17 February 2021
2021-02-17
S’il y a bien un constructeur qui éveille la curiosité lorsqu’il annonce une citadine survitaminée directement issue de son succès en WRC avec Gazoo Racing, c’est Toyota. Pionnier de l’hybride, à nouveau premier constructeur mondial toujours avec une gamme très raisonnable, la marque annonce début 2020 qu’elle va amener une GR Yaris sur le marché des petites sportives comme un chien dans un jeu de quilles.
Texte et photos : Patrick Schneuwly
Sachant que GR veut dire Gazoo Racing, on pourrait afficher un sourire moqueur. Mais une fois qu’on roule cette GR Yaris, c’est un sourire de plaisir qu’on porte d’une oreille à l’autre. Le travail de l’équipe chargée de faire performer une Yaris dans le championnat du monde des rallyes est admirable. Le développement de la voiture de course a débuté en 2014 pour un premier engagement en 2017.
Akio Toyoda, président de Toyota, a longtemps souhaité que la marque refasse une glorieuse voiture sportive. Après la GT86 (avec Subaru) puis la renaissance de la Supra (assistée par BMW), le CEO a demandé de partir de la bête de WRC pour faire une voiture de route. Il s’est personnellement penché sur le berceau, prenant à plusieurs reprises le volant du prototype pour orienter les développements. Cette voiture, c’est la GR Yaris et voici notre essai.
A l’extérieur
La nouvelle Yaris est clairement réussie, avec ce qu’il faut d’agressivité. Mais lorsqu’on arrête côte à côte la GR avec sa quasi homonyme, l’erreur n’est plus possible. C’est comme comparer une simple 911 Carrera et la GT3 RS, la deuxième a décidé d’afficher son ambition jusqu’au bout de sa carrosserie. Cette japonaise sous stéroïdes a une ligne très athlétique. Exit la 5 portes, elle s’offre le privilège d’une coque 3 portes rien que pour elle avec un toit en polymère renforcé de fibre de carbone.
Le bouclier avant signifie à lui seul un outrage : gueule béante n’est que le prénom tant cette calandre est largement ouverte. Et comme si ça ne suffisait pas, il y a encore deux écopes latérales avec des antibrouillards sous une arête acérée. Les phares sont ceux de toutes les Yaris avec le trait noir qui les relie, cette forme en amande et des feux de jour à LED expressifs.
Les ailes avant et le capot sont raisonnablement sculptés, à l’arrière le kit est très large avec des épaulements massifs. Ceux-ci se prolongent jusque dans le pare-chocs arrière très large lui aussi. Il intègre un diffuseur noir brillant, un peu trop simple à mon goût, qui laisse ressortir les deux sorties de l’échappement en position centrale.
A l’arrière aussi, les phares sont identiques à ceux des autres Yaris, avec une liaison noire entre les deux. Ces phares débordent joliment sur les ailes arrière, pour un trait toujours agressif. Ce qui me saute aux yeux, c’est la toute petite porte du coffre. Avec son inscription GR Four elle semble très légère.
Pour l’essai, les pneus neige en 225 de large ont été installés sur les jantes forgées 18” à 10 branches qui sont livrées avec le pack Circuit. D’ordinaire, ce sont des jantes 18” aussi mais à 15 branches et significativement plus lourdes. Enfin, détail technique, les portes n’ont pas d’encadrement de fenêtre et les prototypes de WRC 2021 n’en ont pas non plus, on peut y voir une parenté.
A l’intérieur
De ce joli tableau qu’est la GR Yaris, l’aménagement de l’habitacle est le parent pauvre. Heureusement les sièges baquets sont excellents, tout comme le petit levier de vitesse. Le volant tient bien en mains, avec une section de taille agréable et une finition cuir surpiquée. En revanche Toyota aurait pu se permettre un trait de centrage ou du cuir micro-perforé pour relever le côté sportif.
Le tableau de bord garde ses deux afficheurs à aiguille avec un petit écran au centre (4.2”). Quand on change pour le mode Sport ou Track, une couleur rouge plus ou moins vive s’y affiche, mais de façon très pixélisée, c’est plutôt moche. Cet écran produit quelques diagrammes intéressants comme la pression de suralimentation, la quantité de couple envoyée à chaque roue ou encore un graphique de consommation instructif pour épargner un peu de carburant. Je suis d’accord que ce n’est pas la philosophie de l’auto, mais je relève l’information.
L’écran d’infodivertissement 8.8” affiche un design peu flatteur. Pour quelque chose de numérique qui peut être programmé à l’infini et être esthétique, Toyota pourrait y consacrer plus de temps. Cet écran fonctionne avec Apple CarPlay et Android Auto, ce qui s’avère utile quand on ne prend pas le pack Premium : sans lui il y a bien un bouton « Map » sur le combiné, mais pas de GPS pour autant ! Donc votre smartphone sera utile pour afficher son écran en grand.
En parlant de smartphone, je cherche encore un endroit où le poser. L’aération centrale est cachée sous l’écran, impossible d’y mettre un support. Le porte gobelet est d’un diamètre trop petit pour un appareil courant et enfin l’emplacement sous l’écran est trop peu profond, à la moindre accélération vous retrouvez votre portable par terre (merci le câble USB pour le repêcher). C’est comme si la voiture n’avait pas subi de test de vie quotidienne.
Pour faire bonne figure, il y a bien deux places à l’arrière, cependant c’est très difficile de s’y installer. Seul le siège baquet passager peut simultanément avancer le dossier et l’assise, par contre le dossier sera à nouveau dans la position la plus verticale à la fin de l’exercice. Le dossier de ses places arrière est rabattable pour faire gagner du volume au coffre relativement étriqué. Sous son plancher on ne rangera rien non plus, c’est là qu’a élu domicile la batterie.
Sous le capot
Toyota a mis les moyens pour que cette Yaris soit armée pour affronter les autres citadines survitaminées du marché. Sur la fiche technique c’est un sans-faute : boite manuelle 6 vitesses, turbo, 4 roues motrices et deux différentiels Torsen à glissement limité à condition d’avoir opté pour le pack Circuit. Un second pack s’appelle le pack Premium et regroupe le GPS, les capteurs de stationnement (la caméra est de série), la surveillance des angles morts et un système son JBL. N’essayez pas d’avoir les deux packs, c’est impossible.
Sous le capot, c’est un 3 cylindres en ligne de 1’618 cm3, cette architecture moteur est disons inhabituelle pour une auto à vocation sportive. Dans ce moulin souffle un turbo single-scroll monté sur roulement à bille pour faire culminer la puissance à 261 ch et le couple à 360 Nm. Si le couple est à mi régime, la puissance est, elle, haut perchée à 6’500 tours quand la zone rouge commence à 7’000.
La transmission intégrale envoie en temps normal 60% du couple sur les roues avant (60:40). Avec le mode Sport, la voiture passe en priorité à la propulsion (30:70). En mode optionnel Track la répartition est à la parité (50:50) pour une motricité maximale. Les liaisons au sol ont fait l’objet de beaucoup de travail de mise au point. Les jambes de force MacPherson et les doubles triangles arrière ont été réglées par les techniciens de Gazoo Racing World Rally Team.
Les freins de la GR Yaris sont largement dimensionnés et rainurés aux 4 roues. Les étriers rouge marqués GR sont une pièce réservée au pack Circuit. A l’avant, ils ont un diamètre impressionnant de 356 mm, les plus gros de la catégorie.
Au volant
S’installer dans le baquet suggère immédiatement de vouloir le baisser. Inlassablement vous appuierez sur le levier côté porte pour constater qu’on est déjà au plus bas. La faute peut-être à une forme de caisse prévue pour une Yaris hybride qui doit intégrer des batteries, me suggère un collègue. Reste qu’on est assis trop haut, il sera probablement impossible de porter un casque pour aller sur circuit.
Ensuite, l’écran et le rétroviseur central vous sautent au visage. Entre les deux il y a à peine plus que la largeur d’une main pour voir le côté droit de la route. Là aussi on essaye de le déplacer mais rien n’y fait. De toute façon la vitre arrière est très petite et la poupe de la GR est si courte qu’elle est couverte de saleté en un rien de temps. Point d’essuie-glace, je ne m’acharne pas plus longtemps.
J’aurais roulé une partie du temps avec ce rétro tourné de façon à avoir le profil le plus fin dans l’axe de mes yeux. Heureusement, les deux rétroviseurs extérieurs offrent une bonne visibilité. Le prochain obstacle à la vision s’appelle montant de pare-brise, souvent au mauvais endroit lui aussi. La visibilité dans cette Yaris est un peu son point faible.
Le 3 cylindres sous le capot se réveille avec une agréable sonorité dans l’habitacle. Vraiment du style « Hot Hatch », le son est rauque mais difficile à dire si c’est un son produit par le moteur ou le « Active Sound Control ». En effet la GR Yaris a décidé de vous en mettre plein les oreilles, mais via les haut-parleurs et non l’échappement. Ce complément n’est pas commutable, il faut forcément faire avec. Du bord de la route, un photographe m’explique qu’on entend surtout le souffle du turbo, pas de son d’échappement.
Le feeling de la pédale d’embrayage est assez bon, je lui reprocherais juste d’avoir son point de friction relativement tard. Mieux vaut mettre des gaz pour ne pas caler bêtement. La puissance du moteur est étonnement haut perchée, donc autant vous dire que les principes de l’éco-conduite sont difficilement applicables. On se retrouve toujours vers les 3’000 t/min, c’est là que le moteur est souple.
Quelque part, cette délicieuse petite sportive me rappelle ma Clio 3 RS, j’y retrouve sa largeur, son moteur un peu creux en bas, la boîte manuelle et un châssis très rigide. Seulement là, il y a en plus une transmission intégrale avec deux différentiels et un turbo qui amène 60 chevaux de plus, de quoi en faire une citadine explosive.
Un peu comme avec la française, il n’y a pas de couple avant 2’500 t/min. En plus le turbo met un certain temps à charger, le fameux turbolag. Lorsqu’on met le pied au fond depuis l’arrêt, la pression monte en même temps que le couple arrive. Mais lors d’une reprise, on attend chaque fois que le turbo remonte en pression.
Une autre comparaison que je ne peux m’empêcher de faire, c’est la commande de boite. Celle-ci regroupe plusieurs bons points accordés à celle de la Mazda MX-5. Le guidage est très précis, passer de 3ème en 2ème se fait sans hésiter. Le verrouillage demande un peu de fermeté, sans pour autant être dur. Tandis que la course latérale est idéale, de haut en bas elle est un rien trop longue, c’est ce qui place la boîte de la petite Miata en tête.
Voilà un moteur sensationnel, accolé à une boîte au top, fixés dans un châssis qui servira de base à la prochaine Toyota de WRC et avec des liaisons au sol généreusement dimensionnées. Tous les ingrédients sont réunis pour que cette GR Yaris soit mémorable.
Les routes sinueuses sont évidemment son terrain de jeu favori. Avec l’ESP activé, il est très difficile de la prendre en défaut. Même si on décide d’utiliser le mode Sport, la propulsion ne sort pas la Yaris de son rail. En mode Track, elle trouvera jusqu’au dernier rien de motricité pour vous pousser dans le virage d’après. Cependant, comme toute voiture moderne, la japonaise sous-vire.
Je suis surpris de voir que même dans la neige, en 30:70, la voiture continue de sous-virer. Le contrôle de stabilité tient son rôle et empêche la voiture de valser. Un pilote confiant désactivera les aides avant de commencer à dompter la petite sportive. En Normal et en Track, le comportement est assez sain, la voiture se laisse placer dans les virages. En Sport elle est logiquement plus joueuse, elle adopte un comportement de propulsion qui se respecte et propose, si l’adhérence le permet, de belles dérives.
La direction allie la précision et la bonne notion de légèreté pour procurer une excellente sensation de contrôle. Grâce aux larges disques de frein, la puissance d’arrêt est elle aussi impressionnante. Le feeling de la pédale sous le pied est rassurant, endurant et inspire à augmenter le rythme.
Le placement des pédales est à mon sens juste, je peux exécuter un talon pointe instinctivement, bien que le i-Mt puisse le faire à ma place. Ce bruit caractéristique d’un rétrogradage bien effectué, gratifiant de l’intérieur, inaudible de l’extérieur.
Je suis étonné de la souplesse de cette Yaris lors d’un long trajet autoroutier. Elle est tout à fait capable de bien se tenir et baisser sa consommation à 9,08 l/100km. Mieux doit être possible, mais sans dépasser les 80 km/h sur longue distance. Lorsqu’on cède à l’appel du turbo, on dépasse systématiquement les 10 litres et l’indication de consommation instantanée peut donner le vertige.
Verdict
C’est sans hésitation que je me permets de dire que cette GR Yaris rejoindra le palmarès des voitures exceptionnelles du groupe Toyota. Elle est d’ailleurs assemblée au même endroit que la GR Supra mais également feu la sensationnelle Lexus LFA, dans l’usine de Motomachi.
Le constructeur japonais a su faire le chemin habituellement inverse de la voiture de WRC vers cette auto de route. Seulement l’intérieur est un peu triste, il échoue au test de la vie quotidienne et manque de côtés pratiques, cependant les qualités dynamiques de la GR Yaris surpassent tous ses défauts.
Toyota nous apprend en plus que la Yaris est la voiture la plus vendue de Suisse en janvier 2021 avec 373 exemplaires, mais ne dit évidemment pas combien sont des GR Yaris. Peu importe, j’ai compris l’engouement pour cette voiture. Chaque trajet avec elle se transforme en jeu. Je rigole bêtement, assis au volant. Dans l’équipe, nous étions nombreux à vouloir au moins faire un tour tellement elle a une aura amusante. Pas besoin de rouler vite ou de chercher la limite, elle a ce petit quelque chose qui permet de dire que c’est une voiture passion. C’est devenu rare, une voiture qui met le sourire à son propriétaire.
Prix et options – Toyota GR Yaris
Prix de base : CHF 37’900.-
Pack Circuit : CHF 4’900.-
Prix TOTAL : CHF 42’800.-
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Nos remerciements à Toyota AG pour le prêt de cette Toyota GR Yaris, ainsi qu’au garage Emil Frey Genève Les Vernets à Genève pour leur soutien logistique.
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