Essai – McLaren Artura : 4 salles, 4 ambiances

Avec la marque McLaren viennent immédiatement en tête nombre de mots chatoyants : Formule 1, Senna, supercar, sportif, racé, caractère, etc. Les qualificatifs ne manquent pas, portés par un héritage conséquent et une philosophie sans concession : l’automobile doit être source d’émotions et la performance est la gardienne du temple. Cela implique de la passion, laquelle ne fait souvent pas bon ménage avec la raison.

  • V6 biturbo, essence, 2’993 cm3
  • 671 ch à 7’500 t/min
  • 720 Nm à 2’250 t/min
  • Boîte de vitesses double embrayage, 8 rap.
  • Vitesse maxi : 330 km/h
  • 0 à 100 km/h en 2.9 sec.
  • Poids : 1’396 kg
  • Long./larg./haut. (mm): 4’539 x 1’913 x 1’193
  • Conso. mesurée : 8.7 l/100 km
  • Emissions CO2 : 104 g/km (B)
  • dès CHF 251’800.-, mod.essayé CHF 281’068.-


Texte : Matthieu Giraudier / Photos : Jeremy Pillier


Cela n’aura échappé à personne : la question du climat est désormais un enjeu mondial majeur, poussant les politiques à agir, à commencer par l’industrie automobile. De nos jours, il ne suffit plus de concevoir des véhicules plus sobres ; les constructeurs doivent aussi proposer une gamme moins gourmande en énergie fossile, sous peine de se voir frapper par des malus financiers conséquents. Une situation peu idéale pour les constructeurs spécialisés dans les segments « supersport » ou « hypersport » comme McLaren.

L’électrification est donc la voie trouvée pour les hommes de Woking, qui n’en sont pas à leur coup d’essai, ayant fait une cultissime incursion dans le monde de l’hybridation avec la McLaren P1. Avec l’Artura, les Britanniques réussissent-ils à nouveau le tour de force d’une hybridation performante et vivante ? La réponse dans la suite.

A l’extérieur

Bon sang ne saurait mentir. Et ce n’est pas l’Artura qui fera jurer l’ADN esthétique de la marque. On retrouve chez elle tout ce qui fait le sel de la marque : un style racé, agressif sans être prétentieux, un design sport sans bling-bling, un exotisme raffiné rempli de détails flatteur à l’œil.

La sportive se pare de moults éléments phares de la marque : les signatures lumineuses avant et arrière acérées, une proue volontaire portée par un bouclier ciselé et un nez en flèche, la ligne ceinture haute et plongeante vers l’avant ou encore les proéminentes sorties d’échappements placées au centre de la face arrière. J’aime à me perdre dans les éléments disséminés çà et là. On peut citer les échancrures du pilier B, les aérations de l’arche de roues avant ou la grille à motif nid d’abeille qui pare la face postérieure de l’auto.

L’esthétique de l’Artura est en parfaite adéquation avec son placement dans la gamme : l’entrée de gamme de la « Sport Series ». En rien outrancier, le dessin respire la performance.

Vous l’aurez compris, je suis clairement sous le charme. Je peux concéder aux plus critiques que l’esthétique de l’Artura ne s’écarte que trop peu des standards McLaren ; ceci dit, avec un style d’ensemble si distinctif et si réussi, il me paraîtrait hardi de vouloir réinventer la roue.

A l’intérieur

Nul doute, l’habitacle reflète aussi l’esprit McLaren. Les fioritures sont peu nombreuses, les fonctionnalités sont centrées sur le conducteur, le confort est présent mais pas débordant.

On retrouve une colonne centrale épurée, avec une partie basse qui se résume aux seuls boutons « Start/Stop », « D », « N » et « R ». Exit les boutons d’ajustement de la cartographie moteur, de la direction et de la suspension. Ils ont été ingénieusement intégrés à la casquette du cockpit, permettant un passage éclair entre les différents modes moteur ou châssis, sans même quitter les mains du volant. Tout est fait pour attaquer le bitume, pas pour planter des radis.

Sur la partie supérieure trône le moniteur central, dont l’intégration n’est pas de plus gracieuse. C’est posé là, légèrement tourné vers le conducteur. Certains diront que c’est limite, d’autres argueront que c’est dans la philosophie de la marque. A titre personnel, j’appartiens plutôt au deuxième segment. Ce qui m’a le plus chagriné, c’est le « McLaren Infotainment System II » qui s’est montré un peu capricieux et pas franchement à la hauteur de ce que fait la concurrence ou l’industrie automobile en général. Et encore, le GPS est resté un vrai mystère pour moi : je n’ai pas été capable d’entrer une adresse dans le système. J’ai trouvé comment me rendre à la concession McLaren de Manchester, aller à la station essence la plus proche mais pour revenir à la maison, impossible. Rien de mortel si on considère le type de voiture qu’est l’Artura mais l’expérience s’en trouve un peu bêtement écornée.

Le combiné compteur s’incruste parfaitement au cockpit. Il offre une excellente résolution et profite d’un affichage limpide de toutes les informations essentielles. Sur ce point, on sent une nette avancée de la marque anglaise. Autre point fort, le poste de conduite : le siège Clubsport de série se règle facilement bien que toutes les dimensions ne soient pas ajustables électriquement. Il offre un excellent maintien et un confort étonnement bon. L’ajustement du volant à méplat permet de trouver une position parfaite. Aucun doute, on choie le conducteur.

Dans l’ensemble, on sent une franche amélioration. L’équilibre entre confort et sportivité est pragmatique et bien dosé, la finition est plus qualitative, avec moins de grincements ou craquements. Le filtrage sonore fait aussi un bon en avant. L’habitacle est agréable et soigné et excelle dans ce qui est attendu : offrir un environnement propice à la conduite sportive.

Sous le capot 

Il y a bien quelques passionnés de McLaren qui ont vu trouble à l’annonce du modèle et ont crié à l’hérésie : bye-bye le traditionnel V8, bonjour le V6. Et qui plus est, la cylindrée passe sous la barre des 3 litres, n’affichant « que » 2’993 cm3. Heureusement, les turbos restent au nombre de deux. Le bloc est couplé à une boîte de vitesses SSG (Seamless Shift Gearbox) à 8 rapports.

Si le moteur thermique connaît la décroissance, il est tout de même accompagné d’un moteur électrique, activable seul ou en combinaison avec le bloc à six pattes. Petite particularité, il assure seul la marche arrière.

Le groupe motopropulseur affiche des caractéristiques affolantes. Le tout met à disposition 671 ch et surtout 720 Nm de couple à seulement 2’250 t/min. Avec 1’396 kg à vide, soit seulement 52 kg de plus que sa prédécesseure la 570S, les performances sont tout simplement ahurissantes : le 0 à 100 km/h n’est qu’une question de 2.9 sec et la vitesse de pointe atteint 330 km/h.

Côté consommation, hybridation oblige, les valeurs sont raisonnables : j’ai pu observer une stabilisation autour des 8.7 l/100 km en cycle mixte musclé, avec un maximum à 11.5 l/100 km sur un parcours nettement plus « énervé ». La batterie de 7.4 kWh assure une autonomie tout électrique de 31 km, un chiffre confirmé dans la réalité. Il est possible de recharger la batterie en roulant ou via une borne de recharge. Il faut compter un peu plus de 2h30 pour remettre 80% de la charge depuis zéro via un câble EVSE.

Au volant

Il y de cela quelques années déjà, j’avais eu la chance d’essayer la McLaren 570S le temps d’une poignée de tours sur le Circuit de la Bresse puis, quelques années plus tard, sa variante Spider et plus récemment la GT qui oeuvre certes dans un segment légèrement différent. De quoi me donner des valeurs étalon bien utiles pour l’essai de cette Artura.

Le test d’une supercar est toujours un moment singulier, quand bien même ce n’est pas la première fois. On sort du cadre ordinaire pour entrer dans le monde de la véritable sportivité. Essayer une McLaren est encore plus particulier car fan inconditionnel de Formule 1 depuis ma tendre enfance, la marque de Woking occupe une place à part dans mon cœur. Je revois encore le poster de la McLaren F1 apposé dans ma chambre à côté de celui de la Jaguar XJ220 et de la Ferrari F40.

Malgré l’excitation générale à tester cette Artura, j’ai quand même dans le coin de ma tête mon lot d’interrogations : le V6 avec le soutien de l’électrique fera-t-il aussi bien que le V8 ? Va-t-elle avoir autant d’âme que ses sœurs déjà essayées ?

L’expérience commence avec l’ouverture des portes en élytre, le petit truc qui fait la différence. J’y découvre un environnement chatoyant, en finition « Mojave Tan » et avec accents « Jet Black ». Le mélange de noir, de brun et des détails bleu azur est franchement réussi. Pour parachever le tout, les ceintures orange Papaya donnent un caractère McLaren sans pareil.

Sans plus attendre, je mets en route. Le silence absolu, point de sursaut rauque venant d’un moulin caractériel. C’est franchement déroutant. Je me mets alors en mouvement. L’Artura se montre très manœuvrable, franchement civilisée, douce comme un bonbon. Elle glisse tranquillement en toute discrétion. La vélocité est bonne, mais pas fulgurante, juste bien pour me faufiler dans un centre urbain un peu dense ou au milieu d’une autoroute un peu chargée. C’est juste très facile. Sans surprise, les suspensions sont fermes mais très loin de l’effet « planche à pain ». On peut sans peine aller chercher le pain sans risquer le tassement de vertèbres.

Après une petite escapade à la force de l’électron, je me décide à activer le mode « Confort ». Le V6 se réveille alors, dans une sonorité caverneuse sublimée par la ligne d’échappement sport. Après un court moment de mise en service et de chauffe, le moteur se connecte à la transmission. Je sens immédiatement la différence. C’est plus direct, plus réactif et plus coupleux. La réponse aux sollicitations reste tout de même lisse, pour demeurer dans le domaine du vivable. J’y découvre alors une sportive avec de belles aptitudes de GT. Le bloc V6, bien soutenu par l’électrique, offre un bel agrément de conduite. Il relance très bien dans toutes les situations. La boîte SSG se montre réactive sans trop en faire. Avec 8 rapports, elle est toujours dans une plage confortable pour « cruiser » ou au contraire hausser le rythme. J’apprécie la direction, précise, fine et communicante. Jamais de flou, je suis toujours en contact avec la route, un vrai bonheur.

Mais je ne suis pas là pour ça. Je n’ai qu’une curiosité : savoir ce qu’elle vaut en mode « Sport » et surtout en mode « Track ». J’attends les premières lueurs d’un jour sans nuage pour faire parler la machine. La route est séchante et le bitume assez frais en cette journée de milieu d’automne. Ce ne sont pas des conditions optimales mais tout de même adéquates pour juger du potentiel de l’Artura. Alors qu’un col jurassien se présente à moi, je bascule en mode « Sport ». L’Artura offre alors un nouveau visage. Le groupe motopropulseur ne fait plus dans le détail. Je laisse avec délectation traîner les rapports, le V6 lâchant çà et là des harmoniques crépitantes. La sportive est dans son milieu, elle bondit de virage en virage. Pas le moindre roulis, du grip et rien que du grip. Je suis incroyablement étonné par le coffre du combiné thermique / électrique. Il n’y a aucun répit, pas de creux. Inlassablement, ça pousse, avec une allonge à n’en plus finir.

Du coup, que réserve le mode « Track » ? Une pression pour le « Powertrain », une pour le « Handling » et je vais savoir. La partie la plus sinueuse arrive alors, le moment parfait. Celle qui ne me laissait pas de repos révèle son vrai visage : la hargne incarnée, la rage matérialisée. Elle est brutale, parfaitement sauvage. En courbe, l’Artura se montre outrageusement joueuse, tant le couple est envoyé sans presque aucun filtre. Les suspensions montrent là un début de limite. Les trains avant et arrière ont beau être fermes, les gros transferts de masses malmènent la suspension. Sur les plus grosses sollicitations, l’essieu arrière devient flou, signe que le décrochage n’est pas loin. Mais comparativement à la précédente génération, le gain de grip est net et réel. Elle tient aussi la dragée haute à la concurrence. A gamme équivalente, rares sont les autos pouvant jouer à armes égales. J’espérais découvrir une belle sportive, je me retrouve aux commandes d’une arme de guerre. Tout simplement bluffant.

Verdict

4 modes, 4 salles, 4 ambiances. Du tout-électrique mielleux au mode « Track » assassin, cette Artura est capable de déployer une gamme des modes de performance d’une rare efficacité. L’exercice de la polyvalence est extrêmement périlleux, bien souvent décevant. Il n’en est rien ici. En tout temps, on garde à l’esprit que c’est une sportive mais qui se transforme pour mieux répondre aux différents besoins, sans jamais sacrifier la philosophie centrale de McLaren : la quête de sensations et d’émotions.

En combinant V6 et moteur électrique, les hommes de Woking démontrent une nouvelle fois que l’hybridation n’est pas synonyme de sacrifice, bien au contraire. C’est simplement faire mieux, autrement. En conclusion, pour détourner la célèbre phrase d’Alfred de Musset, qu’importe le moulin pourvu qu’on ait l’ivresse. Avec cette machine, j’ai fini franc-saoul.

Prix et options – McLaren Artura 

Prix de base : CHF 251’800.-

Finition intérieure « TechLux » : CHF 8’349.-

Technology pack : CHF 8’085.-

Echappement sport : CHF 4’313.-

Isolation thermique du pare-brise : CHF 541.-

Ajustements lombaires pour sièges ClubSport : CHF 702.-

Jantes alliages à 10 branches : CHF 3’450.-

Finition pour jantes « Gloss Black » : CHF 1’622.-

Finition des étriers de freins : CHF 1’794.-

Ceintures MSO « Papaya » : CHF 414.-

Prix TOTAL : CHF 281’068.-

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Nos remerciements à McLaren Geneva pour le prêt de cette McLaren Artura et pour leur soutien logistique.

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