Essai – Lotus Emira i4 : Le dernier souffle
Lotus, constructeur connu et reconnu pour ses sportives légères et performantes prône depuis toujours le slogan évocateur « Light is Right ». Mais avec les normes de sécurité actuelles, il est de plus en plus compliqué de respecter cet adage. L’Emira, ultime exercice de la marque britannique pour ravir le cœur de ses passionnés de toujours, tente de conserver cet esprit tout en mettant en avant des qualités de véritable GT. Vérifions ces belles promesses en prenant le volant d’une anglaise aux lignes enchanteresses.
Texte : Sébastien Morand / Photos : Sébastien Morand, Yann Ueltschi
On ne compte plus les constructeurs automobiles qui abandonnent les motorisations thermiques au profit de l’électrique, même certains des plus fervents supporters du plaisir de conduire comme Lotus. Depuis peu, la marque anglaise sous contrôle chinois propose une nouvelle gamme de véhicules 100% électrique. Il y a tout d’abord eu l’Evija, une supercar ultra exclusive, puis l’Eletre, un grand SUV dont nous vous proposerons un essai complet très prochainement et finalement l’Emeya, une imposante berline. Sacrilège pour les adeptes de Lotus ou évolution logique pour les plus pragmatiques, vous choisirez votre camp.
En attendant que la gamme carbure uniquement aux électrons comme prochainement pour Jaguar ou Alpine, il reste fort heureusement une digne défenderesse de la passion automobile, j’ai nommé l’Emira dont nous prenons le volant aujourd’hui.
A l’extérieur
Dès ma première rencontre avec l’Emira, je suis tombé sous le charme. Ses lignes racées offrent une élégance envoutante. On peut lui trouver des airs de Ferrari ou de McLaren, c’est indéniable. Cependant, lorsqu’on la découvre en vrai, elle est bien plus compacte que ces dernières. En termes de gabarit, elle est plus proche d’une Alpine A110 ou d’une Porsche Cayman. A mes yeux – et je ne suis pas le seul au vu des commentaires pendant mon essai – l’anglaise les surpasse alégrement au niveau de la beauté.
Un avant acéré avec des optiques au regard prononcé, diverses entrées d’air mais aussi quelques attributs pour parfaire son aérodynamique, il est facile de se faire une place sur la piste de gauche de l’autoroute. Dès son apparition dans le rétroviseur de la voiture qui vous précède, elle se rabat pour vous laisser passer et cela malgré la teinte noire de notre voiture d’essai. J’aurais aimé quelque chose de plus original pour une Lotus.
Les flancs sont sculptés et athlétiques, avec un coup de crayon qui fait la part belle à la fluidité. L’arrière est large et très affirmé, avec des ouïes d’aération qui font référence à sa grande sœur électrique, l’Evija. Je lui trouve des ressemblances avec ses compatriotes de Woking par la signature lumineuse des feux arrière.
Sans faute de goût, l’Emira est une reine de beauté. Ses proportions compactes lui confèrent un style alliant sportivité et délicatesse, avec une pointe de raffinement.
A l’intérieur
Même constatation au moment d’ouvrir la porte conducteur, c’est beau ! L’habitacle offre une très belle présentation, avec un niveau de finition élevé, parfaitement dans l’esprit d’une GT premium. Et lorsqu’on prend place à bord, fini la gymnastique nécessaire pour s’installer dans les précédentes Lotus ; ici, tout se fait avec facilité, même en tenue de ville. Certes, ça reste un coupé sportif mais rien d’extrême. D’ailleurs, c’est la grande différence avec les précédentes pseudo GT que la marque nous avait proposées, l’Europa deuxième du nom et l’Evora. Là, les ingénieurs d’Hethel ont vraiment réussi leur proposition et l’Emira se veut tout aussi pratique qu’une Porsche Cayman.
L’agrément se confirme lorsqu’on aborde l’infodivertissement ; c’est vraiment une bonne surprise tant le système est rapide et efficace. Il intègre Apple Car Play et Android Auto, à l’instar de ce qui se fait de mieux actuellement.
Dans cette stricte deux places, les sièges sont relativement confortables même si je leur reproche un léger manque de maintien latéral. J’ai surtout été marqué par une assise trop haute à mon goût. Je m’attendais à bien plus bas vu le look de la voiture. Néanmoins, après quelques jours, je me suis presque habitué et cela présente l’avantage d’offrir une bonne vision périphérique.
Avec un volume de 151 litres, le coffre n’est pas phénoménal, sans compter qu’il a tendance à bien réchauffer vos affaires vu sa proximité avec la motorisation. En complément, il y a également un peu d’espace derrière les sièges et pour moi, c’est un véritable plus. Ainsi, lorsqu’on va travailler, on peut y glisser une mallette avec un ordinateur ou un sac à main pour vous Mesdames conductrices de voitures passion.
Sous le capot
Il y a deux options pour la motorisation de l’Emira. D’un côté, un V6 3.5 litres à compresseur d’origine Toyota, celui qui équipait les dernières Exige. Il propose 406 ch pour un couple de 420 Nm et est associé à une boîte à 6 rapports manuelle ou automatique. De l’autre, un quatre cylindres 2.0 biturbo provenant de chez AMG et offrant 364 ch pour un couple de 430 Nm. Ce dernier est proposé uniquement avec une transmission à double embrayage DCT à 8 rapports.
Pour cet essai, j’ai hérité de cette seconde version. Je vais être direct : n’étant pas fan de ce combo moteur/boîte dans les autos de la marque à l’étoile, je pars avec un léger a priori négatif. Sans surprise, il ne me faut pas longtemps pour confirmer ma déception à l’égard de cette mécanique. Pour moi, elle est dépourvue d’âme et chantonne une musique qui sonne faux, agrémentée de sifflements à l’admission qui sont fatigants sur un long trajet. Et la boite DCT n’améliore pas l’expérience, j’y reviens dans un moment. J’ai également peu apprécié la commande de transmission, aussi bien pour passer de « D » à « R » via « N », action qui demande de la patience en marquant clairement chaque changement, que dans le feeling à l’utilisation des palettes.
Quant à la consommation, j’ai mesuré une moyenne de 10.98 l/100km durant mon essai alors que l’ordinateur affichait 10.2 l/100km. Ne disposant de la voiture que pour quelques jours, je n’ai pas hésité à solliciter les chevaux à disposition. Toutefois, sur un trajet exclusivement autoroutier entre Nyon et Vevey, l’ordinateur de bord m’a gratifié d’un honorable 6.8 l/100km, démontrant qu’en roulant plus raisonnablement, il ne devrait pas être difficile d’abaisser cette moyenne.
Au volant
Le maître-mot lorsqu’on parle de Lotus, c’est l’expérience de conduite ! Étant moi-même propriétaire d’une Elise depuis plus de 20 ans, c’est bien là que j’étais impatient de découvrir l’Emira.
Première surprise, je me glisse à bord sans contorsion. Toutes les commandes tombent parfaitement sous mes mains et il me faut que quelques instants pour connecter mon téléphone. Voilà un premier exercice parfaitement réussi pour une voiture à vocation GT. Dès les premiers tours de roues, je constate une évidente facilité de prise en main et une excellente maniabilité grâce à un rayon de braquage relativement court. Que des bons points pour une GT. Ma voiture d’essai dispose du châssis Touring, un atout si l’on souhaite l’utiliser au quotidien.
A l’heure des directions à assistance électrique, j’apprécie tout particulièrement le fait que l’Emira dispose encore d’une assistance de direction hydraulique. Elle procure un bon feeling dans le volant même si je trouve que les premiers degrés sont un peu flous.
J’aborde les premiers kilomètres avec un trajet autoroutier en laissant le mode Tour et la boîte en automatique. Et là, on oublie toute émotion car dans ces conditions, l’ambiance à bord est celle d’une banale auto sans vocation plaisir. Un peu frustrant pour le passionné que je suis même si je reconnais que ça fait le job en matière de voiture de tous les jours.
Rapidement, je rejoins des portions routières plus en adéquation avec ce que je veux vérifier et je bascule en mode Sport. L’ambiance sonore augmente d’un niveau mais comme déjà écrit, ça chante faux à mes oreilles. Même en mode Track, ça reste toujours peu enivrant. J’augmente le rythme et je suis rapidement frustré par le comportement de la boîte à double-embrayage. En pleine charge, les rapports montent relativement vite mais lors de sollicitations plus modérées ou des rétrogradages, c’est trop lent. Il y a un délai marqué entre le moment où j’actionne la palette et le changement de vitesse. Malgré une puissance bien présente, le ressenti est entaché par cette transmission DCT. Difficile d’en vouloir à Lotus, j’avais eu le même feeling au volant de l’A45 AMG.
A l’inverse et fort heureusement puisque c’est là que réside l’esprit Lotus, je suis subjugué par le comportement routier de l’Emira. Elle distille des sensations proches de celles d’une McLaren, avec un train avant précis et incisif offrant un touché de route exceptionnel. La voiture avale les courbes avec une agilité exemplaire et sans roulis. C’est un régal d’enchaîner les virages qui se suivent à un rythme démoniaque. Même avec cette configuration Touring, l’Emira est diablement efficace. Je suis bien aux commandes d’une véritable Lotus, quel bonheur !
Pour couronner cet essai, grâce à l’aimable collaboration d’un heureux propriétaire habitant dans la région, je peux parcourir quelques kilomètres avec une Emira V6. En matière de performances pures, il n’y a pas grandes différences. Pourtant, l’ambiance est toute autre, notamment grâce au feulement du moteur. De plus, je constate la rigueur accentuée d’une auto équipée du châssis Sport tout en appréciant la boîte manuelle qui rend l’expérience plus excitante encore.
Verdict
Toutes les bonnes choses ont une fin et, après quelques jours, il me faut déjà ramener la belle anglaise. Je reste sur ma faim quant à l’agrément de l’ensemble moteur-boîte AMG mais à l’exception de ce point, ma rencontre avec la Lotus Emira est une réussite totale pour le passionné et adepte de longue date de la marque anglaise que je suis. Elle répond à mes attentes en matière de plaisir de conduite mais surtout – et c’est important pour une GT – par ses aptitudes d’usage au quotidien.
Proposée dès CHF 102’480.-, l’Emira est plus chère qu’une A110 S mais moins qu’une A110 R qui est nettement plus radicale. En tenant compte de la puissance supérieure de l’anglaise et d’un équipement un peu plus étoffé, elles font jeu égal selon moi. Ça reste aussi une question de goût et même si j’aime beaucoup la française, mon cœur penche pour l’Emira. D’une part parce que je la trouve nettement plus belle mais aussi parce qu’elle est un peu plus pratique au quotidien, notamment en matière d’espaces de rangement, de système d’infodivertissement et d’ergonomie à bord. Face à la Porsche 718 Cayman, le tarif et la puissance placent l’Emira entre les modèles S et GTS mais c’est sans compter la liste des options qui font exploser le prix de l’allemande.
Avec ma passion avouée pour les constructeurs anglais, ces conclusions peuvent sembler évidentes. Cependant, si on parle uniquement des prestations GT pures, l’Emira n’a vraiment rien à envier à ses concurrentes alors que certaines idées préconçues pourraient laisser penser le contraire. En y ajoutant son originalité sans égale et sa ligne à couper le souffle, difficile de ne pas succomber à cette Lotus qui sera vraisemblablement la dernière équipée d’un moteur thermique.
Ultime regret, au moment de finaliser cette publication, j’apprends que la déclinaison V6 n’est déjà plus proposée par le constructeur, quel dommage !
Prix et options – Lotus Emira i4 First Edition
Prix de base : CHF 103’420.-
Peinture “Cosmos Black” : CHF 1’500.-
Volant cuir noir avec surpiqures grises : CHF 525.-
Étriers de frein rouge : CHF 420.-
Système domotique HomeLink : CHF 250.-
Traqueur de véhicule : CHF 662.-
Prix TOTAL : CHF 106’777.-
Pour partager vos impressions, rendez-vous sur notre page FaceBook.
Nos remerciements à Lotus Genève / Autobritt SA pour le prêt de cette Lotus Emira i4 First Edition et pour leur soutien logistique, ainsi qu’à Cédric B pour sa collaboration.
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