Essai – Rolls-Royce Ghost Series II : Un dernier V12 pour la route ?
Présentée fin 2024, la Rolls-Royce Ghost Series II est disponible dans toutes les concessions depuis quelques mois. Livrée exclusivement avec le légendaire V12 de 6.75 litres, c’est probablement le dernier moteur de ce type à équiper la Ghost. Derniers tours de roue avec ce monument de l’automobile.
Texte et photos : Tony da Silva
Après 121 ans d’existence, Rolls-Royce entame une véritable révolution. Tout commence en 2018 avec le lancement du Cullinan, le premier SUV de la marque dont nous vous avons proposé l’essai de la Series II en fin d’année dernière, suivi par la Spectre, son premier modèle 100% électrique. Pour mémoire, le constructeur a annoncé que l’ensemble de sa gamme serait entièrement électrique d’ici 2030. Alors que certains constructeurs font marche arrière ou du moins ralentissent cette « transition » vers l’électrique, je reste persuadé que le mythique fabricant Rolls-Royce tiendra le cap (j’explique pourquoi dans cet essai).
Le showroom – ou plutôt l’écrin – dans lequel les clients les plus exigeants viennent configurer leur véhicule évolue aussi à l’échelle mondiale. L’agence Rolls-Royce Motor Cars Geneva située à Nyon n’échappe pas à cette transformation et le résultat est très réussi. Fini le salon austère : place à un véritable cocon, un espace raffiné où l’on peut laisser libre cours à ses goûts et sa créativité. Le choix est vertigineux, avec pas moins de 44’000 couleurs disponibles, sans compter les finitions, les textures et les détails personnalisables (programme Bespoke). L’agencement du lieu et les échantillons exposés sont tout simplement sublimes.
A l’extérieur
Comme toujours chez Rolls-Royce, la Series II est une évolution discrète du modèle original, qui dans le cas de la Ghost a été lancé en 2009. Pour les adeptes de la marque, les principaux changements se trouvent sur la face avant et sur la ligne arrière.
A l’avant, les phares et des feux de jour ont été revus et ils s’étendent de la partie inférieure de la calandre jusqu’au bord des ailes avant. Au centre, toujours la grille chromée avec, à son sommet, la fameuse « Spirit of Ecstasy ». La partie inférieure de la face avant sert de base à la calandre, rehaussée de nouveaux ornements chromés formant un socle visuel « flottant » pour la figurine ailée.
A l’arrière, cette Ghost Series II bénéficie d’un nouveau dessin des feux qui présentent une continuité entre les surfaces latérales et arrière. Ce style s’inspire largement de la Spectre, avec un élément chromé incurvé, discrètement gravé du monogramme au double « R ».
Cette volonté d’afficher plus de légèreté vise à adoucir un peu la taille imposante de cette automobile de 5.5 mètres sur 2. Visuellement, c’est plus ou moins réussi mais dans la réalité, cette voiture demeure un défi dans nos parkings étriqués et autres rues étroites. Les jantes de 22 pouces à 9 bras sont saillantes et exposées aux trottoirs…
A l’intérieur
Au moment de s’installer à bord, l’esprit centenaire de la marque est encore pleinement présent, avec les buses d’aération rondes et chromées ainsi que le levier de vitesse fixé à la colonne de direction. Grâce au mariage avec BMW, les propriétaires peuvent compter sur des écrans tactiles de dernière génération. Derrière le volant, un écran affiche de manière très épurée les quelques informations essentielles au conducteur : la puissance encore disponible en pourcent, le compteur de vitesse, la température et enfin, la jauge à essence.
Le sentiment de confort ainsi que la qualité perçue à l’œil et au touché sont exceptionnels. D’une épaisseur de 40 cm, les sièges offrent une assise digne d’un salon. Les multiples réglages disponibles offrent une assise sur mesure et pour les longs trajets, plusieurs types de massage sont disponibles à l’avant comme à l’arrière.
Je passe sur l’agencement ou sur les 2.2 millions de points de couture nécessitant 18 kilomètres de fil… c’est de la haute couture. Autre souci du détail, mention « très bien » pour le petit frigo placé dans l’accoudoir central arrière et qui permet de refroidir jusqu’à deux bouteilles de Champagne (ou autre) à 6 ou 11 degrés en fonction de la cuvée. Les flutes en verre sont incluses !
Sous le capot
Le joyau de Goodwood se trouve là, sous un capot gigantesque qui s’ouvre avec une seule main. Un monstre à 12 cylindres biturbo d’une cylindrée de 6.75 litres, avec une boîte automatique à 8 rapports.
La transmission intégrale assure une motricité optimale aux 571 ch et au couple de 850 Nm dès 1’600 t/min. La marque est plutôt discrète sur les caractéristiques du moteur directement issu du fabriquant BMW mais le compartiment semble presque trop petit pour accueillir ce monumental V12.
Personnellement, je pense qu’on assiste à la dernière génération de V12 et c’est particulièrement vrai chez Rolls-Royce car pour cette marque, le luxe est synonyme de silence, de douceur et de puissance. Même si le 12 cylindres est probablement l’un des meilleurs moteurs thermiques au monde, il reste légèrement bruyant (si, si) et n’est pas exempt de défaut avec la boîte à vitesses automatique associée.
Au terme de cet essai de plusieurs jours, ma consommation s’arrête à 19.8 l/100 km. C’est près de 20% de plus que les données du constructeur mais qui s’en préoccupe ?
Au volant
Chez beaucoup de constructeurs, l’intérieur évolue sans cesse et pour beaucoup, il faut se réapproprier l’environnement entre chaque essai. Cette philosophie est aux antipodes de l’ADN de la manufacture automobile britannique. Ici, tout vous rappelle que si le monde change, Rolls-Royce ne change pas mais évolue discrètement. Le tableau de bord en bois mimosa pour mon exemplaire d’essai ? Proposé dès 1920. Les buses d’aération rondes chromées ? Elles sont là depuis 1970. Bien sûr, les écrans tactiles offrent tout le confort moderne auquel le client s’attend. Même la connectique est à jour, avec les prises USB-C sur la console arrière ou dans les portières pour connecter ses compagnons numériques.
Il est temps de prendre la route et étonnamment, une légère vibration se ressent quand je démarre les 12 cylindres de 6.75 litres. Après ça, le silence est pratiquement complet et avant de partir, je vérifie le bruit dans l’habitacle avec le moteur en marche : 48 dB. Je précise que la ventilation était coupée et la musique éteinte.
Je m’insère dans le trafic et me retrouve rapidement sur l’autoroute. Là, un premier constat s’impose : silence, suavité et douceur sur le bitume font penser à un tapis volant (jamais testé mais j’imagine). Cette sensation très particulière est le résultat d’un système de suspensions complexe qui inclut une commande électropneumatique continue ainsi qu’un correcteur d’assiette. Le châssis et les suspensions sont contrôlés par le Flagbearer System, un ensemble introduit sur la première génération de la Ghost et, bien sûr, amélioré pour cette Series II. En quelques mots, grâce aux caméras, la technologie lit en permanence la route en avant du véhicule et adapte de manière prédictive les suspensions aux défauts ou obstacles comme des ralentisseurs routiers. La limousine de 2.5 tonnes passe ces derniers en toute légèreté, sans perturber les occupants. Dernier point fort de ce système : les coordonnées GPS associées aux cartes routières sont utilisées en permanence pour automatiquement sélectionner le rapport de la boîte à vitesses.
Le résultat de cette débauche de moyens et d’automatisation ? C’est génial sur autoroute et autres grands axes mais ça reste perfectible lors du franchissement d’un col ou d’une conduite un peu plus dynamique. Par choix, la marque ne propose pas de « modes » de conduite différents alors que techniquement, elle pourrait le faire. Je regrette un peu ce choix car in fine, suivant les circonstances, j’aimerais pouvoir choisir moi-même mon style de conduite, pour avoir par exemple une pédale d’accélérateur plus réactive ou des suspensions un peu plus dures pour limiter le roulis. Si c’est vraiment c’est un point bloquant pour vous, il vous restera le choix d’opter pour le modèle Black Badge dont nous vous proposerons un essai complet prochainement.
Pour rappel, les 571 ch sont distribués sur les quatre roues et le système est difficile à mettre en défaut avec des reprises fortes et une poussée extrêmement linéaire, y compris à la sortie d’épingle. Malgré un petit temps de réponse, le moteur se montre d’une élasticité extraordinaire et bien que l’indicateur des « tours par minute » ait disparu depuis longtemps, le vrombissement lointain trahit une belle mécanique qui souhaite tout de même s’exprimer malgré les efforts du constructeur pour atténuer son ronflement.
Soyons honnêtes, cette automobile n’excelle pas dans une conduite sportive car la seule option que le constructeur offre, c’est un bouton pour raffermir un peu le système de suspensions. Pour le reste, on se laisse bercer avec une sensation d’apesanteur une fois à 120 km/h, avec un bruit très contenu dans l’habitacle. Selon le type de revêtement, j’ai relevé entre 55 et 58 dB.
Le confort, le sentiment de sécurité et la qualité de la voiture sont tout simplement irréprochables et offrent une expérience inégalée.
Verdict
Quand Wheels And You teste des véhicules d’exception de ce type, nous gardons à l’esprit qu’un client qui achète ce genre d’automobile a souvent entre 5 et 10 autres véhicules dans son garage. Au-delà de l’image ou du statut social, un propriétaire Rolls-Royce a fréquemment des voitures plus radicales, un SUV pour la montagne ou encore une plus petite voiture pour la ville. Par conséquent, la marque répond à un cahier des charges exigeant et sans concession pour ce qui est du luxe, du confort, de l’exclusivité, de l’expérience client (le nouveau salon d’accueil est génial), de la personnalisation et j’en passe. Est-ce que le mythique constructeur Rolls Royce y parvient ? Assurément et au-delà des attentes !
L’avenir électrique de ce modèle semble désormais tracé et l’essai de la Spectre réalisé l’année dernière confirme tous les bénéfices de cette motorisation. Le silence absolu et le confort souverain atteignent de nouveaux sommets, domaines dans lesquels Rolls-Royce excelle depuis toujours. Sur le plan commercial, la stratégie porte ses fruits : en dix ans, les ventes ont bondi de 50 %, portées notamment par le succès du Cullinan. Pour autant, ne vous attendez pas à en croiser à chaque coin de rue puisqu’en 2024, la marque n’a livré que 5’712 véhicules dans le monde. Rouler en Rolls-Royce reste un privilège rare destiné aux « happy few ».
Prix et options – Rolls-Royce Ghost Series II
Prix de base : EUR 300’000.-
Exterior : Emperador Truffle / Coachline Turchese
Interior : Primary Black / Secondary Cashmere Grey / Teriary Turchese
Wood : Opel Pore Mimosa Negra
All Wheel Drive & All Wheel Steering
Rolls-Royce Bespoke Audio
Rear Theatre Configuration
Heated passager Surround
Front and Rear Massage Seats
Central Cool Chamber
22 inches 9 Spoke Polished
Illuminated Grille
Shooting Star Headliner
Placed Perforations
Bespoke Illuminated
Treadplaces
Veneered Steering Wheel Spokes
Individual Seat Configuration
Prix TOTAL : EUR 413’617.-
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Nos remerciements à Rolls-Royce Motor Cars pour le prêt de ce Rolls-Royce Ghost Series II, ainsi qu’à Rolls-Royce Motor Cars Geneva (Pegasus Automotive Group) pour leur soutien logistique.
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