Essai – Lotus Emeya R : L’art de tout faire, le don d’émouvoir
Longtemps synonyme de légèreté, d’agilité et de purisme mécanique, Lotus a bâti sa légende sur des machines conçues pour l’essentiel : le plaisir de conduire. Mais depuis cinq ans, Lotus a entamé une transformation profonde sous l’impulsion de Geely, son propriétaire chinois. Exit les petites sportives thermiques ultralégères, exception faite de l’Emira, un GT au charme fou. Dorénavant, place à une gamme presque entièrement électrique, au positionnement plus haut de gamme, avec l’hypercar Evija, le SUV Eletre et désormais l’Emeya, une berline sportive qui ambitionne de rivaliser avec les références du segment.
Texte : Matthieu Giraudier / Photos : Jeremy Pillier, Matthieu Giraudier
Je ne vais pas vous mentir : j’aime les voitures radicales, celles qui assument un parti pris tranché, quitte à être extrêmes. Et Lotus, dans mon esprit, c’est précisément ça. Une marque qui a toujours suivi une philosophie pure et sans compromis : minimiser le poids, maximiser le plaisir de conduite. Pas besoin de chiffres démesurés ou d’un design agressif à outrance, juste une expérience brute et authentique. Alors, quand on me parle d’une Lotus Hyper GT, mon cerveau bogue, comme une division par zéro.
Électrique, imposante, luxueuse… Tout ce que Lotus n’a jamais été. Pourtant, au-delà du scepticisme, j’ai une vraie curiosité. Si l’Emeya R parvient à transcender l’ADN de la marque britannique et à injecter une dose de magie Lotus dans un tout autre format, alors peut-être que cette révolution a du sens. Il n’y a qu’un moyen de le savoir : en prendre le volant.
A l’extérieur
L’Emeya R impose instantanément son charisme avec une prestance spectaculaire et une silhouette affûtée. Le modèle d’essai, habillé d’un jaune pailleté vibrant, capte la lumière à la perfection et contraste avec les nombreux éléments en fibre de carbone et les touches de noir brillant. Une combinaison qui renforce son allure statutaire et son côté résolument sportif.
La face avant, tendue et précise, est marquée par deux arêtes centrales qui plongent vers une signature lumineuse effilée, en forme de virgule. Le capot respire l’agilité, la proue équilibre agressivité et élégance sans surjouer. La calandre inférieure, discrètement animée par les phares et les prises d’air, renforce cette impression de mouvement figé. Sous le bouclier, une grille active en nid d’abeilles régule l’aérodynamique, donnant vie à la mécanique. L’animation lumineuse d’accueil renforce ce feeling organique, entre technologie et émotion pure.
Le profil de l’Emeya R se veut épuré mais efficace. Les lignes sont tendues, la ceinture de caisse haute, et la découpe du pilier C, avec un effet d’aileron de requin inversé, injecte une dose de dynamisme supplémentaire.
L’arrière, plus sobre que l’avant, ne manque pas pour autant de caractère. Le diffuseur en fibre de carbone, massif, annonce immédiatement les intentions dynamiques de l’Emeya R. Le bouclier relevé et les arêtes marquées donnent une présence visuelle affirmée. La signature lumineuse arrière suit la tendance actuelle avec un bandeau LED traversant, apportant une touche moderne et distinctive. La chute du pavillon, progressive, évoque davantage un shooting break qu’une berline traditionnelle, affichant une posture unique sur le segment.
En somme, l’Emeya R est une Lotus qui assume pleinement sa modernité et sa singularité. Son design, à la croisée de l’élégance et de l’agressivité, réussit l’exploit d’imposer une signature visuelle propre aux électriques tout en restant fidèle à l’ADN de la marque. Un pari osé, mais maîtrisé.
A l’intérieur
L’habitacle de l’Emeya R réussit un bel équilibre entre sportivité et modernité. Dès l’installation, on est frappé par ce mélange de luxe discret et de technologie bien pensée. Les matériaux respirent le sérieux et la rigueur : fibre de carbone sur la console centrale, alcantara en touches bien dosées sur le pavillon et les pare-soleil, cuir de belle facture sur les surfaces les plus sollicitées. Un sans-faute en termes de finitions.
La position de conduite ? Impeccable. Volant à double méplat réglable électriquement, sièges sculptés et ajustables à la perfection, tout est fait pour que chaque conducteur trouve ses marques en un clin d’œil. Face à lui, l’instrumentation numérique se veut simple, efficace. Affichage limpide, résolution au cordeau, rien ne vient perturber la lecture des informations essentielles. Les commandes tombent sous la main avec une précision chirurgicale. Les boutons offrent un retour satisfaisant, le sélecteur de vitesse minimaliste est idéalement placé, et même les ouvertures de porte – à bouton et non à poignée – séduisent par leur exécution soignée. L’écran central tactile, au format paysage, attire immédiatement le regard. Grand, réactif, superbement défini, il impose sa présence sans jamais paraître envahissant.
La rétrovision par caméra apporte une touche high-tech, avec deux écrans nichés dans les montants supérieurs des portes. Dommage qu’un écran central ne vienne pas compléter le dispositif, un détail qui aurait renforcé la sensation d’immersion technologique.
Les places arrière, bien que pas royales, offrent un confort honorable pour un véhicule de ce gabarit. Le coffre, profond malgré un seuil de chargement un peu haut, confirme la vocation GT de cette Lotus, avec de quoi loger deux grandes valises ou même un sac de golf en diagonale.
En résumé, l’Emeya R associe finitions exemplaires, ergonomie intuitive et ambiance sportive assumée. On perçoit immédiatement l’attention maniaque portée aux détails, une rigueur qui dépasse les attentes habituelles. L’infodivertissement, fluide et compatible Android/Apple CarPlay, complète cet intérieur pensé pour séduire autant les puristes que les amateurs de grand tourisme. Une réussite qui prouve que performance et raffinement peuvent cohabiter sans compromis.
Sous le capot
L’Emeya se décline en trois versions : Emeya, Emeya S et Emeya R. Toutes reposent sur une architecture à deux moteurs, l’un à l’avant et l’autre à l’arrière, assurant une transmission intégrale.
L’Emeya et l’Emeya S développent 612 chevaux, avec un 0 à 100 km/h abattu en 4.2 secondes. La version R, plus radicale, revendique 905 chevaux et un couple de 985 Nm, pour un 0 à 100 km/h effectué en seulement 2.8 secondes et une vitesse de pointe de 256 km/h. Chaque modèle s’appuie sur une batterie de 102 kWh et 800 volts, capable de recharger de 10 à 80 % en 18 minutes seulement. L’autonomie varie selon la configuration : jusqu’à 650 kilomètres en cycle urbain et environ 435 kilomètres en cycle mixte.
La version R qui fait l’objet de cet essai se distingue par l’adoption d’une boîte à deux rapports sur l’essieu arrière, renforçant la vivacité à haute vitesse, ainsi que par des roues arrière directrices, un freinage carbone-céramique et une suspension pneumatique adaptative capable de scanner la route en temps réel.
Côté consommation, l’Emeya R oscille entre 21.5 kWh/100 km en cycle mixte et 23.8 kWh/100 km en milieu urbain. A rythme soutenu, la mesure pointe à 28.7 kWh/100 km.
Au volant
Avant d’entamer mon essai, une interrogation tourne en boucle : comment une voiture aussi imposante peut-elle prétendre à l’ADN de la marque ? Je ne vais pas faire traîner le suspens plus longtemps : mes doutes s’estompent rapidement. Les 675 kW (ou 905 chevaux) et les 985 Nm de couple font très vite oublier l’embonpoint de la GT.
Grâce aux roues arrière directrices et à une gestion intelligente de la transmission intégrale, l’Emeya R surprend par une maniabilité exceptionnelle, surtout en ville. Son rayon de braquage défiant les lois de la physique la rend presque intuitive dans les ruelles étroites et les parkings, bien aidée par un arsenal technologique de caméras et de capteurs ultraprécis.
Sur route ouverte, l’Emeya R délivre des accélérations fulgurantes, avec une réponse immédiate à chaque pression sur l’accélérateur. Malgré son poids, elle offre un bel équilibre entre dynamisme et confort même si le bruit des suspensions rappelle sa nature sportive. En mode Touring ou Range, elle sait aussi se montrer douce et apaisée, idéale pour voyager en famille sans brusquerie.
Sur autoroute, l’Emeya R impressionne par son confort et son excellente insonorisation. Le régulateur adaptatif et les capteurs gèrent efficacement la circulation. En conduite semi-autonome cependant, quelques limites apparaissent : les changements de voie manquent de fluidité et la voiture hésite parfois après un dépassement. Lotus devra affiner ses systèmes pour rivaliser avec les meilleurs, même si une future mise à jour logicielle pourrait corriger ces imperfections.
Puis vient l’épreuve ultime : la conduite dynamique. Là où une Lotus doit dialoguer avec la route, l’Emeya R dévoile une facette inattendue. Sa suspension inspire une confiance immédiate, son grip impressionne, même sur une chaussée froide et avec des pneus hiver. Le couple électrique catapulte la voiture à la moindre pression, les quatre roues s’accrochent au bitume avec une détermination féroce. Le freinage carbone-céramique répond avec mordant et constance. Certes, la masse se ressent à l’attaque d’une courbe, mais la précision du châssis et l’équilibre général maintiennent la maîtrise. Dans les enchaînements serrés, le train avant reste vif, tandis que l’arrière, aidé des roues directrices, suit avec une agilité surprenante.
En mode Track, les aides s’effacent. L’Emeya devient joueuse, accepte les dérives, libère sa puissance avec une brutalité maîtrisée. Chaque virage devient une catapulte. Moins ballerine qu’une Elise mais d’une vivacité étonnante pour son gabarit, elle demande engagement et finesse pour révéler tout son potentiel, laissant la part belle au pilotage.
Verdict
Le plaisir et la passion de la conduite ne viennent pas directement d’une idéologie intransigeante et invariable. C’est une harmonie d’ensemble qui, servie par une vision honnête, génère des sensations singulières. Ce sont ses dernières qui nourrissent à mon sens la passion et suralimentent le plaisir. C’est la tête pleine de doutes que j’ai commencé ce test, pour en définitive ne plus vouloir rendre la voiture, pour ne pas dire vouloir la mettre dans mon garage.
La Lotus Emeya R est une voiture à part, qui ne parlera pas à tout le monde. Les amoureux de benzine passeront leur chemin, les radicaux la bouderont. Elle intéressera les curieux, les amoureux de nouveaux concepts, les sages grands enfants qui parfois voudront lâcher les watts. Avec cette voiture, le constructeur britannique réussit ce que je pensais être impossible : délivrer la parfaite polyvalence.
Prix et options – Lotus Emeya R
Prix de base : CHF 180’560.-
Comfort Seat Pack : CHF 4’230.-
Parking Pack : CHF 2’230.-
Extended Interior Carbon Pack : CHF 1’830.-
Extended Carbon Pack : CHF 5’460.-
Highway Assist Pack : CHF 2’000.-
Jantes 21″ 10 branches en alliage forgé, Gloss Black : CHF 920.-
Freins carbone céramique : CHF 7’150.-
Caméras latérales : CHF 1’840.-
Volant carbone habillé en Alcantara : CHF 520.-
Sellerie cuir nappa : CHF 2’800.-
Inscription “Lotus” en noir : CHF 180.-
Toit en carbone : CHF 4’120.-
Prix TOTAL : CHF 213’840.-
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Nos remerciements à Lotus Cars Europe pour le prêt de cette Lotus Emeya R et au Park Garage à Thalwil pour leur soutien logistique.
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