChic, se négocie dès CHF 149’900.-. Quelle que soit la finition choisie, la liste des options est ensuite très concise puisqu’elle se compose d’une peinture spéciale « Diamond Dust » à CHF 3’990.- et d’un intérieur cuir « Tri-Tone » à CHF 3’190.-. Pour simplifier la recharge de votre Fisker Karma, je vous recommande d’opter aussi pour l’accessoire « Home Charging Device » à CHF 2’950.-, une installation qui vous évitera de sortir à chaque fois la rallonge qui se trouve dans le coffre de la voiture.
Maintenant que les chiffres ont été donnés, il me reste à vous dire, au cas où vous ne l’auriez pas encore compris, que j’ai été envoûté par cette Fisker Karma. Elle est spéciale, unique et propose une vision différente de l’automobile alliant technologie, écologie mais aussi passion. Plutôt rare lorsqu’on parle de voiture électrique ou hybride. Cette Fisker Karma est, ou du moins a été au moment de sa conception en avance sur son temps, car maintenant une Tesla Model S fait probablement mieux pour moins cher, mais aussi avec moins d’originalité et d’exclusivité. D’ailleurs, les chiffres dans notre pays le reflètent bien puisque c’est seulement 50 voitures qui ont trouvé preneur depuis son lancement et seulement une dizaine parcourent les routes de Suisse Romande.
Avec tout ce qu’on entend aux États-Unis – les pessimistes diront que la marque va bientôt disparaitre – j’espère sincèrement que ça ne sera pas le cas tant je trouve le projet intéressant et innovant. De nos jours où tous les constructeurs ou presque proposent tous les styles de voitures, qui de surcroit se ressemblent quasiment toutes entre elles, je ne peux que féliciter la démarche de M. Fisker de commercialiser un tel O.V.N.I. enfin un O.R.N.I. plutôt ! Sans réelle concurrence, la Fisker Karma se profile comme une limousine coupé haut de gamme qu’il faut avoir dans son parc automobile si les moyens et la place vous le permettent.
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Nos remerciements à Fisker Automobile AG (Filiale du Groupe Emil Frey) pour le prêt de cette Fisker Karma.