06 November 2012

Pionnière des motorisations hybrides à grande échelle, la Toyota Prius se devait, pour conserver sont leadership face à une concurrence de plus en plus fournie, de proposer « le truc » en plus. C’est désormais chose faite avec cette version « Plug-In » dont nous avons pris le volant.


  • 4 cylindres, 1’798 cm3
  • 99 CV à 5’200 t/min
  • 142 Nm à 4’000 t/min
  • Moteur électrique de 82 CV, couple 207 Nm
  • Vitesse maxi. : 180 km/h
  • 0 à 100 km/h : – sec.
  • Poids : 1’425 kg
  • Conso. mixte pondérée : 2.1 l./100 km
  • Emissions de CO2: 49 g/km
  • dès CHF 51’900.-

 


Texte et photos : Tony da Silva


 

Bien entendu, à la sortie de chaque nouveau modèle, les constructeurs ne sont jamais avares sur les prouesses ou les révolutions technologiques du véhicule présenté. Tous les superlatifs y passent et trop souvent, c’est largement exagéré et après une très légère excitation, le soufflet retombe. Toutefois, sur le papier, j’ai le sentiment que cette voiture est  une partie du chaînon manquant entre la voiture d’aujourd’hui et celle de demain.

L’exercice du jour est surtout de bien faire comprendre qu’avec 80% des parts de marché dans le véhicule hybride, Toyota est la marque leader du secteur. Bien sûr, c’est largement dû au succès de la Prius avec 2.6 millions de voitures vendues ! La marque peut donc se vanter de son savoir-faire, continuer à dominer la concurrence et surtout, proposer les plus grandes innovations sur le terrain de la voiture hybride.

C’est donc sans trop de surprise que la version Plug-In vient se greffer dans la gamme Prius et ainsi, conforter encore l’avance technologique de la marque dans ce secteur. Mais l’opération n’a pas été simple. En effet, dès le départ, les ingénieurs doivent savamment répondre à une équation qui peut sembler assez simple : quelle autonomie la voiture doit-elle offrir vis-à-vis de l’espace à bord, son poids, son efficacité énergétique et surtout, son coût ?

A cette épineuse question, Toyota propose au travers de sa Prius Plug-In une voiture dotée d’un moteur à explosion Atkinson alimenté par un réservoir d’essence de 45 litres et surtout, un moteur électrique alimenté par un set d’accumulateurs lithium-ion d’une capacité de 4.4 kWh. Ce mix doit permettre un objectif très ambitieux : couvrir 80 à 90% des trajets quotidiens en mode totalement électrique… et pour les 10% à 20% restants, c’est le moteur classique à explosion qui sera mis à contribution. Mais concrètement, que signifie en terme d’autonomie ces 80 à 90% ? C’est simple, pour les ingénieurs de la marque, la bonne moyenne, c’est environ 25 kilomètres et ce chiffre tombe plutôt bien pour le marché helvétique. En effet, selon l’Office Fédéral de la Statistique qui publie des statistiques sur le transport individuel tous les cinq ans, l’automobiliste suisse parcours en moyenne 24.3 kilomètres par jour.

 

Esthétique

La Plug-In ressemble à s’y méprendre à une Prius III à l’exception de quelques détails. Le plus petit, c’est le badge qui mentionne clairement le modèle auquel on a affaire. Le second, beaucoup plus distinctif, c’est que vous trouverez sur le côté gauche la trappe à essence et sur le côté droit, la trappe à électrons (pour des questions pratiques, est-ce que ce dernier ne devrait pas se trouver côté conducteur plutôt ?). Derrière cette trappe se trouve une prise normalisée P17 et c’est elle qui permet de faire le plein d’électrons en 90 minutes si vous disposez d’une borne à chargement rapide triphasée de 220V à 16A. Je précise que cette débauche d’électricité n’est pas disponible partout mais j’y reviens dans mes conclusions.

Là encore, très peu de différences avec la Prius III standard. Bien entendu, c’est dans le coffre qu’on note une légère différence puisque 56 accumulateurs lithium-ion reliés en série doivent trouver place sous le plancher. Pour Toyota, c’est un changement technologique important car la Prius III est équipée d’accumulateurs nickel-hydrure métallique (2 à 4 fois moins performants au niveau de l’énergie massique). Opter pour des lithium-ion permet d’avoir un volume réduit à 87 litres pour 80 kg avec une réserve d’électricité de 4.4 kWh. Par rapport à une Prius III, cet ensemble d’accumulateurs offre pratiquement une réserve 4 fois plus importante et malgré tout, les ingénieurs ont sacrifié uniquement 2 litres dans le coffre pour offrir un volume de chargement de 443 litres. Autre différence, une trappe dans le coffre permet d’accéder à un espace de 22 litres contenant un câble électrique muni de deux prises standardisées pour refaire le plein sur une prise « normale » et non une borne à chargement rapide.

Seule ombre au tableau, bien que les accumulateurs soient garantis 5 ans ou 100’000 kilomètres, la marque assure que les performances seront toujours les mêmes tout au long de la durée de vie du véhicule. Surpris, j’ai demandé sur quoi se basait une telle affirmation car si les accumulateurs lithium-ion sont très performants, ils ont tout de même tendance à se détériorer avec le temps et les cycles de charge/décharge. Mon interlocuteur n’a pas frémi ou sourcillé une seule seconde et a réitéré ses propos en se basant sur les résultats des essais réalisés depuis décembre 2009 par 600 prototypes. A mon avis, cette affirmation probablement réalisée par le service Marketing de la marque s’effritera au contact de la réalité et des lois de la physique.

 

Sur la route

Dans le but de nous permettre un petit essai routier, Toyota a concocté un parcours routier qui relie son centre et le barrage au fil de l’eau de Ruppoldingen. Au travers de villages et de routes cantonales à faible dénivelé j’ai pu évaluer une conduite 100% électrique tout en écoutant la radio et tout ou presque rappelle une Prius III… à l’exception que le moteur ne démarre jamais sauf si on fait un kick-down avec l’accélérateur. Bref, à part regarder régulièrement la jauge indiquant la réserve d’électricité, les sensations et impressions de conduites sont très similaires à ce que j’ai ressenti en conduisant une Prius III et ce, malgré les 50 kilos supplémentaires de ce modèle. Bien entendu, il est possible d’effectuer une recharge en dehors de sa borne ou d’une simple prise électrique, mais pour le moment, avec quelques centaines de bornes privées et publiques, il faudra encore des années avant d’atteindre le même nombre de stations à essence (3’600 sur l’ensemble du territoire).

Un achat engagé ou calculé ?

Avec un prix du pétrole en hausse constante, je suis certain que ce véhicule préfigure la voiture lambda de demain. D’ici 10 ou 12 ans, le Plug-In offrira probablement une autonomie électrique trois fois plus importante avec un moteur à essence deux fois plus petit. Avec de telles spécifications, cette voiture couvrira 95% des besoins quotidiens des automobilistes suisses.

Reste que pour le moment et avec cette première mouture, Toyota reste modeste dans ses objectifs. Pour preuve, la projection des ventes en Suisse pour 2013 est seulement de 300 exemplaires. C’est un premier pas qui doit s’accompagner d’un suivi important des futurs acquéreurs. En effet, pour que vous puissiez dormir sur vos deux oreilles pendant que la voiture fait le plein dans votre garage, il faudra tout d’abord laisser un spécialiste venir faire gratuitement un audit de votre infrastructure électrique et au besoin, réaliser des modifications à la charge du propriétaire ou locataire. Bien entendu, si les travaux pour installer une borne à charge rapide sont trop coûteux ou impossibles, il est possible de brancher la voiture sur une simple prise 220V… mais là, pour un plein complet de 4.4 kWh, une nuit ne sera pas forcément suffisante. Pour ce qui est de la borne de recharge rapide elle est comprise dans le prix de la voiture y compris le câblage intérieur (jusqu’à CHF 890.-). Si vous souhaitez bénéficier d’une seconde station de chargement rapide sur votre lieu de travail par exemple, il vous en coûtera environ CHF 2’500.-. Bien entendu, pour les distraits qui oublieraient de retirer la prise avant de démarrer, la voiture refusera simplement de bouger tant qu’elle sera connectée au réseau.

Il ne reste plus qu’à parler d’un dernier élément: le prix. La voiture de demain est disponible à un coût qui explique à lui seul pourquoi les ambitions de vente sont modestes. Comptez CHF 51’000.- pour le modèle de base ou CHF 60’900.- pour la version Premium avec sellerie cuir, le système audio JBL, etc. Dit autrement, la Plug-In est proposée à CHF 13’000.- de plus que la Prius III. Avec cette différence de prix, un automobiliste pourrait acquérir l’équivalent de 6’842 litres d’essence à CHF 1.90 ou de quoi parcourir plus de 175’000 kilomètres selon les données du constructeur. Même si l’essence venait encore à augmenter de 30% ou 50% dans les 3 à 5 ans, ce chiffre fait tout de même réfléchir.

Cette petite opération arithmétique ne serait pas complète si je n’abordais pas un dernier détail : le plein d’électron a aussi un coût et le kWh en Suisse se paye au prix moyen de CHF 0.20. Autrement dit, remplir des accumulateurs d’une capacité totale de 4.4 kWh vous en coutera CHF 88 centimes et théoriquement, vous pourrez effectuer 25 kilomètres. Reporté à 100 kilomètres électriques, la dépense serait d’environ CHF 3.52 et toujours selon les chiffres officiels de la marque, le propriétaire d’une Prius III dépenserait CHF 7.10 pour l’équivalent en essence, soit près du double. En résumé, sur la base d’un calcul empirique théorique et à prix constant, il faudrait donc réaliser plus de 300’000 kilomètres pour que la Plug-In devienne rentable face à une Prius III…

Ce constat est sans appel et d’un point de vue financier, cette voiture n’est pas franchement rentable. Je ne parle même pas des changements d’habitude car connecter et déconnecter tous les jours sa voiture, ce n’est pas vraiment un réflexe auquel l’automobiliste est habitué même si l’opération est très aisée. Reste donc des considérations beaucoup plus suggestives à prendre en compte comme votre engagement écologique, l’origine de la production électrique de votre pays, l’image que vous souhaitez donner, etc.

 

Verdict

Bien que le ticket d’entrée soit élevé et que les bornes à charge rapide soient encore limitées sur le plan national, ce véhicule reflète bien la voiture de demain. Dans l’attente d’un essai plus long, cette voiture promet de tourner le dos de façon convaincante au pétrole – en partie –  et à ses émissions polluantes. Ceci dit, vu les faibles volumes visés, j’aurais apprécié que ce constructeur prenne plus de risques au niveau du design intérieur et extérieur. A mon avis, présenter la voiture du 21ème siècle sous les traits d’une voiture du 20ème siècle, c’est terriblement décevant pour ne pas dire plus. La voiture qui est appelée à remplacer un parc de un milliard de véhicules devrait faire preuve de plus d’originalité et d’audace.

En résumé, si votre profil automobile est compatible – ou presque – avec l’autonomie électrique de la voiture, que votre garage peut encore accueillir une petite borne à recharge rapide et que vous pouvez vous permettre de payer une plus-value significative, vous pourrez faire partie des premiers automobilistes qui se passeront du pétrole pour vos déplacements quotidiens.

 

 

Pour partager vos impressions, rendez-vous sur le forum UltraSportives.

 

 

Nos remerciements à Toyota AG pour l’invitation à la présentation presse de cette nouvelle Toyota Prius Plug-In.

 

 

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